Jean de Kervasdoué : « Le système de santé est devenu soviétique »

Portrait de Jean de Kervasdoué. Crédit photo : Hannah Assouline/Opale/Leemage

L’ancien directeur des hôpitaux passe l’organisation de la santé en France au scanner. Son diagnostic est sévère : lobbys sclérosants, diktat économique, manque d’experts médicaux et absence totale de vision politique.

Il a dirigé les hôpitaux au ministère de la Santé. Il est l’un des spécialistes français de notre système de santé, auteur de nombreux ouvrages et de chroniques régulières et éclairées sur le site du Point. Le tableau que Jean de Kervasdoué dresse dans cette interview est accablant. Résumons-le. Pas de politique de santé, aucune vision chez nos gouvernants. Juste un souci de l’économie lié à une crainte à l’égard de ce secteur. Faute de contre-pouvoir, le pouvoir est aux lobbys, aux intérêts divergents, qui bloquent toute réforme. Contrairement aux autres ministères, celui de la Santé n’a jamais disposé de grandes compétences techniques. Profitant de ce vide, les juristes et les financiers ont pris les manettes. Ce sont eux, les directeurs du Budget, de la Sécurité sociale, de la Caisse nationale de l’assurance-maladie, qui tiennent les rênes. Pour couronner le tout, les directions du ministère ont englué les acteurs médicaux dans une toile d’araignée de contraintes. Faible et tatillon : ainsi se définit l’État en matière de santé publique. Jean de Kervasdoué propose quelques pistes pour en finir■

Le Point: La pandémie a révélé des faiblesses criantes en matière de politique de santé publique. Comment les expliqueriez-vous?

Jean de Kervasdoué : Il n’y a pas de politique de santé en France. Il y a parfois des éléments de politique médicale, mais santé et médecine ne sont pas synonymes, parce que de très nombreux facteurs qui influencent la santé ne sont pas d’ordre médical : consommation de tabac, d’alcool, alimentation, exercice physique… Si l’on a la cruauté de revisiter les campagnes présidentielles de 1988 à 2017, les seuls thèmes traités ont été ceux du financement et de l’accès aux soins. Ainsi, Emmanuel Macron s’est engagé pour que l’argent ne soit pas une barrière en matière de soins dentaires, de lunettes et d’appareils auditifs. Il a tenu ses promesses mais, pas plus que d’autres, il n’a parlé de médecine libérale. Il n’a rien dit sur l’hôpital ni sur nos industriels du biomédical que nous avons perdus ou qui sont partis à l’étranger, d’où l’absence de producteurs français de respirateurs. La raison est simple. Dans tous les partis politiques, et notamment au PS et chez Les Républicains, les commissions santé sont noyautées par les lobbys (syndicats professionnels, industrie pharmaceutique, assureurs privés et mutualistes, grandes associations de malades). Comme leurs recommandations sont contradictoires, il en sort… le statu quo. Certes, il y a de petites nuances entre gauche et droite, mais les experts de ces commissions sont bien présents, y compris au sein de l’État (cabinets ministériels, les trois directions du ministère et la direction du Budget, agences régionales de santé, Caisse nationale de l’assurance-maladie) et, bien entendu, dans les fédérations professionnelles dont le métier est… le lobbying et les acteurs, d’anciens hauts fonctionnaires de la santé. C’est tout un petit monde.

Si toute idée innovante est rejetée –j’en ai fait récemment l’expérience –, c’est d’abord parce qu’il n’y a pas de vision politique qui pourrait transcender ces intérêts, mais aussi parce que les politiques, le cabinet du ministère et Matignon se souviennent que les grèves sont difficilement maîtrisables dans le secteur de la santé. Les syndicats médicaux leur font peur. En outre, les mêmes intérêts (y compris ceux des grandes associations de malades contre le cancer ou le handicap) sont très influents au Parlement et c’est pourquoi la plupart des grandes réformes se sont faites par ordonnances. Ainsi, les principes de la médecine libérale sont les mêmes depuis… 1930 et la grande réforme hospitalière de 1958 n’a pas bougé d’un iota, même si son génial inspirateur, le professeur Robert Debré, proposait de réformer sa réforme dès 1972 !

Un personnage a été mis en avant par l’État: Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé. Quel pouvoir a-t-il?

Chacun a pu constater, parmi ses grandes qualités, celle de communicant. Mais cette direction importante, confiée à un médecin, a toujours été de facto assez faible. Elle fut créée il y a un siècle pour s’occuper d’hygiène, de santé mentale et de tuberculose, plus tard de vaccination, de sécurité alimentaire, de qualité des eaux, des médicaments et des différents produits toxiques. Aujourd’hui, elle n’a pas ou peu d’expertise en son sein, celle-ci se trouvant dans les agences (Haute Autorité de Santé, Santé publique France) dont elle a la tutelle. Or elle exerce peu cette tutelle, faute de moyens humains. Sa compétence est donc essentiellement juridico-administrative. Se souvenant des affaires du sang contaminé, les politiques ne veulent pas intervenir sur ces agences ; quant aux responsables de celles-ci, qui ont de fait le pouvoir, leur priorité est de se protéger par excès de précaution,

au grand dam des entreprises innovantes, notamment françaises, qui préfèrent alors tester leurs découvertes en Allemagne ou aux États-Unis. D’ordinaire, pour obtenir une autorisation et un tarif pour un test, cela prend cinq ans !

Qui détient les clés de la politique de santé en France?

Historiquement, il n’y a jamais eu au ministère de la Santé l’équivalent médical des grands corps techniques des autres ministères (Mines, Ponts, Télécoms, Eaux et Forêts, Armement, Statistiques). Certes, les médecins inspecteurs formés à l’École nationale de santé publique à Rennes sont de grande qualité, mais ils n’ont pas le prestige équivalent. Il manque ces super-médecins qui travailleraient dans les directions du ministère de la Santé, où l’on ne trouve essentiellement que des juristes, des financiers, les chefs de bureau étant des énarques. En outre, la santé publique a toujours été méprisée, voire combattue, par les universitaires des disciplines médico-chirurgicales parce que toute nouvelle discipline prend des postes, parce que surtout les cliniciens défendent l’exclusivité du regard de la médecine sur la santé. Alors que dans les grandes facultés de médecine américaines, un tiers des enseignants ne sont pas médecins mais biologistes, juristes, informaticiens, épidémiologistes, économistes, en France, la profession se garde l’exclusivité de l’enseignement.

Faute de contrepoids techniques et politiques, le pouvoir est donc aux financiers, ceux de la direction du Budget, de la direction de la Sécurité sociale (ministère des Affaires sociales) et de la Caisse nationale de l’assurance-maladie, qui est indépendante et qui représente 200 mil- liards d’euros sur les 270 des dépenses de santé. Ce sont eux qui préparent les projets de loi de financement de la Sécurité sociale. Ce sont eux qui,chaque année, ont contraint les hospitaliers à acheter en Asie en exigeant des centaines de millions d’économie sur les achats hospitaliers, ce sont eux qui ont baissé les tarifs hospitaliers de 10 % au cours du quinquennat précédent. Ce sont eux qui sont toujours au pouvoir.

Vous écriviez sur le site du «Point»: l’État a mis la main sur les statuts, les recrutements et les nominations, mais aussi sur la stratégie, les tarifs et l’investissement hospitalier. Pourquoi cette mainmise croissante?

En un demi-siècle, l’État (le ministère de la Santé et ses agences régionales) a pris tout le pouvoir sur les départements, les communes et les caisses d’assurance-maladie, au nom d’une prétendue égalité qu’il n’a jamais réduite. Il l’exerce par les nominations des directeurs et des médecins des hôpitaux publics, par les autorisations d’équipement des cliniques privées, par les tarifs de tous les acteurs, par une incontinence de règlements portant notamment sur une prétendue qualité et sécurité, par les autorisations de budget. Le problème est qu’il n’est pas capable de l’exercer. Il n’en a ni les moyens ni les compétences : l’expertise n’est pas suffisante en nombre. En retirant des moyens au ministère de la Santé, la réduction des dépenses budgétaires de l’État a beaucoup contribué, faute d’expertise interne, à l’inadéquation des dépenses d’assurance-maladie. Ainsi, alors que le tarif des actes joue un rôle essentiel pour le revenu des infirmières, des kinés, des pharmaciens, des médecins, des laboratoires de biologie, des industriels, des établissements hospitaliers, l’État, qui définit ces tarifs, n’est pas en mesure de les réviser assez souvent pour s’adapter au progrès technique. On pénalise les uns, on crée des rentes pour les autres, mais on respecte la tutelle. Le système est devenu soviétique au sens de Churchill: si en Angleterre, tout est autorisé, sauf quand c’est interdit, disait-il, en Russie, tout est interdit, même quand c’est autorisé !

Quelles sont les pistes d’une réforme du système de santé qui remettrait en question cette technocratie?

