CONSÉQUENCES ET LEÇONS D’UN VIRUS

Thierry_de_Montbrial_wpc2019

Chers amis,

Les Européens s’apprêtent à prendre leurs vacances à un moment où la pandémie de Covid-19 semble s’éloigner d’eux, malgré les clusters qui apparaissent ici ou là. Pour autant, nous ne sommes pas à l’abri d’une prochaine vague. Après tant de discours imprudents, plus personne n’ose d’ailleurs émettre des prévisions trop précises. En tous cas, toute accalmie confirmée se prête à des réflexions plus larges tant sur les conséquences de la catastrophe que sur les dysfonctionnements qui l’ont permise.

D’une façon générale, la plupart des commentateurs s’accordent pour dire que, dans tous les domaines, la crise a agi comme un catalyseur, voire comme un révélateur de tendances préexistantes. Ainsi, dans l’économie, certaines entreprises déjà menacées comme dans la grande distribution vont-elles disparaître plus rapidement. Partout, les chaines de production seront à la fois raccourcies et diversifiées pour réduire les risques, politiques ou autres, de ruptures d’approvisionnement. Beaucoup d’activités seront relocalisées. Dans le même ordre d’idées, les échanges se feront moins à flux tendus. On peut également prévoir, au-delà des précautions sanitaires, un ralentissement du trafic aérien international ou même national au profit des échanges par visioconférences que d’innombrables entreprises ont appris à pratiquer à l’occasion du confinement. D’un autre point de vue, on doit s’attendre au renforcement de la politisation de l’économie internationale, c’est-à-dire à une accentuation de la corrélation entre géopolitique, géostratégie et géo-économie. Le tout formant une sorte de « géo » à la puissance trois. Les Etats s’attacheront de plus en plus ouvertement à protéger celles de leurs entreprises qu’ils considéreront comme « stratégiques », ou tout au moins des points jugés critiques de leurs activités. Le droit à la concurrence s’en trouvera bouleversé. Je pense par exemple à la probable course pour les subventions entre Boeing et Airbus, avec en arrière-plan la montée d’un avionneur chinois. Les investissements directs et les mouvements de population seront de plus en plus contrôlés.

Ces quelques remarques ne prétendent évidemment pas à l’exhaustivité. Elles ne font qu’illustrer un retour partiel vers la forme prémoderne de l’économie internationale, selon laquelle on échange essentiellement les biens, alors que les facteurs de production (le capital et le travail dans la typologie classique) sont peu mobiles. Ainsi l’OMC est-elle l’Organisation Mondiale du Commerce, et non pas des échanges économiques en général. Toutes ces transformations se traduiront dans bien des pays par une augmentation du chômage de transition plus rapide que ce à quoi on pouvait s’attendre avant la pandémie.

Certes, l’ouverture sans précédent des vannes de la monnaie partout dans le monde, a permis d’éviter le pire c’est-à-dire les faillites en chaine d’entreprises structurellement viables et à la limite le cauchemar de l’effondrement comme un château de cartes de toute l’économie mondiale. Un peu comme ce qu’a vécu la Russie dans les années 1990, mais à l’échelle planétaire. On n’ose penser à ce qui s’en serait suivi. Une fois de plus, la communauté des Banques centrales a remarquablement réagi. Mais les meilleures actions ont leur face négative : en l’occurrence, l’explosion des dettes publiques. Ce qui est véritablement inédit dans cette affaire est la simultanéité du phénomène partout dans le monde, mais aussi et peut-être surtout le fait que cela se soit produit après une période de stabilité des prix d’une durée exceptionnelle. Cette stabilité me semble due à l’accroissement de la pression concurrentielle, notamment sur les salaires dans les pays développés en conséquence de l’ouverture de l’immense réservoir de main d’œuvre des pays émergents. Avec une démondialisation même partielle, la vraie inflation ou la stagflation, celle dont les Européens au moins de l’Ouest ont oublié les conséquences néfastes, pourrait revenir dans les pays occidentaux. En même temps, dans le reste du monde privé en partie de ses débouchés, les difficultés sociales augmenteraient également. Rien n’est plus facile que de construire sur le papier un modèle mathématique produisant l’illusion de la viabilité d’une dette perpétuelle et mes amis macroéconomistes ne s’en privent pas. Encore faut-il ne pas avoir la naïveté d’y croire. La conclusion est qu’il faudra un surcroît de coopération économique internationale innovante.

Cette remarque me conduit à revenir sur la question de la gouvernance mondiale. Celle-ci était déjà mise à mal bien avant la pandémie, en raison d’une perte de confiance généralisée exacerbée par le laisser-aller dans le comportement de nombre de dirigeants politiques. A commencer par le chef de l’Etat le plus puissant du monde, dont on attendrait au contraire qu’il donne l’exemple. Sans doute le recours systématique à l’insulte ou à la désignation de boucs émissaires fait-il partie de l’arsenal des leaders populistes. Il est également vrai que l’émergence des réseaux sociaux a banalisé les invectives, les fake news et le retour à la loi de la jungle, où le bon sauvage cher à Rousseau n’a guère sa place. Mais si le champ international devenait une foire d’empoigne où l’émotion écraserait la raison, alors qu’objectivement la coopération internationale paraît plus nécessaire que jamais, le risque d’une sorte de troisième conflit mondial deviendrait sérieux.

La pandémie a indirectement donné un coup d’accélérateur à la dégradation des relations sino-américaines et à l’affaiblissement du multilatéralisme, alors qu’elle aurait dû conduire les principaux Etats de la planète à affronter leurs responsabilités conjointes. Le surgissement d’un phénomène susceptible de provoquer une pandémie illustre parfaitement la notion d’effet papillon, lorsqu’une cause minuscule provoque des conséquences immenses. La détection précoce d’un tel phénomène, la collecte et l’interprétation des données correspondantes, l’accès à ces données et leur partage, l’organisation nationale et internationale de la prévention face à ces types de risques (sanitaires en l’occurrence, mais aussi financiers ou autres), la répartition des responsabilités qui en découlent, la détermination de qui finance quoi et de qui a un droit au regard sur quoi : telles sont quelques-unes des questions inévitables face à un monde de plus en plus interdépendant et complexe, dans lequel par conséquent les effets papillon sont voués à proliférer. Il est facile d’accuser la Chine et l’on a effectivement de bonnes raisons de s’interroger à son sujet, ou encore de fustiger l’OMS. Cette dernière a les défauts de bien des organisations internationales dont la parole confine à la langue de bois dès qu’on s’écarte des balises. L’OMS a une action normative, mais elle n’exerce aucun pouvoir direct sur ses pays membres (en particulier, aucun droit d’accès direct à ses données) et ne dispose d’aucune structure préventive lui permettant d’agir en cas d’urgence. Son directeur général n’a pas plus de troupes que le Secrétaire général de l’ONU. Les organisations sont indispensables pour donner consistance à la coopération internationale. Encore faut-il que leurs missions soient définies sans ambiguïtés et qu’elles jouissent de délégations de pouvoir adaptées à l’exercice de ces missions. A cet égard, l’institution la plus exemplaire est le FMI. Mais force est de constater qu’actuellement les principales puissances de la planète manifestent la conception la plus étroite de la souveraineté. C’est de mauvais augure face à la multiplication des risques qui se profilent à l’horizon.

 

Malgré tout, je souhaite terminer sur une note optimiste. Plongé depuis longtemps dans la vie internationale, je suis moins frappé par l’ampleur des drames de l’histoire que par leur limitation. Puisque l’actualité favorise les métaphores médicales, je dirai que malgré les apparences le système immunitaire de la société internationale ne fonctionne pas si mal. Globalement, au cours des trois derniers mois, après un démarrage inquiétant, la qualité de la réponse européenne m’a paru au-dessus de toutes les espérances. Et dans l’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine, je suis prêt à parier que les forces de la raison l’emporteront sur les pulsions. Le plus difficile, pour ces deux puissances, sera d’admettre l’absolue nécessité, dans les prochaines décennies, d’un minimum de partage de la souveraineté, sans lequel le multilatéralisme sera de plus en plus lettre morte. C’est alors que les grandes guerres redeviendraient possibles.

Il me reste à vous souhaiter le meilleur été possible et à vous donner rendez-vous fin août pour ma prochaine lettre.

Thierry de Montbrial

Président et fondateur de la WPC
Président et fondateur de l’Ifri

30 juin 2020

LE BIEN PUBLIC MONDIAL, AU-DELÀ DES MOTS

Au moment où j’écris ces lignes, l’évolution de la pandémie de COVID 19 semble donner raison à ceux des épidémiologistes ou virologues qui nous annoncent depuis un certain temps que la vague est en train de passer. Si tel est le cas, cela ne signifie pas que nous sommes à l’abri d’une deuxième vague et d’autres encore, mais seulement que des répliques ne sont pas imminentes. L’intérêt de continuer de rechercher avec acharnement des solutions thérapeutiques et si possible des vaccins adaptés à ce virus pas comme les autres est incontestable. Mais une éventuelle accalmie devrait aider celles et ceux qui pensent, définissent ou mettent en œuvre les politiques publiques en matière de santé à préciser ce qu’il faut entendre par des expressions comme « un vaccin est un bien public mondial ».

Mon objectif ici n’est pas de commenter le concept de bien commun (celui de bien public est beaucoup plus précis), mais d’attirer votre attention sur le fait que tout impératif catégorique s’y rapportant – même le plus convainquant sur le plan éthique – reste creux en l’absence d’une organisation internationale aux règles précises et acceptées par tous, capable de définir des stratégies et de veiller à leur exécution. Cette remarque va bien au-delà des médicaments et des vaccins. Elle vaut pour la prévention des pandémies comme pour la limitation de leurs conséquences lorsque néanmoins elles surviennent.

Et même cela paraît trop restrictif. Qui pourrait désapprouver Philippe Descola – un anthropologue réputé, disciple de Claude Lévi-Strauss – quand il réclame une « politique de la Terre » imaginée comme une « maison commune » (entendez : à tous les êtres vivants) ?[1] Pour un spécialiste des relations internationales, la référence à la « maison commune » fait irrésistiblement penser aux appels de Mikhaïl Gorbatchev qui, encore Secrétaire général du Parti communiste de l’URSS, cherchait vainement à convaincre les Européens de l’Ouest de partager avec les Soviétiques une maison commune… Je pense aussi à l’avertissement d’Edouard Bard, un climatologue lui aussi de réputation internationale, selon lequel « la pandémie de COVID 19 préfigure en accéléré la propagation du réchauffement climatique »[2]. Cet auteur déplore les comportements individuels ou collectifs chaotiques face à l’actuel « crash test ». Le COVID 19 n’est sans doute pas d’origine climatique, mais on a de fortes raisons de penser que le changement climatique provoquera de nouveaux genres de pandémies. Chacun à sa façon, ces deux scientifiques éminents, comme bien d’autres dans le monde, soulignent la totale impréparation du système international à des types de catastrophes dont pourtant on doit considérer l’avènement comme certain.

Pour ceux qui croient à l’ordre par le droit, cette impréparation est choquante, puisque la mise en place de l’Organisation des Nations Unies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale eut justement pour but d’organiser les relations internationales dans le souci du bien commun. Dans les circonstances de l’après–guerre, le bien commun, c’était la paix. Le « multilatéralisme » est le nom qu’on a donné à une méthode destinée à en renforcer les chances, fondée sur la recherche en commun de solutions face aux situations susceptibles de mettre la paix en danger. Une méthode avec des règles (le droit international) et tout un système d’institutions facilitatrices, comme l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) sur la sellette depuis le surgissement de l’actuelle pandémie. Quels que soient ses défauts, l’ONU ne pouvait pas faire mieux que ce qu’elle a fait pendant la guerre froide, avec un système international hétérogène à l’extrême, dans lequel aucun des principaux acteurs n’entendait renoncer à sa souveraineté et à ses ambitions. Le droit international n’en a pas moins joué un rôle d’amortisseur au cours de nombreuses crises, et c’est déjà beaucoup. L’ONU a aussi servi de caisse de résonance pour la propagande des uns et des autres. Quant à la prise de conscience de la finitude de la planète Terre, elle a commencé à s’imposer dans le dernier tiers du XXe siècle en raison de l’explosion démographique et de la pression exercée par la croissance économique sur les ressources naturelles et l’environnement. Avec peu de conséquences opérationnelles jusqu’à ce jour. Que le multilatéralisme onusien ait échoué, du moins par rapport à l’utopie sous-jacente, me paraît évident. Je n’en déduis pas que l’ONU soit inutile. Le cadre est là. Le manque est politique. Et l’on peut espérer que les drames comme les guerres, les catastrophes naturelles, les pandémies ou autres favorisent la conscientisation et donc l’action positive. A condition que ne l’emportent pas les forces obscurantistes à l’œuvre dans toutes les grandes épreuves. Celle du COVID 19 ne fait pas exception.

Seul l’approfondissement du multilatéralisme permettra de mieux en mieux prendre en compte le bien commun. Quand on parle de multilatéralisme, les juristes entendent « droit international ». Dans le domaine des relations internationales, les politologues pensent d’abord en termes de rapport de force, en donnant au mot « force » son acception la plus large. S’agissant des rapports entre nations souveraines, c’est à mon avis au sein du système d’alliances formé autour des Etats-Unis dans le contexte de la guerre froide que s’est trouvée en pratique la meilleure approximation de l’idée du multilatéralisme. Y compris avec les institutions comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale, ou encore l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).  Il a fallu pour cela le leadership américain face au défi posé par l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

L’érosion du multilatéralisme a commencé, lentement d’abord, après la chute de l’Union soviétique. Aussi bien sous sa forme globale, onusienne, que sous sa forme occidentale (ou « trilatérale », avec le Japon ou la Corée). Les alliés des Etats-Unis n’ont pas osé regarder cette réalité en face. Quant à la puissance ascendante, la Chine, son intérêt était de faire patte de velours vis-à-vis des Occidentaux qu’elle avait l’ambition de rattraper puis de dépasser, comme jadis le Japon après 1868 (révolution Meiji). En même temps, les Chinois développaient leurs tentacules partout sur la planète, et s’efforçaient habilement de modifier en leur faveur les rapports de force au sein des organisations internationales.

Et nous en revenons au coronavirus. A-t-il changé le système international ? Evidemment non. La crise n’a fait qu’accélérer des tendances déjà largement en œuvre sous George W. Bush et Barack Obama. L’orage couvait. Le démiurge Trump l’a fait éclater et, avec lui, la rivalité sino-américaine a pris une tournure globale. A la veille du surgissement de la crise sanitaire, on pouvait encore croire à une accalmie, au moins dans l’ordre commercial. Mais avec la pandémie sont revenus l’orage et la foudre. Les deux derniers épisodes tournent autour de l’OMS et de Hong Kong. La rivalité entre les Etats-Unis et la Chine ne pouvait que s’exacerber. Mais avant l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, on n’imaginait pas que l’érosion du multilatéralisme risquerait d’aller aussi vite jusqu’à sa destruction tant au niveau onusien qu’au niveau occidental. Il n’est pas encore mort, mais le danger est réel, à une époque où les défis globaux, impensés sinon impensables naguère encore, imposeraient au contraire un immense effort pour développer l’action collective.

Je m’abstiendrai de spéculer sur les chances immédiates du multilatéralisme. Mais la sagesse commande en particulier à nous, sur le vieux continent, de capitaliser sur la construction européenne pour donner crédit à une troisième voie entre les Etats-Unis, cette grande démocratie qui se veut toujours libérale, et la République Populaire de Chine qui se dit toujours communiste. La plupart d’entre nous voulons rester proches de la démocratie américaine, mais nous refusons de devenir ses vassaux, notamment à travers une Alliance atlantique reformatée dans ce but. Il y a urgence à clarifier les objectifs réellement partagés de l’OTAN. Quant à l’Union européenne, en dépit de toutes les pleurnicheries des dernières semaines, elle continue de progresser dans les tempêtes, comme ce fut toujours le cas. Les avancées les plus spectaculaires au mois de mai ont été franco-allemandes. Comme toujours également. L’arrêt de la Cour de Karlsruhe, au début du mois, a stupéfié ceux qui méconnaissaient la loi fondamentale allemande et n’avaient jamais remarqué son rôle critique à chaque étape de la construction européenne, notamment à propos de la Banque Centrale (BCE). Face à cet arrêt, la présidente – allemande – de la Commission n’a pas hésité à menacer de poursuivre Berlin, cependant que la chancelière contournait habilement l’obstacle en s’engageant fort loin avec le président français pour une forme de mutualisation de la relance, et qu’à la tête de la BCE Christine Lagarde poursuivait imperturbablement son chemin.

