Dans une semaine, le président élu, ou plus exactement réélu après quatre années de mandat Biden, prendra ses fonctions.
Le système constitutionnel américain octroie un délai de plus de deux mois pour une transition ordonnée entre deux administrations.
Le paradoxe cette année est une de facto quasi prise de pouvoir immédiate de la nouvelle équipe pressentie et annoncée bien que non confirmée, du fait du contrôle républicain sur le Congrès, et notamment le Sénat investi d’un “rôle d’avis et de consentement” pour les postes les plus importants soit environ 1400.
De fait instruit par son expérience de 2016, Trump a annoncé à marche forcée nombre de pressentis tant au cabinet, que dans des structures autonomes (Environmental Protection Agency, Securities and Exchange Commission, etc.).
Certaines nominations ont été vivement critiquées, notamment pour des raisons éthiques (par exemple le ministre de la Justice, ou Attorney General, rapidement retiré).
D’autres rencontrent des réserves, tels le secrétaire à la défense, celui à la santé, ou le directeur de la coordination des services de renseignement.
Au delà des situations particulières, qu’ont tous ces pressentis en commun ? Tout d’abord un lien de fidélité, de loyauté avec le Président élu, souvent du fait d’une relation ancienne, personnelle ou d’affaires.
Peu ou pas de membres de la famille proche, si ce n’est par alliance (l’ambassadeur nommé pour la France et Monaco et le responsable des affaires du Moyen Orient). Beaucoup de New Yorkais, ou Floridiens, souvent les mêmes, tels le nouvel AG, le directeur de l’EPA, mon ancien Congressman NYS 1, Suffolk County, Lee Zeldin, l’ambassadrice aux Nations Unies, le secrétaire au trésor. Des milliardaires, à commencer par les co-titulaires du nouveau département dit DOGE, Department of Government Efficiency, Elon Musk et Vivek Ramaswamy. Et bon nombre d’autres personnalités.
Peu de républicains historiques, trop indépendants , à noter l’absence de Mike Pompeo et de Nikki Haley, pour lesquels Trump a pris la plume pour les remercier de leurs bons et loyaux services, mais aussi préciser que leur absence n’était pas un simple oubli.
En revanche, un certain nombre de ralliés démocrates dont quelques-uns très récemment, Robert F. Kennedy Jr, Tulsi Gabbard qui soutenait Bernie Sanders en 2016 contre Hillary Clinton, Musk, etc.
Ce qui les différencie également est le fait que sur les thèmes essentiels de la campagne, il y a des vues diamétralement opposées, et ces oppositions se sont déjà exprimées, en particulier sur un sujet aussi controversé que l’immigration.
Schématiquement, les pressentis venant de la Tech, Musk, Ramaswamy, préconisent l’octroi de visas H1B à des non-nationaux alors que le Deputy Chief of Staff , Stephen Miller, est en faveur d’une réduction des flux migratoires, y compris légaux.
The Economist de cette semaine fait sa première page sur “Donald the Deporter”, pour conclure que Trump, s’il le souhaite, a les cartes en main, pour obtenir et délivrer un projet bipartisan de régularisation des clandestins – 11 à 15 millions – qu’aucun des 5 derniers présidents n’a réalisé. A rappeler qu’Obama, pendant ses 8 années, déportait plus que Trump sur une base annelle, qui pendant la dernière campagne a promis d’octroyer des résidences permanentes – cartes vertes – aux diplômés étrangers des grandes universités américaines.
Marco Rubio, sénateur de Floride, et prochain Secrétaire d’État, fut en 2016 l’un des membres d’une commission bicamérale et bipartisane – dite gang of 8 – qui avait élaboré un tel projet de régularisation des illégaux.
Sur une autre sujet médiatisé, les droits de douane, là aussi pas de consensus, si tous les pressentis annoncés se sont exprimés en leur faveur, certains les conçoivent comme une tactique de négociation bilatérale – Trump ne comprend pas et hait le multiralisme – avec des pays tels le Canada, le Mexique et l’Union européenne – et d’autres comme un dispositif punitif à taux différenciés, ainsi que comme une source de revenus additionnels, pour les adversaires tels la Chine.
Pourtant Trump, décideur ultime, est parfaitement capable de tenter un grand “deal” avec cette dernière, affaiblie sur le plan économique et diplomatique, par son alliance avec l’axe du mal (Russie, Iran, Corée du Nord).
Sur les sujets géostratégiques et de politique étrangère, certains commentateurs avisés s’inquiètent de la supposée intention du couple infernal Musk-Trump de faire basculer l’Europe dans le camp des populismes d’extrême droite. Le Président Macron se préoccupe de la naissance d’une internationale réactionnaire. De fait, la politique étrangère sera gérée au quotidien par Rubio et Waltz, dont le sortant NSA – conseiller de Biden, Jack Sullivan -, soulignait Fareed Zakharia sur CNN la continuité sur le thème essentiel de la relation avec la Chine.
Quant à l’Ukraine, le règlement du conflit prendra plus de 24h sans aucun doute.
Et l’Iran, considérablement affaibli par les échecs successifs dans ses “proxies”, pourrait envisager un nouvel accord se substituant au JCPOA dont Trump était sorti en 2017.
Nous pourrions aborder d’autres thèmes, cette administration a une fenêtre de 2 années pour tenter de régler des dossiers chauds et potentiellement dangereux, y compris sur le plan intérieur, avec un parti démocrate affaibli et sans leadership incontesté.
En novembre 2026, Trump pourrait perdre le contrôle des deux chambres du Congrès, les sièges républicains en contestation étant le double de ceux à renouveler pour les démocrates. Ensuite il sera un “lame duck” non rééligible.
Aura-t-il la discipline et le management d’équipes requis pour son succès partiel sur quelques thèmes majeurs? Sa personnalité permet d’en douter, mais je reste dubitatif. Sa première décision, la nomination de son directeur de cabinet, une femme qui a joué un rôle essentiel dans sa campagne victorieuse , et de plus une Floridienne, est un indice important. Quant à sa relation avec l’Europe, ses menaces sur l’OTAN n’ont toujours pas conduit à une remise en cause effective de cette alliance, mais le nombre de pays consacrant 2 % du PNB à leur défense est passé de 3 à 20, et 3 % est en passe de devenir la nouvelle norme.
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