L’État doit assurer à tous l’égal accès aux soins mais surtout ne rien gérer! Voici quelques idées : payer les médecins traitants pour prendre en charge leurs malades et pas seulement pour «faire» des actes. Créer sur Internet, avec les sociétés savantes, en français, un réseau des connaissances médicales accessibles par mots-clés. Donner une liberté de gestion et donc de recrutement aux établissements hospitaliers publics. Rendre public et contradictoire le choix des tarifs. Favoriser l’industrie biomédicale française, notamment par les achats hospitaliers. Rémunérer correctement les acteurs, y compris les chercheurs. Libérer, décentraliser, laisser la possibilité de faire, de créer ; on l’a constaté en ce temps de crise où toutes les barrières ont sauté, pourquoi s’en priver ?■

« L’État doit assurer à tous l’égal accès aux soins mais surtout ne rien gérer ! Donner, par exemple, une liberté de gestion et donc de recrutement aux établissements hospitaliers. »

Lire l’article sur Le Point.

Covid 19, Une représentation de la mondialisation : vulnérabilité et chamboulements

Fathallah Oualalou

Senior fellow. PCNS.

Auteur de « La mondialisation et nous, le sud dans le grand chamboulement ».

La Croisée des Chemins.2020

L’année 2020 restera dans l’histoire celle du coronavirus, bien sûr, mais surtout, celle de l’ébranlement de nos certitudes. Le choc économique provoqué par la pandémie a révélé l’extrême vulnérabilité de la mondialisation, présentée jusque-là comme triomphante.

Si nous sommes encore loin de la sortie de crise, nous savons déjà que la mondialisation n’en sortira pas indemne : elle ne sortira pas indemne de la révision radicale du fonctionnement de l’économie, des remises en cause des politiques publiques, des systèmes politiques et sociétaux et même des  rapports entre les Etats qui se profilent déjà. Il y aura désormais l’avant Covid-19 et l’après Covid-19.

La crise économique et financière de 2008 avait déjà ébranlé la mondialisation et sa dynamique   provoquant un  début de redéploiement des rapports de forces dans le monde. Alors que lesincendies qu’elle a allumé ne sont pas encore tout-à-fait éteints, voilà qu’un petit virus vient replonger le monde dans une crise nouvelle, d’une ampleur et d’une intensité inouïes, sans précédent, à la mesure de la pandémie qu’il a provoqué.

Ainsi, en une décennie à peine, le monde et la mondialisation ont subi deux crises économiques majeures.

Sur le plan économique, la crise de 2020  est fondamentalement différente de celle qui l’a précédé : elle s’est déclarée dans l’économie réelle, alors que la crise de 2008  – comme celle de 1929 -était d’abord une crise financière avant d’atteindre la sphère de la production et finalement  la sphère sociale, où les dégâts qu’elle a provoqués se sont mesurés en dizaines de milliers de chômeurs et en  paupérisation de larges franges de la population. Les impacts sur la croissance de la crise nouvelle seront plus graves et plus profonds. Pour les contrer, il ne faudra pas moins qu’une mobilisation massive des politiques budgétaires des Etats et l’intervention vigoureuse des banques centrales et de tous les  systèmes de financement que compte la planète. Il est vrai, actuellement, les grandes banques jouissent, dans les pays développés d’une réelle solidité. Elles affichent des fonds propres deux fois plus importants qu’avant 2008 et sont soumises à des règles rigoureuses mises en place il y a 10 ans, ce qui devrait leur permettre de résister aux  chocs provoqués par  la nouvelle crise.

Parce que l’origine de celle-ci est sanitaire, la priorité sera accordée cette fois à la santé : sauver les vies humaines et, pour cela, arrêter la propagation du virus, chercher à reconnaitre sa nature, promouvoir la recherche scientifique pour mettre en place les thérapeutiques nécessaires, fabriquer les médicaments à utiliser avant de découvrir le vaccin en vue de maitriser la préservation dans le futur. Ainsi, le besoin de santé et de sauvegarde de la vie humaine vont devenir désormais  des choix stratégiques des politiques publiques. Au même rang que la sécurité et la paix, la santé est en passe de devenir  un bien commun de l’humanité.

Parallèlement à la préservation de la vie, les Etats doivent s’attaquer avec diligence à cet autre grand chantier qu’est celui de parer l’effondrement de l’économe avant de mettre en place les instruments de relance des systèmes productifs. Parce que, comme l’exprime très justement Dominique Strauss Kahn, ancien Directeur général du FMI, cette crise est une triple, et c’est sa caractéristique : c’est une crise de l’être (sa précarité), de l’avoir (offre et demande) et du pouvoir (la gouvernance domestique et mondiale).

 

Nées respectivement aux Etats-Unis et en Chine, deux premières puissances économiques mondiales, les crises de 2008 et 2020 se sont rapidement déplacées en Europe, révélant la fragilité du vieux continent, point de départ pourtant de la mondialisation au XVème siècle. Le sort de cette Europe, devenue épicentre de la pandémie – avant les Etats-Unis – et de la crise économique mondiale, nous concerne directement, nous ses voisins  sud-méditerranéens et africains parce que liés à elle par un même destin.

La sortie de la crise de 2020 se fera à partir de la Chine, comme après 2008, le début de la sortie de crise a commencé aux Etats-Unis, son point de départ.

Le cataclysme provoqué par le Covid-19 donne une image exacte de ce qu’est  la mondialisation au XXIème siècle,  de l’intensité des interdépendances des tissus productifs et … de ses dérives. Son point de départ : la Chine,  locomotive de l’économie mondiale,  à l’origine de 30% de sa croissance et de 15% de ses échanges. Avec le début du confinement et le recul de la production industrielle dans ce pays, la demande chinoise s’effondre et avec elle le prix des hydrocarbures (le prix du baril n’est plus que de 20 dollars fin mars 2020). Ce nouveau contrechoc pétrolier (après ceux de 1986 et de 2014), exacerbé par les dissensions inédites entre les grands pays producteurs, l’Arabie Saoudite (et derrière elle l’OPEP) et la Russie, est clairement le résultat non seulement de l’interférence entre  facteurs économiques et géopolitiques sur lesquels agissent les grandes puissances : Etats-Unis, Chine et Russie, mais également des antagonismes entre des puissances régionales, Arabie Saoudite et Iran, celle-ci cherchant à intensifier sa pression sur celui-là. La Russie, en refusant de suivre l’Arabie Saoudite et donc  de réduire sa production, cherche en fait à déstabiliser la nouvelle prééminence du secteur des hydrocarbures américain. Et le président Trump, que les difficultés nouvelles de l’Iran  comblent, un Iran  devenu grand foyer de la pandémie au Moyen Orient,  est tiraillé entre son désir de voir le prix du pétrole se maintenir à un niveau élevé pour répondre aux vœux des patrons des compagnies américaines qui l’ont toujours soutenu et son besoin de voir le prix à la pompe baisser pour s’attirer la sympathie du consommateur américain en cette veille de présidentielles (prévues pour novembre 2021). Le 12 avril 2020, toutes ces parties sont finalement parvenues à un accord : réduire la production pétrolière de 10 millions de barils jour à partir du 1er mai 2020, une réduction qui intervient cependant dans un contexte de baisse de la demande mondiale.

Baisse du cours des hydrocarbures et des matières premières (qui affecte surtout les pays émergents et en développement), mais aussi chute de la demande de l’ensemble des biens manufacturés, biens d’équipement, intermédiaires et de consommation, à l’exception toutefois des biens alimentaires, médicaments et partiellement des biens de luxe, vendus de plus en plus en ligne. La pandémie a en effet provoqué, en quelques jours, avec le confinement généralisé, la paralysie des systèmes productifs, la fermeture des commerces, l’insolvabilité et la pénurie des trésoreries des entreprises, la rupture des chaines d’approvisionnement, un crash boursier d’une ampleur telle que des voix se sont élevées  pour demander  la fermeture provisoire des marchés financiers.

Le monde entier sait que la sortie de crise viendra de la reprise de l’économie chinoise, mais aussi des économies du Japon, de la Corée du sud et de Singapour, pays qui se préparent déjà à l’après confinement. Mais la reprise ne deviendra effective que quand l’Europe et les Etats-Unis seront parvenus à stopper la propagation du virus. Quand l’Inde, ce grand pays, sera en mesure  de sortir de son confinement. Quand une réponse satisfaisante pourra être apportée à la question de comment endiguer la pandémie du coronavirus dans la très vulnérable Afrique.

Un retour  à l’histoire

Dans l’histoire, c’est pour des considérations sanitaires que les grandes épidémies ont été dévastatrices. Se propageant par poussées successives, elles ont occasionné de véritables ruptures démographiques qui expliquent la stagnation de la population mondiale jusqu’au XIXème siècle.  C’est le cas de la peste de Justinien (du nom de l’empereur byzantin) qui a  fait des ravages, à partir de 541 jusqu’en 767, avec un épisode paroxysmique jusqu’en 592, dans tout le bassin méditerranéen, premier berceau de la mondialisation. Elle a fait plus de 25 millions de victimes. C’est le cas de la peste noire de 1348-1352 en Europe qui a décimé plus du tiers de la population européenne d’alors et a été l’occasion de transformations majeures sur les plans politique et économique. La colonisation des Amériques par les Conquistadors  s’est accompagnée  de l’introduction dans le Nouveau Monde  de  maladies qui lui étaient inconnues  (grippe,  pneumonie, fièvre jaune, variole, paludisme) contre lesquelles les indigènes n’avaient aucune immunité et qui les décimeront,  littéralement. La colonisation du Maghreb et de l’Afrique produira peu ou prou les mêmes effets, à une échelle plus réduite  cependant. Les ravages n’en seront pas moins grands dans la mesure où ces maladies importées venaient s’ajouter aux épidémies récurrentes liées aux épisodes de sécheresse et de famine, que connaissaient ces pays. Plus tard, avec les systèmes de médecine préventive mis en place par les puissances coloniales, le rythme de hausse de la population repartira.