S’il existe une région dans le monde où le multilatéralisme profond avance malgré d’innombrables obstacles, c’est l’Union européenne. Il faudra encore bien des décennies, en Europe et a fortiori à l’échelle planétaire. Mais c’est le sens de l’histoire, car l’alternative est le suicide collectif. Pour ce qui est de l’avenir proche, le monde subira inéluctablement le réchauffement climatique, des pandémies et des guerres plus ou moins intenses. Du moins peut-on espérer limiter les dégâts, ce qui fut somme toute le cas pendant la guerre froide. Soyons convaincus de la responsabilité de l’Union européenne à cet égard.

Thierry de Montbrial

Président et fondateur de la WPC
Président et fondateur de l’Ifri

3 juin 2020

[1] Article de Philippe Descola dans Le Monde, 21-22 mai 2020.

[2] Article d’Edouard Bard dans Le Monde, 25 avril 2020.

We Have No Role But to Bear Witness

WPC 2018, Rabat, October 26 - Itamar Rabinovich, President of the Israel Institute
Tel Aviv Notes
In this latest edition of Tel Aviv Notes, Itamar Rabinovich examines the role of Syria’s cultural and artistic community in the ongoing Syrian crisis.
Date

Adonis, Nizar Qabbani and Sadiq Jalal al-Azm
From left to right: Adonis, from Wikimedia Commons [CC BY-SA 3.0 ]; Nizar Qabbani, from Wikimedia Commons [public domain]; Sadiq Jalal al-Azm, from Wikimedia Commons [public domain].

Bashar al-Asad has survived the Syrian civil war, but he is unable to consolidate his rule and apply it to the whole of Syria. Prominent among the challenges to his regime is the recent “Caesar Act” (Caesar Syria Civilian Protection Act), the sanctions imposed by the U.S. on Asad and his supporters. The effort to protect Syria’s civilian population from the regime’s atrocities is important and laudable. But in the long term if Syria is to be put back together again as a state, a restoration of its civil society will be necessary. In this context, it is important to examine the role of culture and specifically literature in the unfolding Syrian crisis.

In the five decades that preceded the outbreak of the Syrian uprising in 2011, the Ba‘th regime had a formula for maintaining a functioning relationship with the cultural and artistic community in Syria. This formula was not fundamentally different from the methods employed by dictatorial regimes in other countries. The regimes of the father, Hafiz al-Asad, and his son, Bashar al-Asad, demonstrated a limited willingness to withstand criticism and did not hesitate to suppress and imprison their critics, but at the same time, their Baʿthist regimes placed great emphasis on Syria’s status as an important hub of Arab culture. The regime was able to appreciate the prestige and legitimacy that was provided by Syrian theater, cinema, television, poetry, and literature. It also recognized that a limited dose of criticism provided a safety valve with which to release public criticism of the regime.

The Baʿthists were willing to accept criticism as long as it was not aimed at the legitimacy of the regime and its leaders. Criticism of corruption, inefficiency, the bureaucracy, and the ills of Arab society and politics as a whole was acceptable. For its part, the regime was able to establish a symbiotic relationship with a large part of the artistic and cultural community, whose people studied and taught in state institutions and produced state-funded films, plays, and television programs.

Works that went beyond the regime-imposed red lines were banned and their authors were sometimes jailed. An interesting example of this pendulum’s movement is the story of great Syrian playwright Saadallah Wannous. Wannous was critical of the regime, which banned the production of his plays, but in 2007, when UNESCO chose Syria to serve as the 2008 « Arab Capital of Culture, » the regime allowed the production of one of his plays, in light of the fact that he was considered one of the most prominent playwrights, if not the most prominent, in the Arab world.

Syria’s three most prominent intellectuals tried but failed to find a modus vivendi  with the regime. The poet Nizar Qabbani served as a diplomat in the Syrian foreign ministry but resigned in 1966 without criticizing the regime while choosing to live in Europe until his death in 1998. The poet Adonis (ʿAli Ahmad Saʿid Esber), a native of the Alawi Mountain, preferred to live in Lebanon and Paris. He returned to Damascus for a few years and wrote a regular column in al-Thawra newspaper until the regime fired the editor and stopped publishing the column. Adonis returned to Paris and lives there to this day. Philosopher and intellectual Sadiq Jalal al-ʿAzm lived most of his years in Lebanon, Europe, and the United States. In 1995, he returned to Syria as head of the department of philosophy at the University of Damascus. This episode ended in failure in 1999, when al-Azm was granted permission to leave Syria so as not to return.

As the Syrian uprising turned into civil war, a cultural war developed between the regime and the opposition, with both sides trying to enlist the support of the Syrian literary and arts community. Most of them supported the rebellion, but the regime succeeded in recruiting the most prominent comedian in Syria, Duraid al-Laham. Laham’s Shiʿi origins may have been an important factor in his siding with the regime.

Despite a large number of cultural figures opposing the regime, the Asad government still managed to sign about 100 artists, most of them second-tier, to a pamphlet of support. Much more ominous was the violence perpetrated against some regime critics at the height of the civil war. Thugs from one of the pro-regime militias broke the arms and fingers of cartoonist ʿAli Farzat, and singer Ibrahim Qashoush, who became famous for his protest anthem « Yalla Erhal Ya Bashar (Come on Bashar, Leave) » was found dead with his throat and vocal cords cut. Given this reality, it was not surprising that a large number of anti-regime artists preferred to leave Syria for other Arab countries or Europe and the United States. It is no wonder then, that much of the cultural-artistic protests against the regime were made on social media. Particularly popular was a group that operated a puppet theater in short videos broadcast over the Internet.

Against this backdrop, writer Khaled Khalifa is of special interest. Khalifa was born in 1964 in Aleppo, and after graduating from university, became a successful author and screenwriter. His first book was published in 1993 and the second, published in 2000, was confiscated by the Arab Writers Union in Damascus (a radical Pan-Arab organization that also criticized the peace talks with Israel). He acquired his reputation in 2006 with the publication of In Praise of Hatred, which tells the story of a merchant family from Aleppo, and through it, the story of the Muslim Brotherhood’s struggle against the Baʿth regime between 1979 and 1982. Aleppo was one of the main battlegrounds between the regime and the Muslim rebels. The uprising culminated in the city of Hama, where the regime killed over 20,000 residents. Khalifa found a safe middle ground between a graphic depiction of the brutal revolt and repression and the degree of caution required by an author in Syria. The words « Asad, » “Baʿth », and « Alawis” do not appear in the book. Khalifa made use of the words « the president, » « the party, » and « the other community » instead. The book was banned in Syria shortly after its publication, but was republished in Beirut and enjoyed success. Khalifa was not arrested by the regime and continued his work, a clear example of his ability to navigate the unstated red lines during those years.

Khalifa’s most important and successful book was published in 2016 under the title, Death is Hard Work. The book describes the journey of a Syrian family taking the body of its deceased patriarch from Damascus to his native village near Aleppo. On the journey, the family encounters all the horrors of the civil war. Khalifa explained in interviews that the idea for writing the book came to him after he had a heart attack and was hospitalized in Damascus, and when he recovered, he asked himself what would be the fate of his body in the event of his death.

Why did Khalifa decide to stay in Syria and not emigrate like many of his friends? As he explains: « In general, those of us who could have stayed in Syria stayed, and those who left Syria did so because they had to. For those of us who stayed, I feel we preserved this place despite the fact that life here is dangerous and difficult. The decision to stay here is not easy at all. Some have left without being forced, but war is not the time to ask anyone why they want to leave a dangerous place. As for my role and the role of other artists, in simple terms, we have no role but to be witnesses… We are paralyzed in what we can do. I am fortunate to be an author … I can write by myself. You cannot go outside with a camera and take pictures on the street today. It is impossible. I feel that if I leave Syria I will lose this place for good. I am quite a coward. I cannot start my life anew elsewhere … But it is not a matter of courage … There is a price for staying but there is also a price for leaving. I have decided to pay the price of staying. »[1]

Khalifa was also able to survive in Syria because he declared that he does not have political positions, he merely describes reality. He also criticizes the opposition, and his criticism of the regime is restrained. But perhaps more important is the fact that his book was published after the regime had actually won the civil war, with the help of Russia and Iran, and could afford to withstand some criticism, which during the height of the war seemed dangerous. The fact that Khalifa is recognized in the Arab and Western worlds also serves as a kind of shield.

With the conquest of Aleppo in December 2016, the critical phase of the civil war ended in the regime’s victory. Since then, the regime has tried to reestablish its control and legitimacy and reassert its authority, with limited success. Today’s Syria is very different from Syria of 2010. Six million Syrians, mostly Sunnis, have left and several million others are internally displaced refugees in their own country. A significant part of the state is not under the regime’s control and the desire to stabilize the regime and begin economic rehabilitation today seems hopeless. Equally serious is that most of the cultural and artistic community has left Syria, leaving a depleted state in which even Khaled Khalifa would find it difficult rehabilitate its status as an important hub of Arab cultural production and creativity.


Professor Emeritus Itamar Rabinovich was the first director of the Moshe Dayan Center (MDC) for Middle Eastern and African StudiesTel Aviv University . He is also a former president of Tel Aviv University, and a former Ambassador of Israel to the United States. He is President Emeritus and Counsel of the Israel Institute.  

*This article is a revised and edited version of an article that was originally published in Haaretz on June 9, 2020.

Hubert Védrine : «L’Europe est devenue une sorte de petit paradis pour Bisounours»

Siège de la Commission européenne, Bruxelles

23.06.2020

Concernant les leçons tirées par l’Europe de la crise du Covid-19, Hubert Védrine, ex-ministre français des Affaires étrangères, confie au Point qu’il est temps de se défaire de la «naïveté» de «la vision idéalisée de la mondialisation» que les pays européens ont adoptée après la Seconde Guerre mondiale.

«Jamais le monde entier n’avait eu peur de la même menace en même temps!». C’est avec ces mots que l’ancien chef de la diplomatie française Hubert Védrine décrit la crise du Covid-19. Selon lui, elle entraînera «des conséquences anthropologiques profondes», mais ouvrira «une fenêtre d’opportunité pour agir».

Dans un entretien accordé au Point, le diplomate estime notamment que les Européens ont besoin d’une «révolution mentale», car «contrairement à une croyance répandue, plus d’intégration européenne ne veut pas dire plus de puissance».

«Il faut montrer que l’Europe est forte de la force de chaque nation, et qu’en réglementant à outrance, avec des normes ubuesques, on a perdu l’enracinement. Certains paniquent dès qu’on parle de frontières, mais une frontière, ce n’est pas un mur!», souligne-t-il.

Jurassic Park

Pour analyser l’état actuel de l’Europe, M.Védrine remonte aux années d’après-guerre, quand les fondements de l’Union européenne ont été posés:

«Après la Seconde Guerre mondiale, presque tous les Européens ont refusé l’idée même de puissance, dont on pensait qu’elle avait conduit au désastre. Ils ont demandé aux États-Unis de les protéger et, à l’abri de l’Alliance atlantique, ils ont fabriqué le marché commun, puis le marché unique (avec ses normes!). L’Europe est ainsi devenue une sorte de petit paradis pour Bisounours. Mais le monde, c’est Jurassic Park! C’est ce qui se passe quand on jette Machiavel à la poubelle. Nous avons cru […] que tout irait bien puisque les pays en développement allaient devenir, en se développant et en commerçant, plus modernes, plus démocratiques, et qu’ainsi nos valeurs allaient se répandre dans l’Univers».

Se défaire de la naïveté

Pour Hubert Védrine, le temps est venu «de se défaire de cette naïveté», car la révélation de «la dépendance presque complète» de l’Europe dans certains secteurs montre que «la vision idéalisée de la mondialisation» a tourné, en partie à son détriment.

«La pandémie nous l’a montré: pour avoir des masques, les gens se sont tournés vers les gouvernements nationaux, la région ou leur ville, pas vers l’Europe».

Ainsi, poursuit-il, au lieu de dire aux Européens «qu’on va s’en remettre à l’Europe», il faut leur dire qu’«on va rendre l’Europe plus forte par la combinaison des ambitions réveillées des États membres».

«[Il faut] les rassurer en expliquant qu’ils resteront des Français, des Allemands, des Danois, des Portugais, etc., et qu’il ne s’agit pas de leur piquer ce qui leur reste de leur souveraineté», conclut l’ancien ministre français des Affaires étrangères.

Retrouvez l’article intégral sur Sputnik News.

Sylvie Goulard : l’endettement des ménages et surtout des entreprises « est le risque que nous estimons le plus fort »

Covid-19: l’endettement des entreprises, une menace pour les banques

Une hausse des défaillances pourrait induire une augmentation des créances douteuses dans leurs bilans.

L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) s’attend à 40.000 défaillances supplémentaires par rapport aux 55.000 qui surviennent en moyenne chaque année.

Avec la crise du Covid-19, les risques pesant sur le système financier se sont fortement accrus. Et tous sont désormais potentiellement systémiques souligne le rapport trimestriel d’évaluation des risques financiers publié mardi par la Banque de France. L’augmentation de l’endettement des ménages et surtout des entreprises arrive en tête des préoccupations. «C’est le risque que nous estimons le plus fort», explique Sylvie Goulard, la sous-gouverneur de la Banque de France. Confrontées à un assèchement de leurs recettes lors de la période de confinement, les entreprises, dont le stock de dette était déjà élevé, ont eu un recours massif aux prêts garantis par l’État (PGE) pour maintenir leur trésorerie à flot. À ce jour, elles ont déjà demandé plus de 110 milliards d’euros.

Or, la hausse de l’endettement «est susceptible de dégrader la solvabilité de nombre d’entreprises», pointe l’institution. Ce risque serait accentué en cas d’une reprise de l’économie «atone» et d’une dégradation de leurs […]

Lire l’article complet (réservé aux abonnés) sur le site du Figaro.

Prince Michael of Liechtenstein: Europe needs fortitude in the global power play

24 June 2020

Cartoon by GIS

Some leaders in Europe boast about their enlightened “values,” but they do not apply them consistently (source: GIS)

In mid-June, the European Union again prolonged its sanctions on Russia, even though they have proven ineffective. The problem now is that the sanctions have become a punishment for past events rather than a tool to achieve a future political goal. Meanwhile, the European Commission and several member states are boasting about foreign and trade policies based on “values.”

From a realistic, pragmatic standpoint, these half-hearted measures appear driven by idleness, fear, or at best overcautiousness – not values. But Europe’s weak position prevents its decision makers from openly admitting that the strategy has failed.

Then there are double standards, on the national and EU level. The stand taken against Russia does not mirror the policy toward Iran. The 2015 nuclear deal between Tehran, the five permanent members of the United Nations Security Council, Germany and the EU did not oblige Iran to stop its horrendous and appalling activities. Iran continues to sponsor terrorism. It incites and aggravates civil war, riots and unrest abroad – like in Yemen, Lebanon and Iraq – and obstructs shipping in and around the Gulf.

Comfortable complacency

When the Trump administration reinstated sanctions on Tehran, most European countries, and especially Brussels, worked to undermine Washington’s efforts. Whether sanctions are the right move is a question that may be worth discussing. Yet when it comes to Iran, Europe ignores its so-called “values.” It has not proposed any measures to stop Tehran’s misbehavior. Europe’s course of action is neither realpolitik with long-term objectives nor value politics. Instead, it is muddling through with indecisiveness and weakness.

The same is also true of Europe’s policies toward China. Admittedly, China is a superpower and a crucial trading partner. But in its dealings with Beijing, all value considerations were cast aside. Instead, leaders settled for diplomatic allusions to human rights intended to soothe the Western conscience.

Over the last 20 years, the so-called “convergence theory” has allowed for a comfortable complacency. It was taken for granted that rising prosperity would result in democracy and acceptance of Western liberal standards. This has been proven wrong. Beijing has become increasingly authoritarian. Its social credit system will soon help it achieve full control over every Chinese citizen, even recording the DNA of male individuals. The regime is brutally oppressing the Uighur people, challenging Hong Kong’s political status and increasing its pressure on Taiwan.

Whether toward Iran, China or other players, European countries and institutions need clear, long-term objectives

Moreover, Europe is completely ignoring China’s discriminatory and abusive treatment of its Christian minority. The indifference and lack of concern for the brutal treatment of Christians undermine the credibility of “European values.”What is now usually proposed as European values are, among other things, mainly democracy and human rights. It must however be remembered that these values and liberal systems are based on Christian principles, especially “love thy neighbor” (meaning we should respect others), as well as forgiveness on one hand and freedom of choice (and in consequence personal responsibility) on the other. Persecution of Christians is a clear rejection of all European and liberal values. Europe should therefore be sensitive to the persecution of religious minorities, especially Christians.

Yet politics must remain realistic and pragmatic. This means showing courage, strength and character to earn respect. A coexistence of differing systems is a pragmatic necessity.

Diversification, not appeasement

When the United States began taking a more assertive stance toward China, Europeans accused the Trump administration of being protectionist. In 2018, some even held up France and China as icons of free trade in contrast to the U.S. Had it not been so misleading, the comparison would have been laughable.

In an overcautious manner, the Commission has lately begun talking about China as having a “rival system” and an “alternative model of governance.” French President Emmanuel Macron wants a common strategy to deal with Beijing. But all of this remains mere words.

Europe will not change China. China will not become democratic. But Europe can reduce its dependence on China and diversify more toward other Asian markets. Doing so will also strengthen Asian countries’ position toward China. This, and not appeasement, could help Europe gain the Chinese leadership’s respect and help it deal with Beijing on a level playing field, allowing the trade and investment relationship to forge ahead. If Europe continues to tolerate discrimination and abuse of religious groups, the Communist Party leadership will see it as clear proof of indifference and weakness.

Whether toward Iran, China or other players, European countries and institutions need clear, long-term objectives. Europe must calibrate its interests and values, demonstrate real strength and apply pragmatism.

Read Prince Michael of Liechstenstein’s report on GIS. 

John Lipsky: « IMF report is a warning to the world about what will happen if policymakers take their foot off the gas »

IMF says global economic collapse caused by coronavirus will be even worse than feared

Published 

FILE - In this June 10, 2020 file photo, pedestrians walk through a downtown shopping district in Sao Paulo, Brazil. The International Monetary Fund released an updated outlook Wednesday, June 24, forecasting a nearly double-digit recession for Latin America and the Caribbean in 2020. Photo: Andre Penner, AP / Copyright 2020 The Associated Press. All rights reserved.

The International Monetary Fund on Wednesday painted a bleak portrait of the global economy, saying the coronavirus pandemic has caused more widespread damage than expected and will be followed by a sluggish recovery.

The global economy will shrink this year by 4.9%, worse than the 3% decline predicted in April, the IMF said.

No major economy is escaping the pandemic. The U.S. economy, the world’s largest, is expected to shrink this year by 8%. Countries that use the single European currency are headed for a decline of more than 10% while Japanese output will fall by 5.8%, the IMF said.

The Chinese economy, suffering the twin ravages of the pandemic and the trade war with the U.S, is projected to eke out just a 1% gain – its worst performance in several decades.

« Maybe we can say the world has bottomed out, for now, and we’re in a recovery phase, » said Gita Gopinath, the IMF’s chief economist. « But still, the strength of the recovery is highly uncertain because there is no solution yet to the health crisis. »

By the end of next year, the pandemic will have cost the global economy $12.5 trillion in lost output, she added.

Current conditions are considerably more dire than the « unprecedented decline in global activity » that the fund projected two months ago. Since mid-April, economic data suggest « even deeper downturns than previously projected, » the fund said.

Fund officials blamed the darker forecast on the effects of social distancing; scarring to global production capacity from the lockdown of activity; and the productivity cost of new safety and hygiene rules. Some economies also are still struggling to control the coronavirus, the fund added without naming specific governments.

The forecast assumes countries will not reimpose comprehensive lockdowns even if the pandemic flares up again.

Government crisis-fighting efforts – including $11 trillion in spending and tax cuts – have kept the economic collapse from worsening, the fund said.

« Today’s IMF report is a warning to the world about what will happen if policymakers take their foot off the gas, » said John Lipsky, a former IMF senior adviser who is now with the Atlantic Council. « . . . The uncertain spread of the virus, risk of rising trade tensions, and debt vulnerabilities in emerging economies all lead to the same conclusion – we have not done enough. »

Along with backing continued central bank support for low interest rates, the IMF is calling for wealthy nations to grant substantial debt relief to the world’s poorest countries. Earlier this month, the fund approved its 70th request for emergency financial aid, a $148 million loan for Guinea.

The funds are intended to help Guinean officials pay for urgently needed medical programs to deal with a worsening local coronavirus outbreak.

The fund’s economic forecast is more downbeat than some major investment firms. Goldman Sachs, for example, earlier this month raised its U.S. forecast to -4.2% from -5.2%.

The fund’s forecast also carried a stark warning for investors, who have been buoyed by a stock market recovery from the lows of late March.

« The extent of the recent rebound in financial market sentiment appears disconnected from shifts in underlying economic prospects, » the fund said.

If investors subsequently decide they have been overly optimistic, financial conditions could tighten and further hobble the recovery, the fund warned.

That’s not the only question clouding the forecast. Uncertainty over the pandemic’s future course, including prospects for a vaccine, weigh on assessments of economic growth. A medical breakthrough could render obsolete forecasts of a decline.

« Downside risks, however, remain significant, » the fund cautioned.

Low-income countries also are likely to be especially hard hit, with inequality set to worsen, the fund said. Progress in recent years on reducing the share of the world’s population living in extreme poverty – less than $1.90 per day – could reverse amid the global economic hurricane.

Earlier this month, Kristalina Georgieva, the fund’s managing director, called the pandemic recession « a crisis like no other » and said that by the end of this year, an unprecedented 170 countries would see average individual incomes fall.

 

Read the article on The Hour.

Josep Borrell – Migrants: l’UE déterminée à protéger ses frontières

 PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a assuré mercredi que l’UE était déterminée à protéger ses frontières, lors d’une visite à la frontière gréco-turque avec son homologue grec, qui a dit craindre une nouvelle vague migratoire encouragée par Ankara.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a assuré mercredi que l’UE était déterminée à protéger ses frontières, lors d’une visite à la frontière gréco-turque avec son homologue grec, qui a dit craindre une nouvelle vague migratoire encouragée par Ankara.

[…]

Lire la suite de l’article (réservé aux abonnés) sur le site de Mediapart.

Interview de Dorothée Schmid : « Il y a eu une diplomatie sanitaire très forte de la Turquie »

Dorothée Schmid (crédit photo : Ifri)

Coronavirus : « Il y a eu une diplomatie sanitaire très forte de la Turquie »

La Turquie se déploie sur tous les fronts et multiplie les accrochage avec la France. Emmanuel Macron lui a fait remarquer. Pour en parler sur franceinfo mercredi 23 juin, Dorothée Schmid, spécialiste de la Turquie à l’Ifri.

« L’atmosphère au sein de l’Otan est très tendue. On sent qu’on a une compétition de puissance qui monte entre la France et la Turquie en mer Méditerranée, qui est considérée par chacun comme une zone d’influence naturelle« , explique Dorothée Schmidt, spécialiste de la Turquie à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Les militaires turcs sont présents et actifs dans neuf pays, comme l’Irak et la Syrie. En Libye, la Turquie soutient le gouvernement d’union libyen soutenu lui-même par les Frères musulmans. « Recep Tayyip Erdogan compte, pour se maintenir au pouvoir, sur une alliance de partis dans laquelle les nationalistes ont une place charnière. C’est important pour lui de flatter cet électorat« , commente la responsable du programme Turquie et Moyen-Orient à l’Ifri.

« La France a un peu perdu pied »

« La France a un peu perdu pied. En Libye par exemple, Emmanuel Macron en appelle à la morale internationale alors que la France se retrouve à soutenir l’adversaire du gouvernement soutenu par la communauté internationale« , estime-t-elle.

« Il y a eu une diplomatie sanitaire très forte de la Turquie pendant l’épidémie de coronavirus. La Turquie a un système de santé moderne qui a bien résisté à la pandémie. Elle produit des masques et des équipements médicaux et en a envoyé. Elle a choisi ses destinataires pour améliorer les relations avec tel ou tel pays », conclut Dorothée Schmid.

Podcast – Mary Robinson: 75 Years In, Does the UN Still Matter?

On June 26, 1945, delegates from 50 nations who had gathered in San Francisco over two months to attend the United Nations Conference on International Organization signed the United Nations Charter, forging a new world order.

Mary Robinson and Manoly Sisavanh

Mary Robinson, chair of The Elders, an organization of eminent leaders, attending a youth world summit in London, 2019, with Manoly Sisavanh of the Wildlife Conservation Society in Laos. What do older statespeople and those ready to inherit the earth feel about the UN on its 75th birthday? That it has averted a third world war so far, but that it must also prevent another one: climate catastrophe. THE ELDERS

Seventy-five years in and a whole different world later, the UN is celebrating its past, present and future, and to encapsulate the anniversary, PassBlue has produced a special podcast episode, “The Elders and the Youth.” The episode, months in the making, features interviews with a wide range of former heads of state, diplomats, UN officials and young globalists, all of whom were asked what the UN has accomplished since 1945 and what the post-pandemic world should — or could — look like.

With the Covid-19 pandemic destabilizing the already-fragile balance of power at the UN and throughout the globe, the experts and youth weigh in on the organization’s work and reputation, providing lucid commentary and strong opinions on what is right about it but also what is wrong.

Some UN youth delegates are disillusioned with the organization; some elders are desperate for international cooperation; and two Asian scholars believe their region is bound to lead the world soon.

(To hear the new episode, go to Apple Podcast app, SoundCloudSpotifyPatreon, Google Play, TuneIn or Stitcher.)

First, a security organization

After the signing of the UN Charter in San Francisco and the height of global international cooperation immediately after the end of World War II, the UN started operating with a small but critical role.

“If you look at the Charter of the UN, it’s basically formulated to allow this organization to intervene to stop conflicts around the world from spinning out of control,” said Stephen Schlesinger, a senior fellow at the Century Foundation and author of “Act of Creation: The Founding of The United Nations,” in his interview for the episode. “It basically is a security organization.”

Indeed, when talking about the UN’s history, there is one main achievement many experts in the episode agree on:

“I think it would be pretentious to give all the credit to the UN for the fact that we haven’t had a third world war yet,” said Edward Mortimer, a former communications director for Kofi Annan, who was secretary-general from 1997 to 2006. “But I think it has played its part, and I’m not sure that part has always been recognized.”

Another aspect that experts agree on is that the great powers’ bickering in the Security Council shouldn’t be the only window the public looks at, especially during the UN’s 75th anniversary.

“I think the world knows and sees too often the weak part of the UN, which in my view is the Security Council,” Carol Bellamy, a New Yorker who led Unicef from 1995 to 2205, said in her interview. The world, she added, “fails to fully appreciate the extraordinary 800 pound gorilla of the UN, which is its development and humanitarian capacity.”

That’s an assessment that Sir Richard Jolly, a former deputy director of Unicef, echoes. Sir Richard, who lives in England, thinks the eradication of smallpox is one of the UN’s biggest accomplishments.

“In military security, countries spend lots of money every year on their militaries, whether or not they’re engaged in fighting,” Sir Richard said. “On average, in many countries spending two percent or so of GNP, we should be concerned, as the UN is led with the concept of human security, not military security, to protect against invasions across boundaries. But human security protects people against a whole range of threats, such as viruses, gender insecurity in the home and climate change and so forth.”

Yet, he added, “we don’t think in terms of prevention, and we certainly don’t spend two percent of our GNP each year on such prevention as we do for the military.”

Dr. Joannie Bewa, a youth advocate for the UN Sustainable Development Goals, believes that the focus of UN-African Union relations should be on the list of SDGs: “I see a lot of good alignment and overlapping in terms of priorities, if we can make sure that those alignment and priorities for African countries also remain aligned with the SDGs; or, vice versa, I think the collaboration will definitely go by improving,” Dr. Bewa, who is from Benin, said.

Next, Asia prevails?

If many people think the UN’s achievements should be assessed through its humanitarian work and related interventions, the politics in the Security Council remain the elephant in the room. This year alone, intensifying anger between the United States and China has paralyzed the Council, contributing to the more unpredictable state of international affairs in the pandemic.

As Secretary-General António Guterres put it: “The world is not yet multipolar, it’s essentially chaotic.”

Although it is unclear what the world will look like once the Covid-19 pandemic is arrested, many experts pretty much say that a new world order is underway, and it could be a turning point away from Western hegemony.

“The last 200 years of Western domination of world history have been a major historical aberration,” Kishore Mahbubani, who has been Singapore’s ambassador to the UN, told PassBlue.

“All aberrations come to a natural end, so we will see the Asian century again, and as Asians become the most successful societies in the world, then they actually have a greater vested interest in a world order led by the United Nations,” Mahbubani said. “I predict that the Asian countries will become the biggest supporters of the United Nations in the 21st century.”

Mahbubani is a distinguished fellow at the National University of Singapore and the author of a new book, titled “Has China Won?” It argues that “since we all live today in an embattled world, where you have challenges like COVID-19, global warming, the US and China should be working together with each other, because if they continue to fight, historians will see them by two tribes of apes that continued fighting each other while the forests around them was burning.”

Justin Yifu Lin is a former chief economist at the World Bank and now dean of the Institute of New Structural Economics at Peking University. He supports Mahbubani’s argument, saying: “China has every intention to work together, because China understand[s] we are a developing country. And certainly, we hope to have further development, and for that, to have a peaceful world, a world that works together to meet the challenges that we face.”

Time to downsize?

But where does the UN fit into such a “peaceful world”? Thomas G. Weiss, Presidential Professor of Political Science at The CUNY Graduate Center, thinks the UN’s best bet is to shrink and focus on what it does best.

“I suspect as this recession, depression continues, there are going to be lots of other countries besides the US to pull back on various kinds of funding,” Weiss said. “It seems to me that the leadership has to ask some tough questions about what only the UN can do, or the UN can do better than other intergovernmental organizations, nongovernmental organizations or regional organizations, and focus its efforts there. I would see a sort of slimmed down UN doing fewer operational activities and drawing on its comparative strengths.”

With the global order being shaken up by the Covid-19 pandemic and major-power rivalries at stake, Mary Robinson, chair of The Elders organization, sums up her hope for the UN and the entire world, noting that the virus has helped awaken people “on what it means to be human.”

“It’s at the heart of the UN Charter, starting with the words, We the peoples, 75 years ago,” Robinson, an ex-president of Ireland and former UN high commissioner for human rights, said. “We the peoples, 75 years ago, made a step forward in understanding our common humanity through the UN system. And now at the 75th anniversary, we have to renew and greatly strengthen that sense and take our responsibility as citizens of the world.

It’s not just the leaders of different countries, it’s the citizens of the world who have to also be taking responsibility for moving forward.”

Read the original article on PassBlue.

Renaud Girard: «Le danger du nationalisme chinois»

CHRONIQUE – Suite à la dangereuse escalade sino-indienne, la Chine connaît la force du sentiment nationaliste de sa population et n’a aucune envie d’être débordé.

Dans la haute vallée himalayenne du Ladakh, vingt soldats indiens ont trouvé la mort, le 15 juin 2020, dans un incident frontalier avec l’armée chinoise. Cette région de glaciers est disputée entre l’Inde et la Chine, depuis que celle-ci a agressé et humilié celle-là, dans une courte guerre en 1962. À cette époque Mao jalousait la prééminence de Nehru dans le mouvement des non-alignés et reprochait à l’Inde d’avoir donné refuge au dalaï-lama en 1959. Le dictateur communiste belliciste avait voulu donner une leçon au leader démocrate pacifiste.

L’accès de fièvre du lundi 15 juin entre les deux grandes puissances nucléaires asiatiques, le plus grave depuis 1975, a bien sûr fait, le lendemain, l’ouverture des journaux télévisés et la manchette des quotidiens à Delhi, où règne la liberté de la presse. En revanche, le grand journal de la télévision nationale chinoise de mardi soir n’a pas soufflé mot de l’incident. Les autorités communistes de Pékin se sont refusées à communiquer le nombre des […]

Lire la suite (article réservé aux abonnés) sur le site du Figaro. 

Webinaire : « De vive voix », une conférence en ligne avec Védrine, Enthoven et Horvilleur

Le séminaire, organisé le 24 juin par l’association « Les Voix de la Paix » du rabbin libéral français Yann Boissière, aura pour thème « Le bien commun : une évidence pour demain ? »

21.06.2020

« De vive voix » est une nouvelle série de rendez-vous proposés tous les deux mois par l’association « Les Voix de la Paix », présidée par le rabbin libéral français Yann Boissière.

Le premier de ces « mini-séminaires numériques » se tiendra le mercredi 24 juin, de 17h30 à 19h30, sur la plateforme Zoom, avec Hubert Védrine, Raphaël Enthoven, Delphine Horvilleur, Stéphane Rozès, Antoine Sire et Elisabeth Laville. Il aura pour thème « Le bien commun : une évidence pour demain ? », et abordera différentes questions telles que : « La crise actuelle a-t-elle modifié notre vision du bien commun ? » ; « Quel sera le monde d’après ? Fantasmes et réalités » ; et « Quelle raison d’être pour la France ? »

Le détail du programme est disponible sur le site de l’association, et l’inscription est nécéssaire à cette adresse.