Depuis le XVIIIème siècle, le monde a connu plusieurs épisodes épidémiques qui ont touché près de 40% de la population mondiale.  La peste  de 1720 a occasionné la mort de dizaines de milliers de personnes dans le sud de la France ; la peste de Chine, apparue en 1855 dans la province de Yuanan et restée active jusqu’à 1840 a également été meurtrière. Le XIXème siècle (entre 1817 et 1881) compte pas moins de six grandes épidémies de choléra, et qui ont fait  des ravages considérables. A la fin de la première guerre mondiale, la grippe espagnole, partie des Etats-Unis, a contaminé, en trois vagues entre 1919 et 1920, plus du tiers de la population mondiale, faisant, selon les estimations entre 50 à 100 millions de morts. C’est l’épidémie la plus dévastatrice de l’Histoire.

Si la pandémie actuelle est un trublion pour la mondialisation –  elle a déjà créé des ruptures dans la dynamique de l’économie planétaire – elle n’en est pas moins le produit de cette même mondialisation dans sa phase actuelle dont elle épouse étroitement la logique dans tous ses aspects et manifestations : production, échanges et mobilité, une mondialisation accélérée aujourd’hui par la bipolarisation de l’économie autour de la Chine et des Etats-Unis, mais où l’Europe, son premier pôle historique, continue, malgré des régressions évidentes, à avoir un impact sur l’économie mondiale. En effet, l’épidémie  qui a pris naissance en Chine, deuxième puissance mondiale, a d’abord installé son épicentre en Europe avant de prendre d’assaut  les Etats-Unis, première puissance mondiale,  devenue depuis son foyer principal. Seule arme contre le virus, le confinement, parti également de Chine,  est devenu planétaire en moins de deux mois, créant les conditions de la deuxième grande récession mondiale de notre siècle. Et probablement la plus terrible.

Une nouvelle crise mondialisée

La crise actuelle est mondiale. Elle affecte la production et donc la croissance mondiales. Elle est partie de Wuhan, ville industrielle du centre de la Chine, un des plus grands ateliers du monde, et donc première étape des chaines de valeur mondiales pour diverses activités manufacturières telles  l’automobile, branche aujourd’hui sinistrée, ou encore l’industrie du médicament, branche qui subit la pression d’une demande accrue, pour ne citer que ces deux-là. Etant donné la complexité actuelle des chaines de production –  il n’est maintenant plus rare de voir des produits élaborés à partir de pièces provenant des quatre coins du monde – un bug, surtout à son démarrage,  met en danger toute la chaine et peut avoir des répercussions dans plusieurs pays   et/ou plonger dans le marasme tout un secteur économique (c’est le cas notamment des sites industriels de Renault et Peugeot au Maroc).

Mise à l’arrêt de la production mondiale et chute de la demande de biens et services et c’est le commerce mondial qui est sinistré, entrainant avec lui toute la sphère de la logistique  qui lui sert traditionnellement d’appui : transports tous modes, routier, ferroviaire, maritime et aérien et leurs plateformes, ports, aéroports et gares.

Face à ce  choc économique d’une ampleur sans précédent, les marchés financiers ont vacillé et toutes les bourses à travers le monde ont plongé dans le rouge, avant de se ressaisir.  Dans le même temps,  les budgets des Etats se sont mobilisés pour à la fois soutenir les activités de soins nécessaires aux populations et freiner l’effondrement des systèmes de production. Et se préparer à les aider, demain, à redémarrer.

En effet, dès la seconde quinzaine de mars 2020, alors que la pandémie continuait à faire rage,  les Etats et les banques centrales des pays développés ont commencé  à intervenir avec force dans des  cadres d’abord nationaux puis régionaux, et enfin à travers des concertations internationales (G20 du 26 mars 2020) pour essayer d’en contenir les effets dévastateurs et venir au secours des  économies. Il leur a fallu pour cela abandonner les normes classiques de l’orthodoxie budgétaire. Les principales banques centrales : FED, BCE, banques centrales de Chine, du Japon et d’Angleterre en tête, ont réduit leurs taux directeurs et pratiqué des politiques d’intervention non conventionnelles d’achat de titres publics et privés. La BCE a ainsi mis en place un plan d’urgence (de 1000 milliards d’euros) de rachat massif de leurs dettes aux Etats et aux entreprises de la zone euro sur les marchés, pour soulager les banques et  les inciter à maintenir voire relancer leurs prêts aux ménages et entreprises, et ainsi à soutenir la production et l’emploi. Ainsi, la logique « Quel que soit le coût » du président Macron, déjà exprimée en 2010 par le président de la BCE Dragui, est plus que jamais d’actualité.

Les pays de l’UE ont convenu de mettre en place un plan de soutien de 540 milliards d’euros en apportant des garanties à la BEI pour qu’elle mette à la disposition des entreprises  200 milliards d’euros et donnant son feu vert à la Commission pour qu’elle lève 100 milliards d’Euros sur les marchés et les prête aux pays qui en expriment le besoin. Malgré les réticences de l’Allemagne et des Pays Bas, les Etats membres de l’UE  pourraient même activer le Mécanisme européen de stabilité  – MES créé en 2012 et doté de 450 milliards d’euros, mécanisme que les pays les plus touchés par l’épidémie, comme l’Italie et l’Espagne jugent insuffisant : pour faire face à la crise, ils réclament un mécanisme européen de soutien exceptionnel : mutualisation des dettes publiques ou encore mise en place d’un emprunt commun et l’émission de « coronabonds ».

Enfin, les G7 et G20 en sommets d’urgence les 16 et 26 mars par visioconférences  ont décidé d’injecter 7000 milliards de dollars pour contrer les effets à court terme de la pandémie et soutenir l’économie mondiale.  Ils ont recommandé la suspension du service de la dette des 76 pays les plus fragiles pour une année.

Au niveau interne, le gouvernement allemand de son côté,  a « sorti le bazooka » en mettant une ligne de crédit de 550 milliards d’euros à la disposition des entreprises qui en auront besoin et leur éviter la faillite.

Aux Etats-Unis, un plan de relance exceptionnel de 2.000 milliards de dollars a été programmé : les ménages modestes recevront dès début avril 2020 des chèques du Trésor d’un montant de 1200 dollars par adulte, de 2400 dollars par coupe et 500 dollars par enfant. L’objectif est de relancer la consommation et donc la machine de production. Ce  plan prévoit également 700 milliards de dollars d’aide aux entreprises en difficulté et 100 milliards de dollars pour les hôpitaux débordés. Pour financer ce plan, l’ultra libéral Trump a recours à une simple création monétaire  ou « monnaie hélicoptère » selon l’expression de Milton Friedman.

Parce qu’elle est d’origine sanitaire, cette crise touche la dimension humaine de la mondialisation. Elle a conduit à la fermeture des frontières nationales, même à l’intérieur des communautés régionales (UE) et à l’arrêt brutal des activités touristiques, sonnant le coup d’arrêt du transport aérien et des tous les services qui lui sont attachés. Toutes les manifestations sportives, culturelles et artistiques ont été différées voire annulées : Jeux Olympiques de Tokyo,  Festival cinématographique de Cannes, etc.

Une note optimiste cependant : la crise du coronavirus a révélé la dimension mondialisée de la recherche médicale et scientifique dans sa course pour trouver le vaccin et/ou remède contre le Covid-19 et l’excellence de l’interconnexion entre laboratoires et instituts de recherche à travers le monde. Ainsi, toute la recherche mondiale est mobilisée pour trouver la parade thérapeutique face au coronavirus dans un esprit de collaboration et d’échange.

Des leçons à tirer

Cette pandémie du Coronavirus  a révélé à notre société mondialisée sa profonde fragilité et ancré dans les esprits la certitude que c’est seulement par une action concertée que l’on pourra en venir à bout et avancer.

Ainsi, au plus profond de la crise sanitaire, est en train d’émerger un besoin d’unité et de solidarité. Solidarité entre les Etats et nations,  et solidarité à l’intérieur de celles-ci entre les classes sociales et les générations.

Covid-19 a mis en lumière les limites de l’ultralibéralisme et de l’individualisme. Les règles du marché ne peuvent plus, seules, diriger le monde : l’Etat, que l’on veut désormais protecteur, aura la mission stratégique d’en redresser les dérives qui se mesurent en termes de détérioration de l’environnement (dimension écologique), d’accentuation des inégalités (dimension sociale) et maintenant d’apparition d’épidémies (dimension sanitaire). Car, de ces dimensions dépend l’avenir de l’humanité. Xavier Ragot, économiste français a d’ailleurs très justement  écrit que « l’essence de l’Etat est la survie des individus ».  Comme en temps de guerre.