« Notre ‘raison d’être’ l’affirme : dans une culture de défiance et d’agressivité permanente où les individus et les communautés s’atomisent et se replient sur eux-mêmes, les Voix de la Paix cherchent à croiser les convictions aussi bien religieuses que non-religieuses dans le cadre républicain pour faire entendre les voix de la paix, à mettre en scène leur dialogue pour réenchanter la vision de notre force collective, et retrouver ce qui manque à chacun et à nos sociétés aujourd’hui : la mémoire, le lien et le sens », rapporte le communiqué de l’évènement.

Les prochains rendez-vous auront lieu en octobre, en janvier et au printemps prochain. Les thèmes seront : « Nos sociétés ont-elles encore de la mémoire ? » ; « Entre ‘je’ et ‘nous’, comment restaurer le lien social ? » ; et « La crise du sens : nos sociétés peuvent-elles retrouver le goût du collectif ? »

 

En savoir plus sur le site The Times of Israël.

Dette à 120% du PIB, pour Jean Pisani-Ferry, « c’est sérieux » mais il « faut le faire »

Invité de BFM Business, l’économiste et professeur à Science Po souligne qu’il faut maintenir les dispositifs de soutien aux entreprises même s’il convient de les resserrer.

Lire l’article sur BFM TV. 

Visioconférence avec Thierry de Montbrial : Le système international saura-t-il se défendre du virus ?

Par Antonin DACOS Isabelle LASSERREThierry de MONTBRIAL , le 18 juin 2020

 

Thierry de Montbrial est le fondateur et président de l’Institut français des relations internationales (IFRI) et membre de l’Académie des sciences morales et politique. Durant cette conférence, modérée par Isabelle Lasserre, rédactrice en chef adjointe au service étranger du « Figaro », et publiée par l’IFRI, il revient sur l’impact du coronavirus sur les évolutions du système international. Résumé par Antonin Dacos pour Diploweb.com

Pour Thierry de Montbrial, le coronavirus devrait accentuer les directions déjà esquissées par le système international avant la crise. Il présente successivement le déclin américain face à l’essor chinois et le passage d’une mondialisation à l’autre.
Avec en bonus un résumé par Antonin Dacos pour Diploweb.com.

Le coronavirus, accélérateur plutôt que perturbateur des tendances internationales

Selon Thierry de Montbrial le coronavirus devrait accentuer les directions déjà esquissées par le système international avant la crise. Il convient donc d’étudier ces grandes tendances avant l’apparition de la pandémie (2019-2020). On peut notamment identifier l’émergence de plus en plus marquée de la puissance chinoise.

La compétition entre la République populaire de Chine et les États-Unis est avant tout scientifique et technologique. Au second XIXe siècle, le Japon répond à l’influence de plus en plus grande en Asie de l’Occident en menant à bien une modernisation économique et scientifique du pays, notamment par son industrialisation. Les autorités japonaises décident de collaborer avec l’Occident pour ensuite l’égaler, voire le dépasser. C’est l’ère Meiji. Cette politique est couronnée de succès avec la victoire nippone durant la guerre russo-japonaise entre 1904 et 1905. Mais le parti des réformateurs chinois ne parvient pas à amener la Chine sur la même voie. Celle-ci sera donc soumise à l’influence étrangère et subit des défaites importantes contre le Japon à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.

Le déclin américain face à l’essor chinois

Pour Thierry de Montbrial, la victoire en 1979 des réformateurs chinois au sein du Parti Communiste chinois amène une « ère Meiji chinoise ». Durant les 20 premières années de cette période, la Chine concentre son activité économique sur le secteur secondaire en produisant des biens à bas coût dans le cadre de la mondialisation. Cette organisation de l’économie internationale lui permet de développer son industrie et de bénéficier de transferts de technologie. A partir de 2001 et de l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), on peut constater une exacerbation des tensions entre l’Occident, notamment les États-Unis, et la Chine.

Cette dernière a rattrapé son retard d’une façon impressionnante. Son objectif est affiché : devenir la première puissance mondiale à l’horizon 2049. Pour accomplir cet objectif, la Chine a encore besoin de temps, notamment pour poursuivre des réformes internes. Elle est pourtant de plus en plus ciblée par les autres puissances, notamment par les États-Unis où Donald Trump (2017-) la désigne régulièrement comme adversaire.

Ceux-ci sont de plus en plus affaiblis. Les États-Unis traversent une crise d’identité sans précédent qui s’ajoute à des difficultés structurelles importantes. Samuel Huttington, pointe dans « Who are we ? » (éd. Simon & Schuster, 2005) cette crise de vocation. Non seulement la puissance américaine est diminuée, mais ses objectifs sont incertains. L’incohérence entre les politiques étrangères de Barack Obama et de Donald Trump illustre ces hésitations. L’administration américaine se trouve donc handicapée dans sa confrontation avec la Chine.

Vidéo. T. de Montbrial (IFRI) Le système international saura-t-il se défendre du virus ?
Thierry de Montbrial

D’une mondialisation à l’autre

Thierry de Montbrial évoque les deux mondialisations. La première est réalisée par une expansion « par le fer et par le sang » via la colonisation. Les marchés des pays sont ouverts par la force et la « diplomatie de la canonnière ». La seconde mondialisation, que nous vivons actuellement est libérale et s’appuie sur une ouverture des marchés décidée par les pays acteurs de ce phénomène. L’entrée de la Chine à l’OMC en 2001 est à cet égard significative.

Dans ce contexte de dérégulation, chacun peut se demander si le système international saura mettre en place de nouvelles règles du jeu. Après la décolonisation, la puissance américaine a joué un rôle de stabilisation et d’organisation du bloc de l’ouest. Après la chute du Mur (1989), leur influence s’est appliquée à la quasi-totalité des pays du monde. Leur recul, accéléré par le COVID-19, pose la question du leadership mondial et des conditions de la confrontation entre les deux grandes puissances mondiales. Le piège de Thucydide est un mécanisme historique étudié par le chercheur Graham T. Allison comme une situation où une puissance dominante entre en guerre contre une puissance émergente, de peur que celle-ci ne prenne sa place. Pour Thierry de Montbrial, le risque d’une telle situation aujourd’hui est peu probable. Mais, la désorganisation économique du système international qui mènerait à une exacerbation des confrontations est largement possible, surtout dans un contexte de confrontation commerciale et technologique sino-américaine.

Dans cette situation de tensions fortes entre grandes puissances, la question se pose du positionnement de l’Union européenne. Est-elle capable de se renforcer suffisamment pour jouer un rôle sans être un simple pion de la compétition entre la Chine et les États-Unis ?

 

Retrouvez l’article original sur Diploweb.

Fathallah Oualalou : Chronique de confinement (Part. 4)

Fathallah Oualalou à la World Policy Conference

Capitaliser sur les « bonnes réputations »

Fathallah Oualalou

Senior fellow. PCNS.

Auteur de « La mondialisation et nous, le sud dans le grand chamboulement ».

La Croisée des Chemins.2020

La réputation, concept majeur s’il en est, est un indicateur de l’estime accordée à une personne physique mais aussi à une entreprise ou encore à une entité étatique. Constituée d’une somme de perceptions, elle est la  résultante globale de l’ensemble d’images, d’appréciations des actions et comportements de celles-ci. Ainsi, la bonne réputation d’un gouvernement est déterminée et mesurée par son aptitude à faire face aux épreuves que traverse le pays, à affronter les bouleversements qui le secouent et à gérer les sorties de crise. A l’échelle des relations internationales – notamment en cette phase de  globalisation avancée –, la réputation d’un pays donne une image sur sa capacité à rayonner au niveau de sa région, voire au-delà,  et à s’adapter aux chamboulements de la mondialisation.

La crise du Covid-19, qui s’est produite à la fin de la deuxième décennie du siècle,  reflète, par sa gravité, la vulnérabilité de cette mondialisation. Survenant après les chocs géopolitiques du 11 septembre 2001 et économique de la crise de 2008, elle a révélé au grand jour les incertitude et imprévisibilité du monde actuel, devenues des constantes. Elle a contraint  les pouvoirs publics à choisir la sauvegarde des vies humaines – imposant le confinement plus de 4 milliards de personnes – au détriment de l’économique. Qui s’est effondré. Et qu’il faut aujourd’hui aider à se relever. Les Etats se trouvent de ce fait aujourd’hui mobilisés sur plusieurs fronts à la fois : le front sanitaire et avec lui les exigences de la protection sociale de tous et le front économique pour la relance de la machine.

D’où la sidération qu’ont connue tous les pays, quels que soient leur niveau de développement ou encore le mode de fonctionnement de leurs systèmes politico-économiques. La crise du Covid marque ainsi une rupture, pour ne pas dire une fracture, dans l’évolution du monde. Le monde de demain sera, à n’en pas douter, différent de celui de l’avant coronavirus.

Un parallèle pourrait être fait entre la Seconde Guerre mondiale et cette crise sanitaire. Ces deux « déflagrations » ont déclenché  l’accélération des tendances en gestation avec leur survenue, celles du  monde de l’après Première Guerre mondiale  pour la première, et celles qui ont accompagné la naissance du XXIème siècle pour la deuxième.

Mais, si la fin de la Seconde Guerre mondiale a permis aux deux grands vainqueurs d’alors, USA et URSS, de façonner la gouvernance géopolitique mondiale (ONU) et aux Etats-Unis,  avec l’Europe occidentale dans leur son sillage, d’encadrer la géo-économie mondiale (FMI, Banque mondiale, OMC), le monde post-2020 restera marqué par les incertitudes dans lesquelles il est plongé depuis la fin de guerre froide et l’effondrement du système soviétique. Alors que tout au long des années 1980 et 1990, les Etats-Unis avaient imposé leur hyper hégémonie pour créer un monde unipolaire sur le double plan économique et géopolitique, avec la montée de la Chine et l’exacerbation des tensions commerciales et aujourd’hui sanitaires entre ces deux géants,  de nouveaux antagonismes ont fait surface et une nouvelle bipolarité s’est constituée.

Ce sont les solides réputations acquises pendant la guerre 39-45 qui ont  permis aux Etats-Unis et à l’URSS de peser de tout leur poids sur le fonctionnement du monde tout au long de la seconde moitié du XXème siècle. Une double hégémonie contrariée cependant par la survenue d’évènements géopolitiques et économiques : pour l’URSS, les contestations hongroises de 1956 et tchécoslovaques de 1968, l’impact du conflit idéologique avec la Chine populaire durant les années 1960, l’échec de son intervention  en Afghanistan dans les années 1980, jusqu’à la disparition de l’Union soviétique en 1990. Les Etats-Unis quant à eux, ont été secoués par les effets de la guerre du Vietnam dans les années 1960-1970 et des chocs pétroliers de 1973 et 1979, par l’écho de la révolution islamique iranienne de 1979 et les décisions monétaires du Président Nixon 1971, … puis plus tard, par le choc du 11 septembre 2001, de la crise de 2008 et par les nouvelles tensions commerciales avec la Chine, le Mexique et l’Europe.

La crise sanitaire et économique de 2020, dont l’épicentre s’est déplacé  de Chine d’abord vers l’Europe puis vers la Russie, les Etats-Unis et le Brésil, a été – et est encore – une véritable épreuve pour le monde entier. Les réponses face au coronavirus ont été différenciées de sorte que certains pays sont aujourd’hui devenus des références grâce à l’efficience de leurs actions. Et la réputation ainsi acquise leur donne une crédibilité nouvelle qui leur permet de renforcer leur position dans leur environnement régional (Allemagne) et/ou dans construction du nouveau multilatéralisme qui est en train de se mettre en place.

Dans ce cadre, les Etats-Unis, la Chine et l’Europe se livrent une véritable bataille pour découvrir le vaccin et/ou le traitement anti-Covid-19 qui leur permettra, en sauvant le monde, de construire et/ou améliorer leur réputation.

L’attitude des présidents Trump et Bolsonaro, qui considèrent l’OMS complice de la Chine dans la gestion de la crise du coronavirus, vis-à-vis de cette organisation fait vaciller le multilatéralisme dans un moment sensible de l’histoire du monde. Un multilatéralisme déjà déstabilisé par le retrait des Etats-Unis de l’Unesco, de l’accord de Paris sur le réchauffement climatique et  de l’accord nucléaire avec l’Iran et par leur alignement sur la politique de colonisation systématique menée par Israël.

Les grands programmes de sauvegarde et de relance des économies, soutenus par le G20, auront un impact certain sur le monde post-Covid.  Partout, le but est d’aider les chômeurs, l’économie informelle et bien sûr les secteurs économiques affectés par les effets des confinements (industrie, PMI, transport aérien, tourisme, restauration, etc.). Selon une étude de McKinsey, les plans de sauvetage gouvernementaux se chiffreront à  10 billions de dollars, soit trois plus que les plans de relance mis en œuvre au lendemain de la crise de 2008 (l’Europe occidentale seule devra leur allouer 4000 milliards de dollars, soit l’équivalent de 30 fois les crédits du plan Marshall), somme à laquelle il faut ajouter les injections monétaires réalisées par les banques centrales pour racheter des obligations publiques.

Tirant des leçons de la gestion de la crise de 2008, les gouvernements actuels voudraient que les programmes de relance en cours dépassent le seul quantitativisme et soient rattachés à des choix qualitatifs autour de :

  • la promotion de l’économie verte, et donc favoriser une relance innovante et décarbonisée ;
  • l’accélération de la numérisation et des apports de l’intelligence artificielle dans les activités économiques avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les réformes dans le domaine de la formation des ressources humaines ;
  • l’adaptation aux ruptures entrainées par la crise sanitaire sur les chaines d’approvisionnement et donc accorder plus d’intérêt à la question de l’autonomie nationale,  favoriser les productions locales et  réduire les risques de dépendance en matière de production des biens essentiels (santé, productions alimentaires, technologies, etc.).

Sept chantiers, sept problématiques

La rupture créée par la crise sanitaire amènera tous les pays à s’attaquer à court puis à long terme à sept grandes problématiques :

1. LE FINANCEMENT DES PROGRAMMES DE SAUVETAGE ET DE RELANCE

Dans les semaines à venir, les Etats vont s’endetter massivement pour financer leurs plans de sauvetage sanitaire et  de relance économique. Dans les pays développés et émergents, les banques centrales ont d’ores et déjà « monétisé » l’essentiel  des dettes publiques. De même,  l’UE a mis en place  un consensus pour mutualiser l’endettement de ses Etats membres.

Pour aider les pays pauvres et en développement à gérer leurs dettes forcées du fait des contraintes de la crise du Covid, une concertation internationale – sous la conduite du G20 en association avec le FMI et la Banque mondiale par exemple – pourrait s’avérer nécessaire. Une telle intervention solidaire, indispensable pour trouver une solution à cet endettement aussi inattendu qu’exceptionnel,  donnera à la communauté internationale  une réelle crédibilité en matière de gestion du financement international. En 2010 déjà, Jacques Attali, dans son ouvrage « Tous ruinés dans dix ans ?:Dette publique : la dernière chance »- Fayard,  proposait la mise en place d’une « architecture mondiale » de gestion de la dette. Il mérite un coup de chapeau.

2. VERS UNE NOUVELLE BIPOLARISATION

La crise du Covid-19 va consacrer l’installation d’une nouvelle bipolarisation du monde autour de l’antagonisme entre les Etats-Unis et la Chine. La tension commerciale qui les oppose depuis 2017 a été intensifiée par la guerre sanitaire qu’ils se livrent. Si la suprématie américaine reste réelle, notamment sur le plan stratégique, la Chine dessine, à travers son initiative « La ceinture et la route » un instrument de rayonnement  sur l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Dans l’avenir, la grande compétition sino-américaine se cristallisera de plus en plus autour du numérique. La tension en court autour de la 5G en est la preuve.

3. LA MONTEE EN PUISSANCE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

Dès le début du siècle, le numérique et l’IA sont devenus le pivot de la nouvelle révolution technologique menée par les GAFAM et les BATX, mais aussi par la robotisation de la production. La crise sanitaire et le confinement ont donné un élan remarquable aux instruments de cette révolution grâce aux grands progrès accomplis par le télétravail et l’organisation de toutes les formes de contacts à distance (vidéoconférences, activités éducatives, médiatiques et artistiques). Partout dans le monde, les réformes des systèmes d’enseignement et de formation intègrent désormais l’utilisation de ces technologies devenues des instruments majeurs des activités humaines, notamment dans le domaine de l’économie et de la transmission des données.

4. L’INTERET ACCORDE A LA PROXIMITE ET A LA REGIONALISATION

Depuis les années 1950, l’avancée de la mondialisation a favorisé l’émergence de pôles de solidarité régionale, en Europe, en Amérique du nord ou encore entre les différents pays asiatiques. Des unions et rassemblements régionaux se sont constitués autour des échanges commerciaux, des politiques communautaires ou des interdépendances industrielles. Mais, la logique de la mondialisation rampante a élargi la sphère du libre-échange favorisant l’extension des chaines de valeur devenues mondiales et donc un processus de délocalisation industrielle en faveur notamment de l’Asie. La crise du Covid-19 a brisé ces chaines de valeur. Elle a révélé la dépendance des pays vis-à-vis d’espaces lointains. Aux Etats-Unis, en Europe et même au Japon, des voix s’élèvent aujourd’hui appelant aux relocalisation/rapatriement des activités industrielles stratégiques : médicaments, masques, équipements automobiles, etc. Cette prise de conscience est favorable à la proximité et à la régionalisation. Une telle relocalisation, en réduisant le coût des distances, participerait à la décarbonisation.

L’Europe aura intérêt à organiser le processus de relocalisation en son sein et associant les espaces de proximité du sud : Méditerranée et Afrique. Plutôt que la relocalisation, il faut promouvoir une re-régionalisation comme le propose Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères.

5. VERS L’AVENEMENT D’UNE MULTIPOLARITE ET D’UN MULTILATERALISME RENOVES

L’après-guerre a donné naissance à un monde bipolaire dominé d’une part par le pluralisme économique et politique de l’Occident sous le leadership américain et d’autre part par un système centralisé mené par l’URSS. La disparition de l’Union soviétique, l’essoufflement des économies occidentales du nord et la montée de la Chine ont rebattu les cartes. La crise de 2008 a favorisé la création d’un G20 élargi aux pays émergents, G20 qui devait se substituer au G7 dans la gestion des grandes contraintes de l’économie mondiale. Ce sont là les prémisses d’une multipolarité en genèse. La crise de 2020 a accéléré cette tendance et incité au renforcement de la régionalisation. Les pays asiatiques poursuivent leurs rapprochements. Ceux de l’UE sont en train de donner un nouvel élan à l’intégration européenne malgré le retrait britannique. Si donc la crise de 2008 avait nourri les populismes et favorisé le recul du multilatéralisme, celle de 2020 devrait créer, malgré des discours septiques ici et là, plus de coopération internationale sur les dossiers de la santé et de l’environnement. Et finalement sauvegarder (sauver ?) le multilatéralisme, le rénover et créer les conditions de plus d’équilibres pouvant se traduire par l’émergence d’une multipolarité. C’est dans ce cadre qu’il est de l’intérêt de l’Europe de renforcer son intégration économique, politique et stratégique et de tendre la main à l’Afrique pour construire avec elle un nouveau pôle face à l’Amérique du nord et à l’Asie, consacrant une nouvelle centralité de la Méditerranée. C’est en effet par la multipolarité que le système mondial pourrait s’acheminer vers plus de partage et d’équilibre.

6. LA NECESSAIRE GESTION DES « BIENS COMMUNS »

La crise du Covid-19 a contraint les politiques publiques à revenir sur les normes orthodoxes de la macro-économie. La mobilisation des programmes de sauvetage sanitaire et économique se traduit par le dépassement des règles budgétaires conventionnelles en termes de déficit (3% du PIB) et d’endettement public (60% du PIB). Le keynésianisme, mis à mal depuis les années 1980 par le néo-libéralisme, est réhabilité sous la pression des nouvelles contraintes. Les banques centrales des pays développés ont également suspendu leurs interventions classiques pour soutenir les plans de reprise et racheter les obligations publiques. Mais ce retour au keynésianisme est plus qualitatif. Il doit se traduire par l’intérêt accordé par les Etats à la gestion des « biens communs » et du long terme qui concerne l’avenir de l’humanité, notamment dans les domaines de la santé, du social, de l’éducation et de l’environnement. Ainsi, la nouvelle épreuve que vit le monde conduira à l’ouverture sur des opportunités pour réorienter les politiques publiques au service de ces biens communs. La santé, l’éducation, l’équité et l’environnement : un même combat. Cela impliquera certainement l’introduction de nouvelles catégories d’analyses dans la sphère scientifique de l’économie politique. Celle-ci ne peut plus être fondée seulement sur le court terme, ou sur la recherche exclusive de la productivité et des profits à tout prix. Elle devra désormais prendre en compte de nouvelles exigences que sont la protection de la santé humaine et la sauvegarde de l’environnement. La recherche de l’efficience n’exclut pas celle de l’équité.

7. LA PROBLEMATIQUE DE L’INIQUITE

Tous les indicateurs ont montré que l’accélération de la mondialisation tractée par l’hyper hégémonie des recettes néolibérales depuis les années 1980 a produit une exacerbation des asymétries entre les pays (nord-sud) et à l’intérieur de ceux-ci. La crise de 2008 a révélé, à partir des dérives financières, ses vraies origines, liées aux inégalités à l’intérieur des sociétés en termes de répartition des richesses et des revenus.

La crise sanitaire a mis en lumière de nouveaux aspects de cette iniquité. Partout dans le monde les victimes de l’épidémie appartiennent majoritairement aux sphères les plus fragiles et les plus marginales. Aux Etats-Unis, pays qui compte le plus grand nombre de victimes, plus du tiers des personnes décédées appartiennent à la communauté noire qui ne représente que 13% de l’ensemble de la population. Dans ce pays, les frustrations nées du confinement ont été amplifiées par un malaise lié à la plus grande manifestation de l’iniquité : le racisme. L’affaire Gorges Floyd a déclenché un élan mondial de soutien au mouvement « Black lives matters », secouant les sociétés des pays développés, des Etats-Unis à l’Europe pour leur rappeler peut-être les origines coloniales des iniquités. Comme pour le Covid, va-t-on assister à une rupture, même partielle, entre l’avant et l’après Gorges Floyd ? Il faut l’espérer.

La rencontre de toutes ces ondes de choc dans ce moment exceptionnel de l’histoire de l’humanité fait que les actions pour plus de santé, plus d’égalité, plus de respect de l’environnement appartiennent à une même logique et appellent à la rénovation des modèles de développement et à la promotion d’un monde équilibré et humanisé. Il est vital de répondre à ce que François Perroux avait appelé, dès les années 1960, « Les coûts de l’homme ».

Le Maroc, le Covid-19 : capitaliser sur la « bonne réputation »

La crise du Covid-19 est une grande épreuve et, comme toute épreuve, elle accouche d’une grande opportunité. Le Maroc a été certainement parmi les pays en développement qui ont le mieux géré les conséquences de la pandémie. Un véritable combat a été mené, avec l’adhésion de toute la population confiante dans l’action menée par l’Etat. Il s’agit maintenant de capitaliser sur la bonne réputation acquise par le pays pour négocier le virage post-Covid. La mise en place d’un nouveau modèle de développement sera certainement enrichie par les leçons qu’on doit tirer de cette crise sanitaire et des conséquences du confinement. Au Maroc, la recherche de l’efficience doit passer, comme partout dans le monde, par une approche de solidarité. Surtout, la capitalisation sur la  réputation acquise doit conduire le pays à améliorer sa capacité à négocier avec les bouleversements attendus de la mondialisation à travers trois orientations :

  1. Participer à la promotion d’un nouveau pôle régional qui regrouperait l’Afrique et l’Europe et consacrerait une nouvelle centralité dynamique de la Méditerranée. Pour cela, le Maroc devra améliorer son attractivité pour tirer profit des mouvements de relocalisation et re-régionalisation des activités économiques.Malgré les  contraintes géopolitiques, le Maroc  n’abandonnera jamais le projet maghrébin, nécessaire aujourd’hui pour les pays de la région, mais aussi pour l’Afrique, l’Europe et la Méditerranée. Cette dynamique régionale doit être fondée sur une rénovation du partenariat euro-méditerranéen qui doit dépasser ses propres limites et s’ouvrir sur une logique de coproduction et de gestion commune des problématiques développement-migration-sécurité. Cela permettra à l’Europe, étant donné son avancée technologique, et à l’Afrique, avec ses potentialités démographiques et son apport culturel, de participer à créer un nouveau pôle AME dans le cadre d’une multipolarité mieux  partagée.Le Maroc doit continuer à renforcer son ancrage en Afrique en consolidant ses actions en faveur du développement alimentaire (grâce aux phosphates), de l’électrification, de la diversification du tissu productif et participer à promouvoir la zone de libre-échange continentale. Grâce aux initiatives royales, le Maroc a su lier la gestion de la crise sanitaire à une approche de partenariat sud-sud avec les pays subsahariens.
  2. S’ouvrir sur les espaces lointains en vue de diversifier les échanges extérieurs avec les deux Amériques : celle du nord, la première puissance économique et géopolitique du monde et celle du sud dans le cadre d’un triangle stratégique Europe-Afrique-Amérique Latine, et avec l’Asie et toutes ses composantes en tenant compte du rôle essentiel de la Chine qui propose à notre région de coopérer avec son initiative « La ceinture et la route ».
  3. La maîtrise des rapports avec la proximité et avec les espaces lointains permettra au Maroc d’adhérer à la dynamique de la révolution technologique du XXIème siècle, représentée par le numérique et l’IA, en rapport avec l’avènement d’un nouveau modèle de développement et la réalisation des réformes nécessaires dans le domaine de l’éducation et de la formation.

 

(20 juin 2020)

 

Retrouvez les 4 chroniques de la série La mondialisation et la pandémie – Chroniques de confinement,  par Fathallah Oualalou pour le Policy Center for the New South.

Kemal Dervis – Less Globalization, More Multilateralism

While some degree of deglobalization may be desirable today, this process also carries grave risks, from skyrocketing production costs to geopolitical conflict. The only way to mitigate those risks is through enhanced multilateral cooperation.

WASHINGTON, DC – With the COVID-19 catastrophe having laid bare the vulnerabilities inherent in a hyper-connected, just-in-time global economy, a retreat from globalization increasingly seems inevitable. To some extent, this may be desirable. But achieving positive outcomes will depend on deep, inclusive, and effective multilateralism.

One of the most powerful drivers of support for deglobalization is the vulnerability of production models that rely on long and complex global supply chains, which have sacrificed robustness and resilience at the altar of short-term efficiency and cost reduction. With many companies and industries dependent on faraway suppliers – and lacking any alternatives – no part of such value chains can function unless all parts do. And as the COVID-19 crisis , one never knows when parts will stop functioning.

This is especially true with regard to China, a global supply-chain hub. The country is central to the manufacture of a wide range of common consumer products, including mobile phones, computers, and household goods. Moreover, it is the world’s largest supplier of active pharmaceutical ingredients, so a crisis affecting production there can disrupt medical supplies worldwide.

It should not be surprising, then, that China’s COVID-19 lockdown immediately affected global production. Fortunately, China seems to have brought the coronavirus under control, and economic activity in the country is returning to normal, so the disruption has been limited. But there is no guarantee that the next disruption will not be more severe or last longer.

Such a disruption could come in the form of another public-health crisis or a natural disaster. But it may also be a political decision – what the political scientists Henry Farrell and Abraham L. Newman call “weaponized interdependence.”

This was a source of apprehension even before the pandemic, when the United States cited national security concerns to block Chinese telecommunications giant Huawei from its markets and restrict its access to US technologies and suppliers. Many governments are also intensifying scrutiny of foreign investments, lowering the thresholds beyond which restrictions are triggered, increasing the number of sectors deemed strategic, and working to repatriate production in these areas.

Many climate activists also call for more local production. Global shipping emitted 796 million tons of carbon dioxide in 2012, accounting for about 2.2% of total anthropogenic CO2 emissions for that year, according to the International Maritime Organization. Reducing the distances over which goods are transported would advance the world’s emissions-reduction goals. But at what cost?

Efforts to prevent “carbon leakage” – when companies shift production away from countries that have implemented strong emissions-reduction measures (such as carbon prices, cap-and-trade mechanisms, or strict regulations) – would also imply some deglobalization. Already, some advocate carbon border taxes to discourage this phenomenon – an approach that would strengthen the incentive for local production.

All of this suggests that some degree of deglobalization, with an emphasis on robustness and sustainability, may be both inevitable and desirable. But this process carries serious risks, from skyrocketing production costs to geopolitical conflict.

To be sure, some increase in production costs will be unavoidable, as countries try to diversify their supply chains and build more redundancy into them. And it may not be too difficult for very large economies to cover the costs of diversifying their production. But small and medium-size economies would find the costs prohibitive. Countries attempting to stockpile supplies of vital goods would also run into cost constraints.

Climate concerns and carbon border taxes could compound the problem, by spurring cycles of retaliation and intensifying strain on international trade. Likewise, reducing trade and foreign investment in the name of national security may actually increase political tensions and, by spurring a cycle of reprisals, place economies on a downward spiral.

The emergence of two large and diversified blocs centered around the US and China could reduce some of the economic costs of deglobalization. But it would also undermine the agency of most countries (which would be forced to choose a side), further politicize the global economy, and erode the legitimacy of the international order. Moreover, by entrenching a volatile long-term rivalry, it would pose a grave threat to peace. The addition of a third bloc, comprising the European Union and other cooperation-oriented economies, would not do much to offset these disadvantages.

A better approach would be based on effective forms of multilateral and global cooperation. To ensure adequate pandemic preparedness, for example, the world should develop a more ambitious shared early-warning system and agree to stockpile medical equipment in regional centers, overseen by the World Health Organization, with established cost-sharing policies and flexible deployment plans. Similarly, protocols and financing for rapid vaccine development and production capacity should be agreed (and continually updated). This would place the world on a stronger footing to manage a large-scale disease outbreak than an every-country-for-itself approach.

Dorothée Schmid : « Erdogan veut démontrer qu’il peut faire ce qu’il veut en Libye »

Dorothée Schmid (crédit photo : Ifri)

Propos recueillis par Anne Dastakian

Au moment où la Russie et la Turquie s’affrontent en Libye, en défendant des camps opposés et avec l’aide de supplétifs syriens, faisant craindre un embrasement général dans la région, Dorothée Schmid, spécialiste de la Turquie et du Moyen Orient à l’Institut français des relations internationales (Ifri), donne son éclairage sur ce conflit.
Au moment où la Russie et la Turquie s’affrontent en Libye, en défendant des camps opposés et avec l’aide de supplétifs syriens, faisant craindre un embrasement général dans la région, Dorothée Schmid, spécialiste de la Turquie et du Moyen Orient à l’Institut français des relations internationales (Ifri), donne son éclairage sur ce conflit.

Marianne : Quel est le bilan du coronavirus en Turquie ?

Dorothée Schmid : Les autorités turques se sont saisies du problème du Covid-19 un peu plus tard que les pays voisins. Mais la population est jeune et le système de santé solide. Depuis une dizaine d’années, en effet, il a été complètement réformé, avec la construction d’hôpitaux, et la généralisation de l’assurance santé. A l’origine, la contamination est venue d’Iran. La Turquie, elle, a contribué à diffuser le virus vers l’Afrique. Si la réaction initiale de la Turquie a été un peu lente, dans un second temps, grâce à sa capacité de production d’équipements sanitaires, ce grand pays d’industrie textile s’est très vite lancé dans la fabrication de masques, mais aussi de tests de dépistage.

En interne, la popularité du président turc Recep Tayyip Erdogan a profité de sa gestion de la pandémie. Il a imposé le confinement le week-end et pendant le ramadan, et il n’y a pas trop de doutes sur les chiffres donnés par le régime : le 10 juin, la Turquie compte officiellement 172.114 cas et déplore 4.729 morts.

Sur le plan international, il en a fait un instrument, en lançant beaucoup d’initiatives de « diplomatie sanitaire », notamment vers l’Italie et l’Espagne, mais aussi en direction des Etats-Unis. Outre des masques et des tests, les Turcs ont même vendu des pièces détachées pour respirateurs, en principe interdits à l’exportation. Erdogan est personnellement intervenu pour transformer certaines transactions commerciales en envois humanitaires.

On a beaucoup parlé de la « diplomatie du masque » chinoise, et l’opération de charme de la Russie en Italie, baptisée « From Russia with love », mais les efforts turcs en la matière ont été moins remarqués. En revanche, l’action de la Turquie en Libye n’a échappé à personne… Au point de craindre le déclenchement d’un conflit avec la Russie, voire plus.