La reconnaissance de notre commune vulnérabilité est en train de modifier profondément notre perception des systèmes de fonctionnement en vigueur jusque présent. Ce qui est en soi un vrai espoir pour l’avenir, qui transparait déjà  dans les débats sur  l’après-coronavirus. Alors, il aura été fait « bon usage de la catastrophe » (Cf  l’essai de Régis Debray, « Du bon usage des catastrophes » – Gallimard 2011). Et les victimes du Covid-19 ne seront pas mortes pour rien.

Et reconnaitre les limites des modes de développement prédominants, c’est déjà innover pour créer de nouveaux paradigmes. Oui  au progrès, mais à un progrès solidaire. La prise de conscience de la fragilité du monde appelle en effet à plus de partage dans les rapports entre les nations. Et qui dit partage, dit protection des plus faibles, de l’Afrique notamment.

La mise en valeur de l’interdépendance entre les pays et les marchés qui marquera donc la fin de  la logique de l’égoïsme  (America first) et des nationalismes/populismes se décline en plus de coordination régionale et internationale organisée à tous les niveaux : au niveau  du G2, Etats-Unis – Chine,  entre les deux superpuissances mondiales,  au niveau du G7, groupe des pays les plus développés dont fait partie l’Europe, entre les membres du P5, membres permanents du Conseil de sécurité – lequel  ne s’est  jamais réuni depuis la fin de la seconde guerre mondiale – et au niveau du G20, créé récemment pour responsabiliser les grands pays émergents. Dans le cadre de la mondialisation avancée, il est bien sûr important que toutes ces instances prennent en compte les conséquences de cette nouvelle crise mondiale pour les pays les plus démunis et les pays en développement. La chute de l’activité économique mondiale, qui sera particulièrement dure pour eux, constitue une menace réelle pour les populations les plus pauvres (500 millions). D’où les appels à l’annulation des dettes des pays africains.

L’espoir serait de voir ces concertations déboucher sur la rénovation dans la direction du monde, tant que le plan politique (ONU) qu’économique (Banque mondiale, FMI, OMC) dans le sens de plus de coordination, de partage et de protection des plus  faibles. Mais pour que ces institutions internationales changent de logiciel, il faut, qu’en amont, les grandes puissances économiques et géopolitiques qui y siègent, l’aient elles-mêmes fait.  C’est  seulement alors que l’on pourra dire que  la crise a transformé la gouvernance mondiale qui désormais intégrera, en plus du politique, de l’économique et du financier, les nouveaux pôles d’intérêt  reconnus primordiaux que sont la santé, désormais perçue comme une composante majeure de la sécurité collective, l’environnement et la question de l’égalité.

Et, toujours dans le respect cette  de ces trois exigences santé, environnement et social, seule une aide massive à l’échelle planétaire pourra relancer l’économie mondiale, dévastée par les conséquences de la pandémie, à l’instar du plan Marshall qui avait permis aux pays européens ravagés par la guerre de pouvoir se reconstruire.

Dans ce post-2020, ce sont les systèmes les plus cohérents qui  renforceront leur rayonnement. Le big data sera un atout pour ceux qui le produisent et le maitrisent. Les plus efficients feront le monde de demain, comme les superpuissances d’hier ont imposé leur marque dans le cheminement de l’histoire du monde depuis 1945. Ils avanceront dans la construction des sociétés post confinement à travers l’investissement dans les nouvelles infrastructures informatiques à très haut débit et dans la formation qui se fera de plus en plus à distance. Daniel Cohen annonce en effet l’émergence d’un nouveau capitalisme dominant, celui du numérique.

La crise de 2008 ayant produit plus égoïsme et populisme et donné naissance au trempisme (du nom du président Tremp), les pessimistes en concluent que le monde post-2020 sera encore « plus introverti, plus pauvre et plus méchant ». Cependant, s’il est vrai que « la complexité prédominante actuelle » est à l’origine d’une « incertitude radicale » (Cf. Thierry de Montbrial), le monde doit accepter de vivre avec l’inattendu (Edgar Morin). Et les optimistes de rétorquer que le salut viendra,    avec la montée des pays  à l’efficience  économique reconnue  tels la Chine, la Corée du sud et le Vietnam mais aussi l’Allemagne ou encore les pays du nord de l’Europe devenus aujourd’hui des références dans la gestion de la crise sanitaire,  de l’avancée du monde vers plus de multipolarité. Les progrès résulteront, comme toujours, de la cohabitation idéalisme-réalisme. Ce qui est certain, c’est  que le monde qui émergera de cette crise sanitaire, sera différent.

La vulnérabilité que le Covid-19 a révélée nous interpelle nous Marocains, Maghrébins, Sud-méditerranéens et Africains. Elle doit nous conduire à prendre conscience de la valeur du voisinage comme un bien commun, à ouvrir nos frontières, créer les bases de réconciliation et de rapprochement pour renforcer notre position de négociation dans la gestion de la mondialisation post-2020. Elle doit nous conduire à promouvoir les partenariats nécessaires pour réduire notre dépendance vis-à-vis du reste du monde, dépendance que nous devons à nos seules défaillances. Si, à court terme, la crise actuelle a brisé les liens économiques et les réseaux de production à l’échelle mondiale, elle n’en favorise pas moins les solidarités régionales. Les initiatives de l’Inde de créer une conférence regroupant les pays sud-asiatiques pour élaborer une stratégie de lutte contre le virus dans un cadre régional, ou encore du roi Mohamed VI de suggérer aux pays africains de mettre en  en place une plateforme de partage des bonnes pratiques dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire actuelle en sont la preuve. Elles constituent les prémisses de  la promotion de solidarités et d’interdépendances à l’échelle régionale et du renforcement du partenariat sud-sud. Car, après 2020, les chaines de valeur régionales pourraient se substituer aux chaines de valeur mondiales. La proximité prendra sa revanche sur le lointain.

Nous devons, dans cette approche, interpeller l’Europe voisine qui a, une fois encore, révélé ses difficultés à rassembler ses efforts, que ce soit sur le plan  politique, économique, technologique ou scientifique. Elle doit désormais s’unir et tendre la main à sa proximité, l’aire sud-méditerranéenne et l’Afrique pour construire avec elles un nouveau pôle de rayonnement et asseoir les bases d’une mondialisation nouvelle, plus équilibrée et partagée. Dans notre région afro-euro-méditerranéenne c’est à l’Europe de tirer les leçons de cette crise sanitaire et économique : réduire sa dépendance au niveau des chaines de valeur mondiales avec le lointain et créer des interdépendances solides avec sa proximité au sud. Promouvoir la relocalisation des activités industrielles pour les intégrer dans une logique régionale qui intègre l’aire afro-méditerranéenne permettant ainsi de redonner à la Méditerranée sa centralité en tant que mer européenne et Africaine.

Gagner la guerre et l’après-guerre

Le XXème siècle a connu deux guerres mondiales. Il s’est agi  de conflagrations entre les plus forts, auxquelles ont cependant été associées des nations plus faibles, ce qui d’ailleurs déterminé leur avenir.

Le XXIème siècle, s’il n’a pas connu de conflits armés d’une même ampleur, n’en a pas moins vécu le 11 septembre 2001 un séisme géopolitique qui a fait basculer le monde dans une conflictualité terroriste, en 2008 une crise financière dont les répercussions ont été telles qu’elles ont mis à mal les mécanismes de stabilisation de l’économie mondiale mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale et en 2020 une crise sanitaire devenue mondiale en moins de deux mois. Tous les systèmes productifs de la planète se sont effondrés, mais l’attention de tous reste focalisée sur cette guerre … pour la vie.

Quand Covid-19 aura été vaincu, le monde devra s’atteler au sauvetage des économies. Mais pour qu’il soit réussi, pour qu’une économie mondiale plus stable puisse renaitre, il faudra que les causes de toutes les convulsions qu’a connues notre siècle soient prises en compte, comme devront l’être tous les engagements pris ici et là en faveur de la planète (lutte contre le réchauffement climatique, à l’occasion de la COP 21 à Paris notamment).

Car, après cette guerre, il faudra gagner l’après-guerre et limiter les dégâts  que ne manquera de provoquer la grande récession à venir (le FMI prévoit pour 2020, un effondrement de l’activité économique en raison du « grand confinement »  de  -3%. Les taux de croissance   attendus sont   de -7,5% dans la zone euro,  -6,5% pour le Royaume uni,  -5,9% aux Etats-Unis,  -6% en Amérique latine, -1,6% en Afrique subsaharienne, +1% dans les pays émergents asiatiques, +1,2% en Chine). Quand cette nouvelle crise économique se développera,  la plupart des Etats seront surendettés : 181% du PIB en Italie, 141% en France et 133% en Espagne, c’est-à-dire à des niveaux qui dépassent de loin la norme de 60% du pacte de stabilité européen, selon UBS. Selon cette même source, les plans de relance qui seront mis en place atteindront les 2,6% du PIB mondial (ils pourraient atteindre 10% aux Etats-Unis), contre 1,7% au lendemain de la crise de 2008. La Chine, avec un taux d’endettement de 300%, ne pourra pas intervenir avec force comme elle l’avait fait en 2009 pour aider le monde à sortir de la crise. La question du remboursement de ces dettes ne trouvera alors  sa solution que dans le cadre d’une grande concertation internationale. La question de la relance et de l’endettement des Etats européens implique plus de solidarité entre eux et une intervention massive de la BCE pour monétariser et mutualiser les dettes publiques.