Les Turcs étaient très présents en Libye du temps de Kadhafi, et y ont beaucoup d’intérêts. Avec le Qatar, ils soutiennent le gouvernement de Tripoli (proche des Frères musulmans et donc de l’AKP d’Erdogan). L’engagement turc en Libye a été progressif, puis il est devenu ouvert, après que le maréchal Khalifa Haftar a dénoncé la présence de soldats turcs, en février dernier. Cet engagement ouvert fait craindre que la situation s’y dégrade, avec en outre, des conséquences sur la question migratoire en Europe.

Si cet engagement très loin des frontières turques a été une surprise, il s’est avéré un pari gagnant pour Erdogan. Il a signé un accord provisoire avec la Russie pour se partager le terrain. Mais l’exfiltration en Libye de barbus syriens, qui veulent en découdre avec les Russes, risque fort d’y reproduire la situation syrienne. Tout le monde joue à l’apprenti sorcier.Les Russes avaient parié sur Haftar par anti-islamisme. Les Français aussi, pour expier leur faute originelle dans le chaos libyen.

Au moment où le partenariat russo-turc tournait au vinaigre, en Syrie puis en Libye, le Covid-19 a servi de prétexte à un rapprochement. Les Russes, mal en point sur le front sanitaire, ont besoin des Turcs pour la recherche d’un vaccin. Le rapport de forces se rééquilibre. Les Turcs, histoire ottomane à l’appui, se disent chez eux en Lybie, et légitimes dans la région, contrairement aux Russes : le match retour, en quelque sorte.

Pourquoi l’Otan, dont la Turquie est pourtant membre, est-elle impuissante à calmer le jeu ?

L’Alliance atlantique est en crise. Et Erdogan veut démontrer qu’il peut y faire ce qu’il y veut.

L’Otan ne commande pas à ses membres, comme c’était le cas au sein du pacte de Varsovie, mais c’est une institution où l’on peut discuter. Le problème est que la Turquie est engagée sur des fronts importants pour l’Occident. En 2003, au moment de l’intervention en Irak, la Turquie avait refusé le transit terrestre aux troupes américaines. Pendant la crise syrienne, elle a proféré des menaces d’affrontement quasi explicites, en lien avec la question kurde.

L’armée turque est devenue plus efficace, en dépit de la tentative de coup d’état militaire de juillet 2016, et des purges monstrueuses qu’Erdogan lui a ensuite fait subir. Dès septembre 2016, c’est-à-dire deux mois à peine après le putsch avorté, Ankara lance l’opération Bouclier de l’Euphrate, dans le nord de la Syrie, avec des groupes rebelles syriens contre l’Etat islamique et les Forces démocratiques syriennes. La Turquie posait ainsi les bases de sa stratégie de recours à des supplétifs, et de l’utilisation de la Syrie comme terrain d’entrainement pour tester ses armements et ses drones. Les Turcs ont beaucoup communiqué sur l’utilisation de leur propre armement en Syrie, en faisant une sorte de show-case, car ils rêvent d’exporter des armes.

Avec l’Otan, Erdogan a un rapport de chamaillerie permanente, mais il s’y sent en confiance, ce qui n’est pas le cas de son rapport avec la Russie. C’est pourquoi il essaye aujourd’hui de se réconcilier avec les Etats-Unis, dont il sait bien qu’ils ont besoin de lui comme relai au Moyen Orient.

La Turquie est-elle en voie de devenir une grande puissance économique ? Et de concurrencer la Russie ?

La Turquie va mal, comme tous les pays émergents. Elle est grande consommatrice d’énergie sans en produire, et tout son financement vient de l’étranger. Le pouvoir dépense beaucoup d’argent dans des entreprises clientélistes d’achat de voix mais aussi dans ses opérations militaires à l’extérieur. Elle a besoin d’une forte croissance, à la chinoise, et d’investissements extérieurs, jusqu’ici surtout fournis surtout par l’Europe. Elle s’est aussi brouillée avec ses financiers du Golfe, à part le Qatar. C’est pourquoi Erdogan multiplie les initiatives en direction de la Chine, et sa Route de la soie. Sans grand succès, car la Turquie, contrairement à l’Iran ou la Grèce en leur temps, n’est pas prête à abandonner sa souveraineté à des intérêts étrangers.

La Turquie lance un site en russe de sa radio-télévision TRT, en direction des musulmans de Russie et des républiques d’Asie centrale, largement russophones. Est-ce la réponse de la bergère Erdogan à RT et au Sputnik en turc de Poutine?

Les médias russes sont très présents en Turquie. Jusqu’à 2016, ils ont sorti et relayé les rumeurs de trafic de pétrole avec Daesh dans lequel la famille d’Erdogan serait impliquée. Après le putsch avorté, quand les médias turcs gülénistes et d’opposition étaient muselés, et aussi la presse occidentale, les Russes étaient pratiquement les seuls à fournir de l’information. Le problème est qu’il faut faire le tri. Il n’est un secret pour personne que la Russie est passée reine de la subversion et de la propagande en Occident. Pour autant, je trouve que les analystes russes sur la Turquie sont souvent très médiocres…

Les Russes ne s’y intéressent pas réellement, ils veulent juste montrer qu’ils sont les plus forts. En témoigne le fameux épisode diffusé par la TV russe en mars dernier, fixant l’humiliation d’Erdogan contraint d’attendre dans l’antichambre de Poutine au Kremlin. Le résultat est que le sentiment anti-russe monte en Turquie. Récemment, Ankara a brièvement détenu le rédacteur en chef du Sputnik turc. C’est dans ce contexte qu’il faut voir le lancement de la version russe de TRT. Ankara veut augmenter sa capacité d’intox, mais aussi faire sa publicité, car la Turquie attend le retour des touristes russes et centre-asiatiques.

Lire l’article sur le site de Marianne.

Olivier Blanchard, Jean Pisani-Ferry et Thomas Philippon proposent un plan pour limiter la crise économique

Comment retirer la perfusion de l’argent public post-Covid sans trop de douleur ? La réponse de trois économistes

Dans un rapport, Olivier Blanchard, Jean Pisani-Ferry et Thomas Philippon proposent notamment de remplacer le chômage partiel par des subventions aux salaires dans les secteurs les plus fragilisés.

« L’automne sera terrible. » Depuis quelques semaines, le même cri d’alarme résonne du côté des PME, des syndicats et des associations : passé l’été, lorsque les différentes aides publiques déployées durant le confinement pour protéger l’économie s’estomperont, la crise pourrait s’aggraver subitement. Avec, dans le pire des cas, une explosion du chômage et des faillites.

Dans l’espoir d’éviter un tel scénario, trois économistes français – Thomas Philippon, de l’université de New York, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, du Peterson Institute, un think tank américain – ont publié une série de préconisations, lundi 8 juin. Avec, pour fil rouge, une question-clé : comment retirer la perfusion de l’argent public soutenant l’emploi et les entreprises sans trop de douleur ?

Leur réponse sera d’autant plus auscultée par le gouvernement que tous les trois font également partie de la commission d’experts nommée, fin mai, par l’Elysée, pour préparer l’après-Covid. « Pendant le confinement, les Etats européens ont pris des mesures très proches, avec le chômage partiel et les garanties publiques de prêts aux entreprises », explique Jean Pisani-Ferry, qui a été l’un des inspirateurs du programme économique d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017. Ces instruments se sont révélés efficaces, notamment pour limiter l’envolée du chômage. « Mais, désormais, il est temps de les adapter et de les compléter pour accompagner le redémarrage. »

« Une vague de difficultés financières pour les TPE-PME »

Les trois économistes proposent ainsi de remplacer peu à peu le chômage partiel par des subventions aux salaires, dans les secteurs les plus touchés par la crise liée au Covid-19 : tourisme, hôtellerie-restauration, transport aérien… Celles-ci seraient temporaires et calibrées différemment selon les mesures sanitaires exigées pour les entreprises – à l’exemple de la distanciation physique, très pénalisante pour les restaurants. « Cette option nous semble plus efficace que le durcissement du chômage partiel pour inciter le retour à l’emploi, tout en limitant les licenciements », expliquent-ils.

 

Lire l’article complet sur Le Monde.

Josep Borrell : « l’Europe ne compte pas s’engager dans une quelconque guerre froide avec la Chine ».

L’UE ne veut pas entrer dans une « guerre froide » avec la Chine

En réponse aux campagnes de désinformation visant la Chine et liées à l’épidémie de coronavirus, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a assuré mercredi 10 juin que « l’Europe ne comptait pas s’engager dans une quelconque guerre froide avec la Chine ».

L’Union européenne n’a pas l’intention d’entrer dans une guerre froide avec la Chine à cause des campagnes de désinformation liée à la pandémie de Covid-19 venant de Chine, a assuré mercredi 10 juin le chef de la diplomatie européenne.

J’ai dit au ministre des Affaires étrangères chinois : “Ne vous inquiétez pas, l’Europe ne va pas s’engager dans une quelconque guerre froide avec la Chine”, a déclaré l’Espagnol Josep Borrell, interrogé sur son entretien en vidéoconférence mardi avec le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi pour préparer un sommet UE-Chine.

« Nous avons suffisamment de preuves »

Nous travaillons déjà depuis longtemps sur la désinformation. Nous avons commencé il y a cinq ans. Ces dernières années, la désinformation a également porté sur des sources provenant de Chine, mais elle n’est pas dirigée contre la Chine, a expliqué Josep Borrell lors de la présentation d’une stratégie pour lutter contre la désinformation sur les questions sanitaires.

La Russie et la Chine sont derrière des campagnes de désinformation contre les actions menées dans l’UE pour lutter contre la propagation du Covid-19. Nous avons suffisamment de preuves, a expliqué Vera Jourova, commissaire européenne en charge de la Justice.

Ces campagnes affaiblissent les mesures prises en matière de santé et elles vont s’amplifier contre les campagnes de vaccination, a averti Vera Jourova.

« Pas d’ambitions militaires »

Mais nous n’avons pas de capacité de coercition, a reconnu Josep Borrell. Surtout que les autorités russes et chinoises affirment ne pas être responsables de ces campagnes car les média qui les véhiculent sont des entreprises privées, a-t-il expliqué.

Josep Borrell a déclaré avoir reçu mardi des assurances du ministre chinois sur le fait que la Chine n’avait pas d’ambitions militaires.

Les mots comptent dans la diplomatie mais les faits comptent peut-être plus. Nous sommes pleinement conscients en Europe que la Chine augmente ses dépenses militaires, a-t-il toutefois souligné.

Une chose est ce que les Chinois disent. Une autre est notre connaissance des faits, a-t-il conclu.

 

Lire l’article sur le site de Ouest France.

Angel Gurria: GDP drop will be « by far the largest » since the creation of the OECD

France, Britain to hurt the most as virus crisis savages global economy

RFI with Amanda Morrow

The dramatic economic shock wrought by the coronavirus has plunged countries into “extraordinary uncertainty”, with France among four European countries expected to suffer the worst recession in the developed world.

In its latest analysis of global economic data, the Organisation for Economic Cooperation and Development (OECD) predicted a 6 percent drop in the world’s GDP this year – “by far the largest” since the body was created 60 years ago, according to secretary-general Angel Gurría.

Britain, France, Italy and Spain will suffer the most damage (in that order), with their economies expected to shrink by between 11.5 and 11.1 percent if the Covid-19 pandemic « remains under control”. A worse-case scenario in the event of a second virus wave would see those figures hit more than 14 percent.

The eurozone – where many countries are looking to open up their borders and welcome visitors again – is particularly vulnerable to the crisis, the report found, with its most favourable scenario seeing GDP recede by 9.1 percent.

Worst recession since Great Depression?

Presenting the first economic projections since the Covid-19 crisis began, OECD chief economist Laurence Boone said the world would endure its deepest recession in a century – whether or not a second epidemic wave arrives.

“By the end of 2021, the loss of income will exceed that of all previous recessions in the past 100 years except in war, with dire and lasting consequences for populations, businesses and governments,” she warned.

The new figures lie in stark contrast with the cheerful predictions of 2.4 percent global growth the OECD made in early March, when the coronavirus had struck China but not yet reached the world’s other major economies.

The year 2021 is, however, expected to deliver a strong rebound of 7.7 percent if the epidemic remains controlled – a figure that slides to 5.2 percent in the event the virus returns.

Crisis driving inequality

With hundreds of millions of people losing their jobs, and poor and young people being hardest hit the world over, the report said the health crisis had caused existing inequalities to widen.

Speaking to France Inter radio on Thursday, Boone warned that less qualified people working in the tourism, public events and sporting sectors – which have a large proportion of young people on “more precarious contracts” – were suffering most.

She praised the safety net measures that have been set up in countries such as France allowing for partial unemployment or “partial activity”. Because the drop in GDP will also drive up unemployment, France’s best chances of weathering world economic turmoil are to maintain those support measures, Boone said.

On a global level the OECD, which collects data on the world’s richest economies, said the best way for governments to steer their countries through the crisis was by strengthening income protection, strengthening health systems and shoring up supply chains.

Read the article on RFI’s website.

Lionel Zinsou : « Suis-je assez noir ? »

Dans une tribune publiée sur sa page Facebook et le magazine ” Le 1″, Lionel Zinsou ose une interrogation au centre des identités multiples des métis, sangs mêlés ou mulâtres comme on les appelait encore il y a quelques années. L’ancien premier ministre du Bénin, qui est aussi français par sa mère, a écrit sa chronique en une sorte d’hommage funèbre à George Floyd, cet américain étouffé sous le genou d’un policier blanc.

“Longtemps j’ai cru qu’être noir ou blanc n’avait aucune réalité intime, que seules comptaient les barrières de classe, que les mérites républicains fabriquaient des vies réussies”

« George FLOYD, des millions d hommes et de femmes, des millions de jeunes, ont formé, dans deux cent pays, le plus long cortège funèbre de l’Histoire. Vous étiez le fidèle d une église réformée de Houston, qui ne regarde pas la mort comme un moment de désespoir mais comme un rassemblement des solidarités et des espérances. Vous avez, en un jour, créé des millions de black, de nègres, de niggas… de toutes les couleurs et qui crient dans toutes les langues leur rejet des lynchages et de l’injustice ordinaire. Leur colère est celle des foules immenses et des générations nouvelles qui n accepteront plus la persistance séculaire de la discrimination des minorités, ni chez eux ni chez vous, cette oppression quotidienne, insidieuse, aléatoire et résistante aux Lois. Mais leur colère est aussi un drame intime: celui de milliards d’Afro-descendants dans le monde. Quelle que soit leur condition, qu’ils soient d une communauté minoritaire appauvrie, reléguée et suspecte; qu’ils soient une force majoritaire et libre; qu’ils soient unis ou travaillés de divisions; qu ils forment nations ou tribus hostiles… Chacun se demande dans ce qu il a de plus intime : « suis-je assez Noir ? ».

C’est à dire assez solidaire, assez vigilant, assez conscient des séquelles contemporaines de l’esclavage, de l’apartheid ou du travail forcé. Et, vous mes petits-enfants, Florence et Nathanael aux yeux pers, Ayo, notre petit Yoruba blond, vous vous poserez la même question. Votre Afrique est restée pour le monde ce que les minorités afro-américaines sont restées pour les Amériques : l’envers et la négation du progrès des autres. « Serez-vous assez Noirs ? ». C est à dire assez rebelles, assez révoltés, assez fiers, assez confiants. N y aura-t-il pour toujours que nos musiques, nos âmes et nos arts comme uniques métaphores de nos grandeurs et de nos libertés ? Et moi, le « Sang-mêlé », né incolore, puis-je jouer tout seul mon destin; puis-je survivre seul et sans couleur quand tant de femmes, d’hommes et d’enfants sont prédestinés à l’inégalité et à la souffrance des destins volés ?

Banquier en France, j’ai bien réussi pour un Noir; Premier ministre en Afrique, j’ai bien réussi pour un Blanc

Longtemps j’ai cru qu’être noir ou blanc n’avait aucune réalité intime, que seules comptaient les barrières de classe, que les mérites républicains fabriquaient des vies réussies. Je me suis ému en son temps de la création d’une association représentative des Noirs de France. Comme si nous devions nous définir par le seul regard des autres, qu’il soit de sympathie, de désir ou de haine, et comme si nous devions nous accepter comme une minorité parce que nous étions « visibles »… Quel sens peut prendre une identité incarcérée dans la prison d’une couleur de peau ? Cette identité carcérale est tout spécialement insupportable aux métis qui font en permanence l’expérience déconcertante du racisme minoritaire mais universel. Banquier en France, j’ai bien réussi pour un Noir; Premier ministre en Afrique, j’ai bien réussi pour un Blanc … Aujourd’hui je crois que je comprends. Les jeunes générations manifestent pour dire l’invisibilité des couleurs et l’universalité des valeurs. Il n y a, dans une vie réussie, que ce qu’on fait pour effacer des haines avec du Droit et des libertés. Que les polices soient noires ou blanches, exactement comme leurs victimes, il n y a qu’un choix qui compte : celui de s’engager pour ceux qui n’ont pas le choix de leur destin. Valeurs contre couleurs, grandeur de l’invisible et misère du visible, marches de fierté et droit de s’indigner. Merci George, j’ai compris. »


Lionel Zinsou, Président de SouthBridge, President de Terra nova

 

Retrouvez l’article sur le site Financial Afrik.

Fathallah Oualalou : Chronique de confinement (Part. 3)

Par-delà la sidération  

Fathallah Oualalou

Senior fellow. PCNS.

Auteur de « La mondialisation et nous, le sud dans le grand chamboulement ».

La Croisée des Chemins.2020

La pandémie de Covid-19, par sa violence et sa soudaineté a plongé le monde dans un état de stupeur, de sidération. Et c’est précisément ce terme, sidération,  qui reviendra en boucle dès qu’il s’agira d’analyser les sentiments individuels et/ou collectifs face au traumatisme produit par la déferlante sur le monde du nouveau coronavirus.

Comment définir ce traumatisme planétaire ?

Pour les dictionnaires de langue française (Robert et Larousse), la sidération correspond à « un anéantissement soudain des fonctions vitales », se traduisant par « un état de mort apparente sous l’effet d’un choc émotionnel immense ». L’homme sidéré subit alors « l’influence funeste des astres ». Il est abasourdi, médusé, stupéfait.

Le même mot en anglais conduit au concept de rétrécissement (shrivelling) dans le sens de destruction et de mortification.

La traduction du mot en arabe par hallaa identifie ce terme, selon Lissan al Arab de Ibn Mandour, à l’état de l’homme abattu, angoissé. Ce dictionnaire se réfère ici au verset 19 de la sourat « Les voies de l’ascension » du noble Coran « L’homme a été créé très inquiet (instable). Quand le malheur le touche, il est abattu ».

Le Covid-19,  virus invisible, insaisissable, qui, parce que mortel,  a plongé le monde dans un état de sidération anxieuse, pousse les plus fragiles d’entre nous vers une peur paralysante (« Le virus est partout, je refuse de sortir, même pour faire des achats »), crainte qui se transforme en angoisse, voire en terreur irrationnelle et incontrôlable.

Ce sentiment inédit de la grande insécurité a été amplifié par les médias qui pointent les hôpitaux saturés, obligeant les pouvoirs publics partout dans le monde à imposer le confinement à plus de la moitié de la population mondiale pour freiner la propagation du virus.

L’angoisse extrême a unifié ainsi le comportement des humains dans leur quotidien. Une manifestation inédite de la mondialisation qui révèle, en même temps sa fragilité.

Avec le confinement, l’activité économique s’est arrêtée. Un arrêt décidé par des pouvoirs publics qui privilégient la sauvegarde des vies humaines. Et la crise sanitaire s’est doublée d’une crise économique également mondialisée. A l’origine d’une nouvelle sidération.

Le passage du sentiment de sidération d’un niveau individuel à un  niveau collectif a conduit les Etats à glorifier la mobilisation patriotique sur les deux fronts  de la santé et de l’économie. En France, l’utilisation du vocable « guerre » a été perçue comme un hommage au Général de Gaule, le libérateur d’une nation occupée, en état de choc, sidérée. Au Maroc, on a associé la mobilisation du pays contre la propagation du virus à un véritable jihad (le terme jihad devant être compris dans son sens juste et noble), combat pour l’éradication du virus mais aussi pour la relance de l’économie. Référence est faite ici au premier discours du roi Mohamed V à son retour d’exil en 1955, quand il a annoncé la construction d’un Maroc indépendant.

La sidération mondialisée a eu un impact sur les relations internationales. Elle a nourri les comportements violents chez tous ceux qui étaient enclins à développer des théories conspirationnistes et/ou complotistes, favorisant ainsi le développement de tensions nouvelles, sur les terrains biologiques ou bactériologiques,  entre les Etats-Unis et la Chine. Une guerre sanitaire est ainsi venue se surajouter à la guerre commerciale qui oppose ces deux pays. Dans beaucoup de parties du globe, cette approche semble favoriser la montée du populisme et du nationalisme abusif. Elle a contribué à amplifier la crise du multilatéralisme, quand le président Trump a déclaré sa détermination de quitter l’OMS, selon lui, inféodée à la Chine depuis que celle-ci a signalé le premier cas de contamination par le Covid-19.

L’irruption de la crise sanitaire en Chine  et le confinement des habitants de Wuhan ont entrainé la chute des valeurs boursières (elles se sont ressaisies depuis), comme au lendemain du 11 septembre 2001, de la crise de 2008, et surtout de celle, plus brutale, des hydrocarbures début mars 2020. Une vraie sidération, quand le cours de pétrole est devenu négatif dans les bourses des matières premières américaines.

L’angoisse a grandi quand l’épicentre de la pandémie s’est déplacé de Chine vers l’Europe, puis vers les Etats-Unis et le Brésil.

Dépasser la sidération

Quelles leçons tirer de ce désastre ? Car il est impératif pour l’avenir de l’humanité qu’elle garde en mémoire l’intensité de cette sidération.

Deux leçons. Première leçon : il a été démontré que la mondialisation de plus en plus avancée devient source d’incertitudes. Sa complexité reflète la grande vulnérabilité de l’homme et appelle à de nouveaux comportements sur le plan politique et économique en faveur de plus d’humilité, d’humanité et de solidarité.

La seconde leçon est en relation avec l’intensité de l’interdépendance entre les nations, leurs économies et leurs vécus pour le meilleur (les biens communs en termes de santé, progrès, croissance et équité) et pour le pire (pandémie, angoisse, arrogance, hégémonie et crises).

A la sortie de la crise sanitaire, le monde aura besoin de bâtir les fondements d’un réel  bien-être, et de tirer les leçons des trois chocs qui l’ont secoué depuis le début du siècle : le 11 septembre 2001, la grande récession de 2008-2014 et le Covid-19 en 2020. Il doit par ailleurs confirmer le consensus construit à Paris en 2015 sur la nécessité de combattre le réchauffement climatique.

Partout dans le monde, se poseront aux Etats deux grandes questions : comment financer la lutte contre toutes conséquences des crises sanitaire et économique et comment répondre à l’impact de cette nouvelle grande récession et ses manifestations en termes d’amplification du chômage et de gestion de la tendance à la baisse des salaires ?

A court terme, il est opportun d’organiser une grande concertation internationale menée par le G7 et le G20 en association avec la Banque mondiale et le FMI, mais aussi les instances de l’ONU pour garantir la présence des pays pauvres et en développement afin de trouver des solutions à l’endettement des Etats. Un endettement exceptionnel qui s’est imposé pour gérer deux crises sanitaire et économique et qui requiert donc des thérapeutiques exceptionnelles.

Le coût de l’endettement pour les Etats-Unis sera nul parce qu’ils peuvent se permettre de créer du dollar, monnaie hyper dominante. L’Europe est en train de mutualiser la gestion de sa dette dans le cadre de la création d’une nouvelle solidarité (le Commission européenne du 27 mai 2020 a  proposé de lever 750 milliards de dollars pour financer la relance). Dans tous les grands pays, les banques centrales sont en train de refinancer les dettes publiques dans une période caractérisée par un coût négatif des taux d’intérêt. La concertation internationale doit donc cibler le traitement des dettes accumulées par les pays pauvres et en développement, notamment en Afrique, pour leur permettre de réduire le coût de leurs dettes.

Contrairement à ce qui s’est passé au lendemain de la crise de 2008, le redressement de l’économie ne doit pas se fonder sur de simples programmes de relance. On n’a pas besoin aujourd’hui d’un retour quantitatif du keynésianisme comme cela a été le cas en 1930 et 1945. On a besoin d’un keynésianisme rénové avec du qualitatif pour combattre les dérives de la mondialisation en termes de financiarisation, de néo-libéralisme outrancier, de paradis fiscaux, de mauvaise répartition des richesses et d’exacerbation du réchauffement climatique  et … d’arrogance. On a besoin d’accorder plus d’intérêt à ce qui est le plus fondamental pour l’homme : sa santé, sa formation, avec plus d’équité et plus d’environnement. Quelque fois, l’utopie n’exclut pas le réalisme. C’est une opportunité pour la science économique d’introduire de nouveaux paradigmes dans l’économie politique pour qu’elle puisse dépasser l’hégémonie du PIB. A côté de l’efficience nécessaire, essence même de l’économie, il faut plus de solidarité et plus d’intérêt pour le long terme, c’est-à-dire pour l’avenir de la planète et de l’humanité.

Le PIB, c’est-à-dire l’exigence de la croissance est toujours nécessaire, notamment pour les pays les plus pauvres et les pays en développement. Sans prétendre le remplacer par un quelconque BIB (« B » pour « bonheur »), il faut modifier la base de son calcul pour y intégrer de nouveaux paramètres : le degré d’équité, c’est-à-dire la répartition de la richesse et des revenus, la capacité à couvrir les besoins fondamentaux de l’homme (santé, éducation et logement) et le besoin de respecter les règles environnementales et combattre le réchauffement climatique.

Le Maroc et la question de la relocalisation

Le post Covid-19 est une opportunité pour le Maroc qui doit s’imprégner des réflexions dans le débat autour du devenir de la mondialisation. Pour  la réappropriation des chaines de valeur mondiales, il y a un mouvement de retour vers  la régionalisation. La priorité sera désormais  accordée à la proximité dans le cadre de mouvements de relocalisation  pour permettre aux pays de se protéger  des risques de dépendance vis-à-vis des contrées lointaines. Le Maroc devra renégocier ses rapports avec la proximité, et exiger de l’Europe qu’elle s’ouvre sur de nouvelles  logiques de partenariat avec l’aire sud-méditerranéenne et africaine sur la base de la coproduction. Cela va d’ailleurs dans le sens des intérêts de  l’UE elle-même que de traiter la question de la relocalisation et de captage des chaines de valeur mondiales dans un cadre régional qui dépasse celui de la seule Europe. Le traitement du dossier de relocalisation industrielle par les Européens doit être en rapport avec celui du couple développement-immigration dans la  grande région afro-sud-méditerranéenne.

Dans cette approche, on ne peut que regretter l’absence d’un projet maghrébin, mais nous ne devons pas perdre espoir de  voir revivre ce Maghreb nécessaire. Avec l’Afrique et l’Europe, le Maroc doit participer à l’émergence d’un pôle attractif construit autour de la centralité de la Méditerranée pour contribuer à la dynamique d’une multipolarité équitable.

C’est la voie à suivre pour participer à faire sortir le monde de sa sidération.

 

(1er juin 2020)

Fathallah Oualalou : Chronique de confinement (Part. 2)

Fathallah Oualalou à la World Policy Conference

Mondialisation avancée et imprévisibilité  

Fathallah Oualalou

Senior fellow. Policy Center for the New South – PCNS.

Auteur de « La mondialisation et nous, le sud dans le grand chamboulement ».

La Croisée des Chemins.2020

 

Le XXIème siècle est celui du « stade suprême » de la mondialisation, avec toutes ses manifestations aux niveaux de la production, de l’échange, de la technologie et de la culture. Avec l’accélération de son avancée, la mondialisation est devenue de plus en plus « complexe » (Thierry de Mont Brial), et donc chargée « d’incertitudes » (Edgar Morin). L’imprévisibilité est ainsi devenue la marque de notre temps.

Depuis le début du siècle, et donc en à peine 20 ans, la planète a subi trois déstabilisations majeures que rien ne laissait présager.

A l’origine de la première représentée, il y a  un séisme géopolitique : les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, perpétrés contre des bâtiments symboliques de la puissance américaine. La seconde, la crise économique de 2008, a été déclenchée à partir du complexe financier de cette même Amérique. Et la troisième est l’actuelle, celle de 2020. Parti de Chine, Covid-19, virus jusque-là inconnu, s’est diffusé en quelques semaines sur le monde entier, entrainant une crise sanitaire sans précédent et une récession économique d’une ampleur inégalée.

La succession de ces trois cataclysmes qui ont déferlé, sans préavis, sur le monde a participé à réduire l’hégémonie absolue de l’Occident (Etats-Unis) à la faveur de la montée des pays asiatiques devenus plus efficients. Même si la redistribution des cartes a commencé dès les années 1990, le règne mondial de l’imprévisibilité a accéléré le changement des rapports de force entre les pôles géoéconomiques.

L’imprévisibilité serait-elle le produit de l’accélération de la globalisation dans un monde désormais « sans boussole » (RAMSES 2020) ?

Pourtant, les fondements de la gouvernance mondiale semblent avoir été bien construits au lendemain de la seconde guerre mondiale : sur le plan politique, par les deux superpuissances victorieuses (Etats-Unis, URSS) qui ont réussi à mettre en place les règles d’un multilatéralisme géré par l’ONU ; sur le plan économique, par les Etats-Unis et l’Occident qui ont créé des systèmes de régulation financière (FMI), économique (Banque mondiale) et commerciale (GATT, devenu OMC). Les peuples des pays colonisés qui luttaient pour leurs indépendances  s’étaient alors rassemblés autour du concept « tiers-monde » à partir de la Conférence de Bandung et 1955.

Tout semblait donc bien codifié. Et la bipolarisation stratégique, animée par les deux blocs, encadrait le fonctionnement du monde. Rien d’essentiel n’était imprévisible.

A la fin du XXème siècle, le monde a connu de grands bouleversements : dislocation – elle-même inattendue – du système soviétique, montée des économies émergentes (Chine notamment), enrichissement des pays pétroliers devenus rentiers. Ce qui a contribué à la disparition de l’unité, certes formelle, du tiers-monde.

Par ailleurs, dès 1973, l’accumulation aux Etats-Unis des déséquilibres budgétaires et des paiements extérieurs étaient les signes précurseurs d’un certain essoufflement de l’économie américaine face à la montée des économies japonaise et européenne. Mais, l’adhésion des USA  dans les années 1980 au paradigme néo-libéral et l’autodestruction de l’URSS en 1991 ont permis aux Américains de remonter au créneau, de consolider leur leadership économique et géopolitique et de s’imposer ainsi  comme une « hyperpuissance » (Védrine). Le monde  est devenu unipolaire pour deux décennies.

L’imprévisible, devenue une constante

Le 11 septembre 2001,  cataclysme inédit, est le révélateur de la montée d’une radicalité islamique et de la naissance d’une nouvelle conflictualité fondée sur des antagonismes identitaires et religieux. Cette réponse radicale prétendait protester contre l’hégémonie américaine, source d’humiliations (la question palestinienne) et d’exacerbation des asymétries dans le monde.

La crise économique de 2008 n’était pas non plus annoncée. Elle a cependant révélé les dérives de la mondialisation par la financiarisation abusive de l’activité économique et l’accentuation des inégalités sociales produites par la suprématie du néo-libéralisme.

La nouvelle crise de 2020 produite par la pandémie Covid-19, n’était pas non plus prévue. Elle a mis le monde à genou et a démontré l’infinie fragilité de l’Homme en cette phase avancée de la mondialisation. La crise sanitaire a imposé un confinement planétaire et conduit à la crise économique. Parce que née au cœur du plus important atelier de Chine (Wuhan), elle a brisé les chaines de valeur mondiales dès leur naissance et mis  l’économie mondiale à l’arrêt.

En deux décennies, les deux premières du XXIème siècle,  le règne de l’imprévisible s’est installé, révélant la fragilité de notre monde mondialisé mais incapable d’anticipation.

Une épreuve … stimulante

Parce qu’elle est énorme, cette troisième crise peut être stimulante et une bonne occasion pour inciter les grands acteurs à jeter les bases et construire progressivement un « nouvel ordre mondial », celui qui n’a été mis en place ni après la  disparition de l’URSS, ni après la crise économique de 2008. Un ordre nouveau n’implique non  seulement des changements dans le mode de gouvernance mondiale, mais aussi et surtout des refondations et des mutations pour y introduire de nouveaux centres d’intérêt : préservation de la vie, meilleur partage des ressources et sauvegarde de l’environnement.

La sortie de la crise actuelle constitue donc une opportunité et un moment de projection sur l’avenir pour en gérer à court terme les conséquences et, à partir de là, bâtir un monde nouveau.

Cela implique la gestion de certains arbitrages à travers l’interférence entre les enjeux et les défis avec idéalisme, certes, mais aussi réalisme.