C’est d’une adhésion de toutes les grandes puissances à la logique de la multipolarité et d’un accord des trois grands pôles Etats-Unis, Chine, Europe pour créer une nouvelle gouvernance – gouvernance  qui doit prendre en compte et intégrer les exigences du sud, c’est-à-dire entre autres de l’Afrique dans sa globalité – que va dépendre le succès de la construction à venir du monde de demain. Sinon, et  Thierry de Montbrial le soulignait déjà en 2008, « sans adaptation drastique, rapide de la gouvernance planétaire, de grands drames mondiaux deviendront possibles et même probables ».

Ainsi, pour gagner la guerre et l’après-guerre, la logique de l’interdépendance et du partage doit triompher. Ce dont le monde a désormais besoin, c’est de plans de mutation, de refondation et de rénovation, beaucoup plus que de simples plans de relance. Des plans qui intègrent le qualitatif au quantitatif, seuls capables  d’encadrer  la vulnérabilité  de  tous  et  d’aplanir  les  bouleversements – « chamboulements » – attendus.

 

(Avril 2020)

Mary Robinson – COVID-19 Canada: Advocates warn of ‘disaster’ if migrant workers aren’t protected

WPC 2011, Vienna, December 10 - Mary Robinson, former President of Ireland, President of Mary Robinson Foundation. (Credit: World Policy Conference)
THE CANADIAN PRESS

Thomas Gomart : « La crise due au coronavirus est la première d’un monde post-américain »

WPC 2018, Rabat, October 28 - Thomas Gomart, Director of Ifri
Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, analyse la nouvelle donne géopolitique créée par une pandémie qui accélère des mutations déjà en cours.
Propos recueillis par  – Publié le 08 avril 2020 à 07h00 – Mis à jour le 08 avril 2020 à 12h52

Directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Thomas Gomart est historien et spécialiste de géopolitique. Il a récemment publié L’Affolement du monde. 10 enjeux géopolitiques (Tallandier, 2019). Dans un entretien au Monde, il analyse les nouveaux rapports de force entre les grandes puissances et l’irruption sur la scène internationale de nouveaux acteurs comme les plates-formes numériques.

La pandémie de Covid 19 est-elle le révélateur du monde qui vient ?

Elle en est en tout cas l’accélérateur. C’est une crise aiguë de l’interdépendance, qui rappelle que « les vivants se tiennent biologiquement », comme disait Pierre Teilhard de Chardin. En positif, elle marque une étape supplémentaire dans la prise de conscience de l’unité du monde. En négatif, elle avive des tensions latentes, potentiellement explosives. C’est un court-circuit durable de la mondialisation, qui s’inscrit dans des cycles, déjà enclenchés, de coopération, de compétition et de confrontation cognitive, c’est-à-dire de mobilisation, d’orientation et de contrôle des cerveaux. Ce qui est inédit : le confinement simultané de plus de 3 milliards d’individus, qui n’ont jamais été aussi connectés. Si les corps sont bloqués, les cerveaux fonctionnent, avec des conséquences politiques difficiles à prévoir à ce stade.

Trois grands débats se dessinent. Le premier concerne la gestion de la crise, le deuxième les modèles futurs, et le troisième la reconfiguration du système international. Je me concentre sur ce dernier car la politique internationale est un rapport de force avant d’être un débat d’idées. Ou, pour le dire autrement, dans la compétition cognitive, l’impact des modèles dépend moins de leur pertinence que du positionnement international de celui qui les émet.

Qui sont les gagnants et les perdants ?

Les autorités chinoises se mobilisent comme jamais pour faire croire que ce serait la Chine, la gagnate, afin de justifier leur modèle politique non seulement à l’intérieur mais désormais à l’extérieur, et leur discours a viré à une propagande caricaturale. Certes, elles ont montré leur efficacité dans la mise en œuvre du confinement, mais aussi leurs errements au début de la crise. Le bureau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Pékin n’a été avisé que le 31 décembre 2019. Par contraste, l’Europe et les Etats-Unis semblent en profonde difficulté. Cependant, le jugement sur le vainqueur final ne saurait, à mon sens, être définitif à cause des possibles résurgences de foyers infectieux en Chine, et surtout, de l’opacité des données chinoises sur le nombre réel de morts. […]

La suite est réservée aux abonnés.

Lire l’article sur Le Monde.

Didier Reynders – UE : mesures de lutte contre l’impact du coronavirus dans le système judiciaire

Drapeau de l'Union européenne
Les ministres de la Justice de l’UE ont tenu lundi 6 avril 2020 une vidéoconférence pour échanger des informations sur les mesures visant à prévenir la propagation du coronavirus et à surmonter l’impact de la pandémie sur le système judiciaire. Ils se sont concentrés sur la situation de la justice pénale, de la justice numérique et de la justice civile.
« Nous sommes tous touchés par une crise sans précédent qui va marquer l’Union européenne, y compris le système judiciaire. Hier, les ministres de la Justice ont fait part des différentes mesures qu’ils prennent pour tenter d’adapter leurs systèmes judiciaires nationaux à la nouvelle situation. Je salue les efforts qu’ils déploient pour maîtriser l’impact de la pandémie. Dans un même temps, nous avons convenu que toute mesure extraordinaire doit être prise dans le respect de l’État de droit et des valeurs de l’UE. L’État de droit n’est pas en quarantaine. La Commission est prête à aider les États membres et à coordonner leurs efforts pour surmonter la crise actuelle », a déclaré Didier Reynders, commissaire pour la Justice.Les mesures concernant la justice pénale, notamment la réduction de la pression sur les prisons, ont également été discutées. Cette réduction peut se faire, par exemple, en envisageant, lorsque cela est possible, des options non privatives de liberté comme l’utilisation de bracelets électroniques, en particulier pour les détenus en détention provisoire et les détenus présentant un profil à faible risque.

La Commission européenne s’est également engagée à mettre rapidement en place un groupe de coordination du mandat d’arrêt européen. Ce groupe sera composé d’un ou deux points de contact dans chaque État membre afin de maintenir des canaux de communication efficaces et rapides entre les États membres.

En ce qui concerne la justice civile, tous les États membres doivent prévenir les préjudices économiques inutiles résultant des insolvabilités massives d’entreprises viables en raison de la crise. La Commission travaille en étroite collaboration avec la Présidence croate afin d’identifier les moyens de sauver les entreprises européennes, de protéger les consommateurs, et de partager les meilleures pratiques.

En ce qui concerne la justice numérique, tous les États membres sont encouragés à intensifier leurs efforts pour garantir la numérisation complète des procédures judiciaires et un canal numérique sécurisé pour toutes les procédures de coopération judiciaire.

Lire l’article sur Le Monde du droit.

Politics of pandemic

WPC 2011, Vienna, December 11 - Joschka Fischer, former German Minister of Foreign Affairs. (Credit: World Policy Conference)

By Joschka Fischer

BERLIN ― The asteroid has hit, and suddenly everything has changed. But the asteroid that has crashed into our planet is invisible. One needs a microscope, rather than a telescope, to see it.

With COVID-19, the world faces several crises in one: a global health crisis has triggered crises in the economy, civil society, and daily life. It remains to be seen whether political instability will follow, either within countries or internationally. But, clearly, the pandemic has drastically changed life as we know it. While the end of the crisis and its consequences can’t be predicted, certain significant changes can be anticipated.

The crisis is not just complex, far-reaching, and threatening to the foundations of individual societies and the global economy. It is also many times more dangerous and extensive than the 2008 global financial crisis. Unlike that episode, the coronavirus threatens millions of lives around the world, and its effects on the economy are not centered in only one sector.

Around the world, most economic activity has been frozen, setting the stage for a global recession. Apart from the death toll and the stability of health systems, the big question right now is how severe the economic downturn will be, and what permanent consequences it will have.

Similarly, we can only guess what effects the virus will have on already-fragile regions, and particularly on refugee camps. Iran seems to be heading for a major humanitarian crisis, in which the poorest and most vulnerable will be the most affected. Beyond that, it is still too early for any remotely realistic assessment of COVID-19’s humanitarian consequences.

But past experience tells us that major shocks such as this do tend to disrupt political systems and international relations. Western democracies, in particular, may find their governance called into question. The principles of human rights may be pitted against economic imperatives. The pandemic also invites a generational conflict between young and old, and between authoritarianism and liberal democracy.

And yet an alternative scenario is possible, in which the COVID-19 crisis gives rise to a new solidarity. Lest we forget, an earthquake and tsunami in the Indian Ocean in December 2004 created the conditions for ending the civil war in Aceh, North Sumatra.

In the short term, the countries most affected by the pandemic will become crisis economies: Governments will pursue enormous levels of spending and other unconventional measures to prevent a total collapse. The effectiveness of the response remains to be seen. But it is clear that the relationship between the economy and the state will undergo a fundamental change.

In a marked departure from the prevailing wisdom of recent decades, we are already witnessing the return of « big government. » Everyone is looking to the state to inject huge sums of money into the economy, and to rescue (or take over) imperiled companies and sectors that are deemed essential. The state’s massively increased role will have to be scaled back after the crisis has passed, but how to do so is up for debate. Ideally, governments will transfer the returns that come from re-privatization into a sovereign wealth fund, thus giving the public a share in the post-crisis settlement.

Until then, « big government » ― whether the European Commission or national authorities ― will be expected to prepare for the next disaster. Rather than being caught completely off guard again, it will need to ensure the provision of as essential medical supplies, personal protective equipment, disinfectants, adequate laboratory capacity, intensive-care units, and so forth.

But that isn’t all. The stability, efficiency, capacity, and costs of existing health-care systems will remain a salient issue. The COVID-19 crisis has shown that it isn’t really possible to privatize health care. In fact, public health is a basic public good, and a critical factor in strategic security.

There will also be increased, sustained attention to the pharmaceutical sector, particularly the domestic provision of critical drugs and development of new ones. Many countries will no longer be willing to rely on international supply chains that can easily break down in an emergency.

This is not to suggest that the market economy will be abolished. But the state absolutely will assert itself vis-a-vis the business community, at least when it comes to strategic issues. For example, the crisis will invite a major policy push for digital sovereignty in Europe. Its model will not be that of authoritarian China, but that of democratic South Korea, which has established a digital edge.

So far, however, the EU has not played a prominent role in the global response to COVID-19. This is not surprising. In existential crises, people tend to revert to what they know best, and what they know best is the nation-state. But while Europe’s nation-states certainly can play an immediate crisis-management role, they cannot resolve the crisis.

After all, the single market, the joint currency, and the European Central Bank are the only mechanisms that can prevent an economic collapse and enable an eventual recovery in Europe. The COVID-19 crisis is thus likely to force Europeans « ever closer » together, requiring even deeper solidarity.

What is the alternative? A return to the world where everyone fends for themselves? For EU member-state governments, that would amount to political and economic suicide.

The COVID-19 pandemic is the first crisis of the 21st century that truly affects all of humankind. But more crises will follow, and they will not all come in the form of a virus. Indeed, the fast-forward crisis we are now experiencing is a preview of what is yet to come if we do not address climate change.

The only way to manage generalized threats to humanity is through more intensive cooperation and coordination among governments and multilateral institutions. To name but one, the World Health Organization ― and the United Nations more generally ― must be strengthened at all costs. COVID-19 is a reminder that all eight billion of us are in the same boat.


Joschka Fischer, Germany’s foreign minister and vice chancellor from 1998 to 2005, was a leader of the German Green Party for almost 20 years. His commentary was distributed by Project Syndicate (www.project-syndicate.org
).

Read the article on The Korea Times.

Dorothée Schmid – Coronavirus: “In the Middle East, some states are less effective than others”

Dorothée Schmid (crédit photo : Ifri)

The coronavirus pandemic has already officially reached more than 1.3 million people worldwide, causing over 70,000 deaths thus far. Within the Middle East, Iran, Turkey and Saudi Arabia are the most affected countries. In the face of this health emergency, the States of the region are mobilizing resources. Dorothée Schmid, researcher and head of the Middle East program at the French Institute of International Relations, takes stock of the situation.

What is the epidemiological situation in the Middle East?

The epidemiological situation in the Middle East is now evolving very rapidly. The region was not the first to be affected by the COVID-19 epidemic, but lies between Asia and Europe, which have become a major breeding grounds for infection today.

Iran remains the major hotspot of contamination in the Middle East, with more than 50,000 people infected according to the authorities, with several thousands of deaths, although figures are very difficult to verify.

Are there strong measures implemented by the states in the region?

Once the reality of the epidemic was acknowledged, most countries in the Near and Middle East took fairly drastic measures to limit the contagion: the suspension of air travel with the countries that saw initial infections of the outbreak, including some European countries, along with the closing of their borders.

On the Arabian Peninsula, Saudi Arabia made the decision, very early on, to suspend the Umrah and ban access to the Kaaba, thus controlling pilgrimages, restricting access to mosques, with muezzins responsible for issuing calls for caution in some places, and then, of course, the closure of schools and the gradual banning of public gatherings. Measures to contain the population are becoming widespread just about everywhere.

Why are the figures in the Middle East not as alarming as in Europe?

The figures are not very reliable in some countries. Test capacity is limited. Egypt, for example, which is a densely populated country with a population of 100 million, seems to have a rather poor assessment of the epidemiological situation.

The possible peak of the epidemic, which will come a little later than it has in Europe, will also depend on the way in which the fairly drastic measures are taken by the various countries, particularly in the Arabian Peninsula, to limit circulation and contain the epidemic. There are countries in the Middle East where the state is less effective than others. Lebanon is a country where the authorities find it very difficult to make decisions and enforce them. The Lebanese have put themselves in self-containment before hearing the government’s orders.

Are some states better prepared than others to deal with COVID-19?

The capacity of health systems to cope with this new virus, affecting the respiratory tract, is obviously unequal based on the country’s sensitivity to this type of epidemic. In the Arabian Peninsula, previous exposure to MERS has allowed the countries to adapt their equipment in accordance with WHO recommendations. It should not be forgotten that it remains the richest countries, some of which have sophisticated health equipment, that hold the ability to provide real care to their citizens.

Is research also being mobilized in the region?

To battle against COVID-19, the most sophisticated research equipment is now being mobilized. Saudi Arabia has provided WHO with a special grant to conduct this battle in the Middle East region. The countries with the best equipment are those whose health systems are already the most efficient in terms of health care delivery. As far as university research is concerned, Turkey is currently ahead of the game.

Published on 7 April 2020.

Read the article on KAWA News.

The coronavirus inflicts its own kind of terror

Members of the Italian army and the Carabinieri load the coffins of coronavirus victims onto a truck in Bergamo, Italy, March 24, 2020. Credit to Fabio Bucciarelli-The New York Times

Particularly for Europe, which has experienced waves of terrorism that achieved some of the same results, the current plague has eerie echoes. But this virus has created a different terror because it is invisible, pervasive and has no clear conclusion.

By: New York Times | Brussels | Updated: April 7, 2020 8:02:24 am

Members of the Italian army and the Carabinieri load the coffins of coronavirus victims onto a truck in Bergamo, Italy, March 24, 2020. The virus generates much the same fear and anxiety caused by terrorism, but it demands a different response: staying alone. (Fabio Bucciarelli/The New York Times)

Written by Steven Erlanger

The coronavirus has created its own form of terror. It has upended daily life, paralyzed the economy and divided people one from another. It has engendered fear of the stranger, of the unknown and unseen. It has emptied streets, restaurants and cafes. It has instilled a nearly universal agoraphobia. It has stopped air travel and closed borders.

It has sown death in the thousands and filled hospitals with wartime surges, turning them into triage wards. People gird for the grocery store in mask and gloves, as if they were going into battle.

Particularly for Europe, which has experienced waves of terrorism that achieved some of the same results, the current plague has eerie echoes. But this virus has created a different terror because it is invisible, pervasive and has no clear conclusion. It is inflicted by nature, not by human agency or in the name of ideology. And it has demanded a markedly different response.

People run screaming from a terrorist’s bomb and then join marches of solidarity and defiance. But when the all-clear finally sounds from the new coronavirus lockdown, people will emerge into the light like moles from their burrows.

“People are more afraid of terrorism than of driving their car,” said Peter R. Neumann, professor of security studies at King’s College London and founder of the International Center for the Study of Radicalization. Many more people die from car accidents or falling in the bathtub than from terrorism, but people fear terrorism more because they cannot control it.

While terrorism is about killing people, Neumann said, “it’s mostly about manipulating our ideas and calculations of interest.”

As Trotsky famously said, “the purpose of terror is to terrorize.”

But the terrorism of the coronavirus is all the more frightening not only because it is so widespread but also because it is impervious to any of the usual responses — surveillance, SWAT teams, double agents or persuasion.

“It’s not a human or ideological enemy, so it’s not likely to be impressed by rhetoric or bluster,” Neumann said. “The virus is something we don’t know, we can’t control, and so we’re afraid of it.”

And for good reason — it has already killed more Americans than the nearly 3,000 who died on Sept. 11, 2001, and it will kill many times more.

“There is a difference between man-made and natural disasters,” said Thomas Hegghammer, an expert on terrorism and senior research fellow at the Norwegian Defense Research Establishment in Oslo, Norway. “People are typically more afraid of man-made threats, even if they are less damaging.”

But this virus is likely to be different, he said. “It goes much deeper into society than terrorism, and it affects individuals on a much larger scale.”

There is a similar sense of helplessness, however, said Julianne Smith, a former security adviser to former Vice President Joe Biden and now at the German Marshall Fund. “You don’t know when terrorism or the pandemic will strike, so it invades your personal life. With terror, you worry about being in crowds and rallies and sporting events. It’s the same with the virus — crowds spell danger.”

Part of what makes terrorism terrifying is its randomness, said Joshua A. Geltzer, former senior director for counterterrorism on the National Security Council and now a professor of law at Georgetown. “Terrorists count on that randomness, and in a sense this virus behaves the same way,” he said. “It has the capacity to make people think, ‘It could be me.’ ”

But to defeat the virus requires a different mentality, Geltzer argued. “You see the bomb at the Boston Marathon, so you wonder about going next year; it’s a pretty direct impact,” he said. “But the virus requires one greater step — to think collectively, so as not to burden others by spreading the virus” and overwhelm the health system.

And it requires a different sort of solidarity. After the terrorist attacks of Sept. 11, President George W. Bush urged Americans “to go about their lives, to fly on airplanes, to travel, to work.” After both the Charlie Hebdo and Bataclan attacks of 2015, President François Hollande did the same in France, leading marches and public demonstrations of public resilience and defiance.

But in the face of the virus, with so many societies so clearly unprepared, resilience now is not to get on a plane, wrote Geltzer and Carrie F. Cordero, a former security official at the Justice Department and a senior fellow at the Center for a New American Security. “To be resilient now is to stay at home.”

So it is difficult for governments that learned to urge citizens to be calm in times of terrorism to now learn how to frighten them into acting for the common good. Rather than mobilization, this enemy demands stasis.

People respond patriotically, and even viscerally, to the nature of the security response to terrorism, from the helicopters to the shootouts. But “there’s nothing sexy or cool about staying at home, or ordering a company to produce face masks and gowns,” Geltzer said. “We don’t usually chant, ‘USA! USA!’ about home schooling.”

It will also be difficult for governments to adjust their security structures to deal with threats that do not respond to increased military spending and enhanced spying.

For a long time, Neumann said, analysts who worked on “softer” threats, like health and climate, were considered secondary. “Hardcore security people laughed at that, but no one will doubt that now,” he said. “There will be departments of health security and virologists hired by the CIA, and our idea of security will change.”

And there will be new threats afterward — worries about economic collapse, widespread debt, social upheavals. Many fear the effect of such low oil prices on Arab and Persian Gulf countries that need to pay salaries for civil servants and the military, let alone deal with subsidies on bread.

But even the Islamic State group has warned its adherents that “the healthy should not enter the land of the epidemic and the afflicted should not exit from it,” which may provide some respite.

Hegghammer lived in Norway during the terrorist attacks there in July 2011 by Anders Behring Breivik, who killed 77 people to publicize his fear of Muslims and feminism. The response in Norway was collective solidarity and resolve and a widespread sense of “dugnad,” the Norwegian word for communal work, as individuals donate their labor for a common project.

“Dugnad” is being invoked again in the face of the virus, Hegghammer said, with the young aiding the elderly, and government and opposition working “almost too closely together.”

The virus and the attacks carried out by Breivik “are being linked explicitly in the debate here,” Hegghammer said. But it is being done in a critical way, to criticize how unprepared the government has been, both then and now, to deal with a major threat.

“People say, ‘We’ve already been through this, so how can we be so unprepared?’ ”

In the aftermath, as with Breivik, there is likely to be a commission of inquiry in Norway, just as there will inevitably be one in the United States, too, as there was after Sept. 11, to see how the government failed and what can be done in the future.

But unlike largely homogeneous Norway, the sprawling United States is deeply divided.

Unlike Sept. 11, “when a single set of events united the country in an instant in its grief, this is a slowly rolling crisis that affects different parts of the country and the society at different speeds,” said Smith of the German Marshall Fund. “So we’re not united as a country.”

Given the already deep political polarization in the United States, with partisan battles over science and facts, the virus is likely to have the same impact as the plague did in Athens during the Peloponnesian War, creating indifference to religion and law and bringing forward a more reckless set of politicians, said Kori Schake, director of the foreign and defense policy program at the conservative American Enterprise Institute.

But ultimately, she added, the delayed response from the White House “delegitimizes the existing political leadership and practices of society.” If the political consequences are severe enough, she said. they could lead to “ the end of the imperial presidency and a return to the kind of federal and congressional activism that the Founding Fathers designed our system for.”

The virus may be politically divisive, but “it is also a reminder,” Schake said, “that free societies thrive on norms of civic responsibility.”

Read the article on The Indian Express.

Francis Gurry – La Chine devient le champion des demandes internationales de brevet

WPC 2018, Rabat, October 28 - Francis Gurry, Director General of the World Intellectual Property Organization (WIPO). Credit: World Policy Conference

07/04/20 à 14:23 | Mise à jour à 14:23 | Source : AFP

La Chine est devenue en 2019 le principal déposant de demandes internationales de brevet, raflant pour la première fois le titre aux Etats-Unis, a indiqué mardi l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), une agence de l’ONU basée à Genève.
L’Ompi relève que pour la troisième année consécutive, Huawei Technologies, avec 4.411 demandes publiées, a été le principal déposant en 2019.

« En 1999, l’Ompi recevait 276 demandes en provenance de la Chine, contre 58.990 en 2019, soit 200 fois plus aujourd’hui qu’il y a 20 ans », a détaillé le directeur général de l’organisation, Francis Gurry, cité dans un communiqué.

En conférence de presse, il a expliqué que cette nouvelle domination chinoise reflétait la volonté de Pékin de transformer l’économie du géant asiatique en « une économie à plus forte valeur ajoutée », soulignant qu’il s’agissait d’un « système d’innovation favorisé par l’Etat » dans lequel les subventions publiques jouent un rôle.

Pour le patron de l’Ompi, « la croissance rapide de la Chine pour atteindre la tête du classement (…) met en lumière le déplacement de la géographie de l’innovation vers l’Est, les déposants asiatiques représentant désormais plus de la moitié de toutes les demandes », l’Europe et l’Amérique du Nord représentant chacune moins d’un quart de ces demandes.

La Chine a ainsi mis fin au règne des Etats-Unis (57.840 demandes en 2019), qui dominaient le classement chaque année depuis la création du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) de l’Ompi en 1978. Les deux grandes puissances sont suivies du Japon, de l’Allemagne, de la Corée du Sud et de la France.

L’Ompi note également que la forte croissance des demandes internationales de brevet en Turquie a permis au pays de se classer dans le top 15.

– Huawei –

Dans son rapport annuel, l’Ompi relève aussi que pour la troisième année consécutive, le géant chinois des télécommunications, Huawei Technologies, avec 4.411 demandes publiées, a été le principal déposant en 2019. Viennent ensuite Mitsubishi Electric Corp. au Japon, Samsung Electronics en Corée du Sud, Qualcomm Inc. aux Etats-Unis et Guang Dong Oppo Mobile Telecommunications en Chine.

Lot de consolation pour les Etats-Unis, l’Université de Californie reste en tête du classement des établissements d’enseignement. Elle est suivie par l’Université de Tsinghua en Chine.

La liste des 10 principaux établissements universitaires demandeurs de brevets internationaux comprend cinq universités des Etats-Unis, quatre de Chine et une de Corée du Sud.

Globalement, les demandes internationales de brevet déposées par l’intermédiaire du PCT ont augmenté de 5,2% (265.800 demandes) en 2019, tandis que les demandes d’enregistrement international de marques par l’intermédiaire du système de Madrid ont augmenté de 5,7%.

Les demandes de protection des dessins et modèles industriels dans le cadre du système de La Haye ont connu une croissance de 10,4%, marquant une nouvelle année record pour l’ensemble des services mondiaux de propriété intellectuelle de l’Ompi.

– Pandémie –

Reste à savoir quel sera l’impact de la pandémie du nouveau coronavirus sur les demandes de brevets.

Signalé fin décembre par la Chine, la maladie de Covid-19 s’est rapidement propagée dans le monde, faisant plus de 73.000 morts à ce jour et mettant à l’arrêt des pans entiers de l’économie.

« L’impact sur les industries créatives, sur l’innovation va être extrêmement important », a souligné M. Gurry aux journalistes.

Expliquant qu’il était encore trop tôt pour chiffrer cet impact, qui dépendra de l’intensité et de la durée de la crise, il a noté que les données préliminaires reçues par l’Ompi pour janvier, février et mars montraient un tassement de la croissance des demandes de brevets.

Lire l’article sur Trends Tendances.

L’Europe « aux temps du choléra » : pourquoi faut-il plus que jamais promouvoir le « mode de vie européen »

László Trócsányi (credit: Unsplash & Twitter)

Opinions

Contribution externe

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Une opinion de László Trócsányi, député européen, professeur des universités. 

L’Amour aux temps du choléra, le chef d’œuvre de Gabriel Garcia Marquez, peut être considéré comme un éternel intempestif dans lequel le rationnel se mélange à la sphère des mystères aux moments les plus inattendus. Nos propres vies n’y échappent pas, non plus. Qui aurait cru encore il y a quelques mois que tout un continent sera en quarantaine, des pays entièrement fermés et repliés sur eux-mêmes où la solidarité entre Etats membres ne se posent plus. Qui va reprocher à la France de ne pas fournir de masques ou d’équipement médical à son voisin transalpin ? Ceci étant je n’ai jamais senti l’Europe aussi solidaire qu’en ce moment ! Quelles sont les origines exactes de cette crise et quelles seront les conséquences sur notre Union? Questions rhétoriques, du moins pour l’instant. Mais la gestion de la crise sanitaire sans précédent nous fournit tout de même un certain nombre d’enseignements braquant la lumière sur la question controversée en automne dernier sur le mode de vie européen. La gestion de la crise n’est pas partout parfaite mais les acteurs nationaux (Etats membres), régionaux (p.e. l’Union européenne) ou globaux (p.e. l’Organisation mondiale de la Santé) agissent de concert en fonction de leurs compétences – même si la responsabilité politique est la plus tangible au niveau national. On comprend aisément qu’une telle gestion est menée de façon radicalement différente en Chine, aux Etats-Unis, en Iran ou encore en Europe.

Le « mode de vie européen » est plus que jamais d’actualité

L’idée de la protection et de la promotion d’un « mode de vie européen » est donc plus que jamais d’actualité. Il convient de comprendre sa raison d’être et sa finalité au-delà des discours politiques simplistes et réducteurs de la gauche.

L’essence de la polémique c’est que le terme « mode de vie européen » est de nature à faire ressortir l’idée selon laquelle des différences puissent exister ou existent entre les citoyens européens et ceux vivants dans d’autres parties du monde. Certes, la réalité sous-jacente de ce terme ne rend pas plus facile à forger et propager l’idée martelée d’uniformisation. Idée – par ailleurs rejetée par la majeure partie de nos citoyens – aspire à relativiser les différences entre les nations et entre les cultures divergentes afin d’imposer des principes uniformes et par la suite une seule idéologie au monde et à l’Europe. Les critiques venues de la gauche à l’égard du nouveau portefeuille consistent à reprocher que le « mode de vie européen » est mis en relation avec la question migratoire car l’idée de l’établissement de ce portefeuille est survenu à la suite de la crise migratoire de 2015.

Pour y répondre j’aimerais me référer à Chantal Delsol, philosophe et écrivaine française de renommée internationale, qui a souligné l’importance de la délimitation et de la définition. Selon elle, une rivière sans bord est plutôt un marais. Par conséquent, si on ne reconnaissait pas l’existence d’une vie européenne séparée, rien ne distinguerait l’Europe d’autres parties du monde. Cela est réconforté par la constatation selon laquelle lorsqu’on est en Europe la perception générale de l’identité est toujours la diversité : les différents « styles de vie » ou « modes de vie » qui coexistent simultanément en Europe. En effet, ce que nous voyons à l’intérieur n’est que les différences et les lacunes entre les nations et les cultures. Cependant, quand on est sur un autre continent les citoyens européens se retrouvent et partagent des points communs. Ce sont les mêmes visions et les valeurs fondamentales communes qui les rapprochent. Ce que nous voyons donc à l’extérieur est l’impact de notre lien réel parmi nous Européens. Cette constatation dévoile l’existence d’un « mode de vie européen ». Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères français, un pro-européen bien que critique, qui dans son livre « Face au chaos, sauver l’Europe » a aussi senti la nécessité de dédier un chapitre à la préservation du « mode de vie européen ».

Mais quelles sont ses composantes et pourquoi faut-il le défendre et le promouvoir de nos jours?

Le Vieux Continent partage une histoire et des expériences historiques communes qui se sont formées au cours des siècles culminant dans une civilisation ayant des valeurs intrinsèques et singulières. On reconnaît l’arbre à ses fruits : ce sont ces valeurs qui servent de base théoretique au « mode de vie européen ». Ces valeurs trouvent leurs origines dans le temps antique. C’est la philosophie grecque antique et la loi naturelle qui nous permettent la recherche et de la découverte de la vérité ou la capacité de distinguer le bien du mal. Elles nous ont également donné la fondation des valeurs démocratiques. En outre, les fondements moraux et éthiques de l’identité européennes étaient influencées par les Dix Commandements et l’émergence de culture judéo-chrétienne. Le droit romain est non seulement la base du droit civil et du droit de la famille à ce jour dans la plupart des pays européens, mais il contient aussi des leçons très importantes sur l’organisation de l’Etat, la citoyenneté et le patriotisme. Toutes ces colonnes d’un mode de vie européen ont été unifiées et maintenues par le christianisme pendant et après le Moyen Âge. C’est l’esprit du christianisme qui a établi l’idée de la dignité humaine inaliénable et sacrée qui est devenue alors l’élément central du tissu social de l’Europe et de la pensée européenne. Enfin, « le Siècle des Lumières » a suscité l’émergence d’un discours scientifique.

Cet héritage commun – forgé autour du christianisme et du Siècle des Lumières – a abouti à la naissance et au renforcement de la civilisation européenne telle qu’on la connaît aujourd’hui et dont les valeurs ont eu un « rayonnement culturel et économique » à travers le monde.

Au lieu de la cacher, il faut la protéger et la mettre en avant.

Pour lutter contre ses faiblesses que je m’abstiendrais à énumérer, l’UE aurait besoin de promouvoir « l’identité européenne », – son identité je dirais – dans laquelle tous les citoyens de l’Europe peuvent s’identifier. La promotion d’une telle identité et d’un tel « mode de vie » est essentielle à la fois pour développer un sens d’appartenance à la maison commune européenne et pour surmonter les difficultés avec succès. Sans l’ébauche d’une identité européenne, la collaboration politique et la solidarité entre l’UE, les Etats et les peuples d’Europe risquent de n’avancer que trop lentement. Il faudrait avoir une vision d’identité forte européenne même si le débat sur les racines chrétiennes du continent pendant la rédaction du Traité établissant une Constitution pour l’Europe a mis en évidence le désaccord sur ce sujet. Notre identité peut nous aider à faire face aux enjeux mondiaux comme les changements climatiques, une pandémie mondiale ou les bouleversements technologiques. Ce sont les raisons pour lesquelles l’initiative de la nouvelle Commission constitue un acte de courage nécessaire. Comme le dit le proverbe « à cœur vaillant, rien d’impossible ». Il faut restaurer la confiance des citoyens dans la construction de l’Europe en reconnaissant les « valeurs » et le « mode de vie » européens. Ça peut non seulement promouvoir une identité européenne commune, mais aussi stimuler l’émergence d’une Europe plus efficace, collégiale et solidaire.

Lire l’article sur LaLibre.be.

Angel Gurría – Coronavirus to spark ‘brutal’ economic meltdown as global system to crash ‘for years’

Angel Gurria (crédit photo : World Policy Conference)

CORONAVIRUS could result in a brutal global economic crash that strong economies like the UK, US and Canada struggle to recover from.

Angel Gurría of the Organisation for Economic Co-operation and Development explained that many countries will see no growth or negative growth for 2020. He added the job losses caused by coronavirus will result in many economies struggling after the pandemic has been resolved. While speaking to BBC’s Victoria Derbyshire Mr Gurría noted small, and medium businesses would be struck hard from the swing in the economy and even large global economies like the UK, US and Canada will struggle in the future.

Mr Gurría said: « Coronavirus is going to affect us very seriously. »It affects the social, human, the health side and it will leave very big wounds and eventually scars on the economic side.

« This is because of the unemployment impact, the tens of thousands perhaps hundreds of thousands small to medium enterprises (SME) livelihoods will be at stake. »

Mr Gurría went into greater detail of the sectors that would suffer immensely due to the coronavirus, even after the pandemic.

Coronavirus economy

Coronavirus ‘wounds and scars’ to result in ‘brutal’ global economic crash ‘for years’ (Image: Getty)

 

Coronavirus economics UK

Mr Gurría claimed countries across the globe will be dealing with the economic fallout for years to come and it will result in a time of economic uncertainty. (Image: BBC)

He said: « Of course, you have to remember the very seriously hit sectors like tourism, service sector and hospitality sector.

« You can see all the businesses associated with those sectors facing an explosion, like in the US, Canada, the UK and elsewhere.

« All these unemployment claims that are happening by the millions over a few days is showing just how dramatic and brutal the problem will be. »

The economic expert has previously warned economic growth will slow down significantly following the coronavirus pandemic.

Mr Gurría noted small, and medium businesses would be struck hard from the swing in the economy and even large global economies like the UK, US and Canada will struggle in the future.

Mr Gurría claimed countries across the globe will be dealing with the economic fallout for years to come and it will result in a time of economic uncertainty.

In late March he told the BBC: « Even if you don’t get a worldwide recession, you’re going to get either no growth or negative growth in many economies of the world.

« This is including some of the larger economies. »

« Therefore you’re going to get not only low growth this year, but also it’s going to take longer to pick up in the future. »

Mr Gurría has also claimed the coronavirus economic impact will be more dramatic than that of the 9/11 terrorist attacks or the 2008 financial crisis.

He said: « We don’t know how much it’s going to take to fix the unemployment rate because we don’t know how many people are going to end up unemployed.

« We also don’t know how much it’s going to take to fix the hundreds of thousands of small and medium enterprises who are already suffering. »

Read the article on The Express.