La sortie de la crise sanitaire consacre au niveau de la politique économique un retour au keynésianisme comme cela a été le cas en 1930 et en 1945. Se pose alors la question de savoir comment relancer les économies et systèmes productifs tout en gérant un endettement en constante augmentation malgré le niveau particulièrement bas des taux d’intérêt directeurs. Si l’UE semble chercher une réponse  dans la mutualisation de l’endettement des pays membres dans le cadre d’une solidarité régionale, un véritable consensus sur le mode de remboursement des dettes qui accorderait  un intérêt particulier aux pays en développement et aux pays pauvres né d’une grande concertation internationale, pourrait être LA solution. Car partout dans le monde, le remboursement de leurs dettes mettra les Etats face à de grands dilemmes étant donné les difficultés d’accroitre la pression fiscale, de retourner à la pratique de la rigueur budgétaire ou encore de restructurer la dette. La reprise attendue de la consommation des ménages qui ont vu leur épargne – forcée et/ou de précaution – augmenter durant le confinement, contribuera certainement à celle  de l’économie. La concertation internationale devrait cibler la relance de l’économie, laquelle contribuerait à trouver une solution à l’endettement.

Le rebondissement de l’économie pourrait être au rendez-vous en 2021 si tous les pays réussissent leur déconfinement car cette crise, unique en son genre, est précisément  le produit du confinement.  Contrairement à la crise de 2008, elle n’est née ni d’un déséquilibre au niveau de l’offre (pas de choc de surproduction), ni de l’effondrement  de la demande. De plus, la situation des banques est aujourd’hui beaucoup plus saine qu’en 2009 et les taux d’intérêt directeurs se situent à un niveau particulièrement bas.

Certains systèmes politiques nationaux peuvent être tentés, à la sortie de la crise sanitaire, de revenir sur les pratiques démocratiques pour promouvoir plus de centralisation, d’introversion, de populisme, voire d’absolutisme. Car, comme le rappelle très justement Edgar Morin « l’épidémie est une aventure incertaine » qui permet le développement des forces du pire et du meilleur. Ainsi, la sortie de la crise sera un moment de choix entre le « bien » et le « mal ». La crise de 1929 a produit en Europe le fascisme qui a conduit à la seconde guerre mondiale. Celle de 2008 a encouragé la montée du populisme et de la violence et a favorisé plusieurs régressions sociales et culturelles. Par contre la seconde guerre mondiale a favorisé le pluralisme autant politique qu’économique en Occident et a contribué à mettre fin au pacte colonial.

Les questions posées durant la crise sanitaire vont-elles conduire à des révisions des choix en matière de politique économique pour tourner le dos à l’égoïsme, au court-termisme et à la recherche du seul profit, pour accorder plus d’intérêt aux besoins fondamentaux de l’homme (santé, éducation) et pour privilégier la lutte contre le réchauffement climatique et la réalisation de plus d’équité sociale ? Ou bien, assistera-t-on, quand le péril sera passé, au retour aux pratiques anciennes ?

Il est important de scruter l’évolution des rapports post-Covid-19 entre les Etats-Unis et la Chine, dominés par les péripéties de la guerre commerciale qui les oppose. L’administration américaine a, en effet, déclenché de nouvelles hostilités, en pointant la responsabilité de la Chine dans la propagation de l’épidémie à travers le monde. Les autorités chinoises, de leur côté, insistent sur la crédibilité de leur système sanitaire, sur ses succès et sa capacité à  juguler les effets de l’épidémie. Malgré cette tension,  les deux pays  ont affirmé leur volonté (8 mai 2020) à mettre en application le premier accord commercial (signé le 15 janvier 2020) pour atténuer le conflit qui les oppose. Les deux parties aux tissus productifs interdépendants ont tout intérêt à résoudre ce conflit et à participer à la relance de l’économie mondiale, sinistrée.

Le post-Covid-19 permettra aux pays qui ont démontré une grande cohérence dans la gestion de la crise sanitaire de prendre une avance dans la construction du monde de demain. C’est le cas en Asie de la Chine, de la Corée du sud, de Singapour et du Japon. C’est le cas de l’Allemagne et des pays de l’Europe du nord. L’UE elle-même semble avoir réussi à construire un front uni dans la recherche d’une mutualisation des dettes et la promotion dans la recherche scientifique et médicale. Dans ce cadre Macron et Merkel  ont proposé un plan de relance pour l’Europe de 500 milliards d’euros que  la Commission emprunterait sur les marchés financiers.

L’évolution des rapports de force dans le monde permettra certainement, après la crise, au pôle asiatique d’améliorer sa position, plus encore qu’après 2008. Ira-t-on vers plus de confrontations ou, au contraire, les grands acteurs au sein des G7 et G20 profiteront-ils de l’intensité de l’interdépendance entre leurs tissus productifs pour faire avancer la concertation nécessaire à la reprise économique ? Les membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU ne devront-ils pas ouvrir un dialogue pour permettre au monde de trouver une certaine sérénité et atténuer les conflits qui l’agitent (au Moyen-Orient, au sud de la Méditerranée et en Afrique) ? La gestion du dossier énergétique entre les grands pays producteurs de pétrole (USA, Russie, Arabie Saoudite) et les grandes compagnies mondiales ne doit-elle pas tenir compte de la nécessaire promotion de l’économie verte pour sauver l’environnement du réchauffement climatique ? Questions importantes, qui auront un impact sur les politiques publiques  à venir lesquelles devront  arbitrer entre le court et le long termes, les exigences sociales et économiques et les impératifs environnementaux.

Le monde a besoin d’une réelle sérénité, d’un nouvel ordre, d’une nouvelle cohérence et d’une refondation en termes de mode de gouvernance et de centres d’intérêt. Donc d’une grande concertation autour des questions : santé, économie, environnement. Il est ainsi nécessaire de redonner un nouveau souffle au multilatéralisme, déstabilisé par les conséquences de la crise de 2008 (protectionnisme, montée des égoïsmes, populisme), mais aussi par les changements dans les rapports de force (montée de la Chine) et par la négation de l’exacerbation des inégalités et des injustices politiques (la question palestinienne). Cela implique que toutes les parties reconnaissent que le monde de demain doit devenir multipolaire. Son fonctionnement doit tenir compte de l’apport de tous les pays, de toutes les grandes cultures et de toutes les civilisations. Un monde de partage, de solidarité et d’équilibre, un monde plus apaisé donc,  capable d’anticiper et de maitriser l’imprévu.

Bien sûr, l’avancée de l’approche de coopération n’interdira pas la compétition. Le monde de demain sera écrit par ceux qui domineront le big data, le numérique et l’intelligence artificielle. Le confinement a donné d’ailleurs un élan formidable à la digitalisation. Et les grandes compagnies américaines (GAFAM) et chinoises (BATHX) sortiront encore plus fortes de l’épreuve Covid-19.

C’est grâce à la technologie que la mondialisation restera actuelle. Il n’y aura pas de mouvement de démondialisation. Le stade avancé des progrès technologiques et les interdépendances entre les complexes productifs interdiront tout retour en arrière. Mais il est important et aujourd’hui opportun de commencer à corriger cette mondialisation.

L’Afrique au cœur de la refondation

Parmi les leçons à tirer de la crise sanitaire, il y a le besoin des pays à réduire leur dépendance  vis-à-vis du lointain. La régionalisation aura tendance à s’affirmer et à s’approprier les chaines de valeur. C’est l’occasion pour l’Europe de s’ouvrir sur sa proximité sud-méditerranéenne et africaine pour construire avec elle un pôle nouveau autour de la centralité de la Méditerranée.

L’Afrique constitue une opportunité et non un handicap pour un monde en refondation. Elle n’a pas été durement affectée par la pandémie. C’est heureux, sa fragilité structurelle ne lui aurait pas permis d’en bien gérer les effets. Elle n’en a pas moins subi les conséquences de la récession mondiale, de la baisse de la demande de matières premières et d’hydrocarbures et de la chute des revenus des migrants et du tourisme.

Depuis le début du siècle, l’Afrique est devenue l’objet de convoitises de la part des grandes puissances économiques et de la Chine, grande importatrice des matières premières, son principal partenaire commercial. Elle remplit dorénavant le rôle de relai dans la stratégie chinoise « la route et la ceinture » dans son cheminement maritime vers l’Europe.

La problématique du sous-développement du continent, produit de la mondialisation, prend au XXIème siècle un aspect particulier du fait du dynamisme démographique qu’il connait. Durant ce siècle, l’Afrique sera le seul continent  dont la population continuera d’augmenter pour atteindre, selon les démographes, 40% de la population mondiale en 2100. Cette croissance démographique est un grand défi à la fois pour les pays africains eux-mêmes et pour le monde en raison de ses conséquences en termes d’urbanisation et d’exacerbation de la pauvreté et de la pression sur les flux migratoires. Mais, elle est porteuse d’espoir et d’atouts parce qu’elle pourrait se traduire par l’élargissement de la sphère des classes moyennes et le développement d’opportunités pour les Africains de s’approprier les outils de la nouvelles révolution technologique.

L’après Covid-19 pose le problème à court terme de l’endettement des pays africains qui ne peut être résolu que dans la cadre d’une concertation internationale entre les pourvoyeurs occidentaux et chinois de financements extérieurs (le G20 a recommandé la suspension du remboursement des services de la dette pour une année). A moyen terme, l’Afrique doit améliorer ses performances dans le domaine agricole, l’élargissement de ses marchés domestiques, la mise en place de la zone de libre-échange continentale, la promotion de l’électrification et la réalisation de grands progrès en matière de formation. Tout cela ne peut se faire sans progrès réel dans la gouvernance politique des pays. Le challenge essentiel est d’arriver à diversifier les tissus productifs dans toutes les régions du continent pour lui permettre de mieux négocier sa position dans les chaines de valeur mondiales.

Pour une refondation réussie de la mondialisation, l’Afrique doit être au cœur des nouveaux centres d’intérêt des politiques publiques : santé, équité, environnement. Elle saura alors démontrer sa capacité à maitriser ses rapports avec toutes les grandes puissances et à construire, dans la cadre de la multipolarité future et dans une approche de régionalisation avec l’Europe voisine, une zone de coproduction et une verticale Afrique-Europe avec un nouveau centre de rayonnement : le Méditerranée.

Le Maroc, qui appartient à cette aire afro-euro-méditerranéenne aura certainement à être actif dans cette approche régionale

(mai 2020)

Enrico Letta : L’Union européenne doit « coordonner l’ouverture des frontières entre les différents pays »

Enrico Letta, président de l’Institut Jacques Delors, cercle de réflexion européen, regrette l' »Europe bashing » et appelle à combler le manque de solidarité entre membres.

L’Union européenne doit « coordonner l’ouverture des frontières entre les différents pays », a plaidé dimanche 17 mai sur franceinfo Enrico Letta, ancien président du Conseil italien et président de l’Institut Jacques Delors, cercle de réflexion européen. Cette semaine, plusieurs États ont pris des mesures opposées. L’Espagne a imposé une quarantaine à tous les arrivants de l’étranger, alors que l’Italie a annoncé qu’elle allait ouvrir ses frontières aux touristes européens dès le 3 juin.

« Le problème, c’est que les États membres ne veulent pas céder leurs compétences à l’Europe sur des sujets sur lesquels ils pensent avoir plus de capacités à agir tout seul », a estimé Enrico Letta, regrettant l’« Europe bashing » et critiquant ceux qui « s’attaquent à l’Europe parce qu’elle ne fait pas si ou ça ».

Enrico Letta a rappelé que la santé n’était « pas une compétence européenne » et que « dans le passé, les États membres n’ont pas voulu céder la santé à l’Europe »« Donc, aujourd’hui, on trouve la contradiction sur ce sujet et je pense qu’une bonne coordination serait mieux. On ne peut pas passer l’été avec cette asymétrie« , a-t-il prévenu.

« La possibilité pour l’Europe de devenir adulte »

Pour pallier le manque de « solidarité entre les États pendant la crise », Enrico Letta a estimé qu’il était « très important que le couple franco-allemand soit capable d’arbitrer ». La réponse européenne sera présentée le 27 mai et l’ancien président du Conseil italien a dit souhaiter qu’elle soit « complète et capable de bloquer la récession. C’est vraiment la possibilité pour l’Europe de devenir adulte ».

« Une partie importante de la réponse doit être sur le social, le sanitaire, le chômage, sur les hôpitaux. Il faut que les gens voient que l’Europe s’intéresse à des questions qui sont centrales dans nos vies. Ça, c’est le premier début d’un changement d’Europe pour le futur », a souligné Enrico Letta.

LE DÉCONFINEMENT : QUELQUES ENJEUX

Thierry_de_Montbrial_wpc2019

Chers amis,

Après ma première lettre il y a un mois (une éternité !), je reviens vers vous, sous la forme de quelques remarques concises.

  1. Point n’est nécessairement besoin de recourir aux livres sacrés pour affirmer que l’actuelle pandémie remet l’homme en général, occidental en particulier, face à son penchant vers l’hubris. L’orgueil se heurtera toujours à la complexité de la nature qui dépasse et déjoue celle des œuvres humaines. J’espère que les apprentis sorciers, comme certains idéologues de l’« intelligence » artificielle, y trouveront matière à réflexion.
  2. Certains m’ont reproché d’avoir dénoncé l’incurie des gouvernants face au surgissement du Covid19, parce que selon eux celui-ci était « imprévisible ». Encore faut-il s’entendre sur la notion de prévision. En 2015, Bill Gates avait solennellement tiré la sonnette d’alarme, en affirmant que le monde était beaucoup plus menacé par les virus que par les armes nucléaires. Bien d’autres personnalités moins célèbres avaient multiplié les avertissements de ce genre.
    Plus un phénomène est complexe, plus il est difficile de dater l’apparition des « cygnes noirs » même identifiés. C’est la vraie difficulté, à la limite insurmontable. Dans ma lettre du 30 mars, je faisais allusion à l’avènement d’une pandémie numérique. On peut tenir un tel événement pour certain, tout en s’avouant incapable de prédire quand et comment il pourrait survenir. Il faut cependant s’y préparer.
  3. Les Etats, dont la responsabilité première est de protéger leurs ressortissants, doivent donc entretenir des capacités d’action face aux catastrophes prévisibles mais non datables. Or, les choix publics dépendent au moins autant de la culture des sociétés vis-à-vis du risque que de la qualité de leurs bureaucraties et de celles de leurs dirigeants du moment. De ce point de vue, la comparaison entre l’Allemagne et la France au cours des premières semaines de l’actuelle pandémie est à l’avantage de la première, alors que les deux pays dépensent en gros les mêmes montants pour leurs systèmes de santé. L’impréparation américaine est particulièrement troublante. En Asie, la situation est différente en raison de la fréquence des épidémies.
  4. Quand on parle de choix publics en ces matières, il faut en principe distinguer entre la prévention et la réaction puis l’adaptation, tant au niveau national qu’international. En réalité, prévention et réaction ou adaptation sont liées, car moins on s’est préparé à une catastrophe ex-ante, plus la réaction et l’adaptation sont coûteuses ex-post. Trop souvent engluées dans l’immédiat, les sociétés tendent à refuser le coût public de la prévention. Ceci est vrai dans tous les domaines.
    Face à la vitesse de cette pandémie qui les a pris au dépourvu, les dirigeants occidentaux ont d’abord fait le choix, avec les moyens du bord, de sauver le maximum des patients les plus sévèrement atteints par le coronavirus, en s’interdisant même de soulever la question des conséquences économiques et sociales des mesures prises à cet effet. On ne peut pas les en blâmer.Ainsi en France, estime-t-on aujourd’hui que, sans le confinement, le nombre de morts pourrait être une dizaine de fois plus élevé, et donc de l’ordre de 200.000. Mais en face de ce genre de chiffre, passé le temps de la sidération – elle-même la conséquence de l’impréparation – on est bien obligé, partout dans le monde, de raisonner de manière plus large. Impossible par exemple d’ignorer les ravages qu’une baisse aussi brutale de l’activité économique mondiale, ou encore le confinement de centaines de millions de pauvres sur les cinq continents, commencent à provoquer. Les famines et la recrudescence d’autres maladies menacent. Il est à craindre qu’in fine le nombre des victimes de la pandémie soit d’un ou plusieurs ordres de grandeur supérieur à celui des décès directement dus au coronavirus.
  5. Sur le plan médical proprement dit, l’essentiel dans l’immédiat est de donner aux médecins et aux chercheurs les moyens d’accomplir le mieux possible toute la gamme de leurs missions. Mais le débat sur le déconfinement dépasse de beaucoup celui qui se joue entre les experts médicaux, lesquels, vus sous l’angle de l’anthropologie, forment une tribu parmi d’autres. Entrer dans une phase du déconfinement, c’est aborder la question des choix publics avec des arbitrages incluant des intérêts précédemment mis entre parenthèses. Qu’on le veuille ou non, les gouvernements sont condamnés au calcul économique et social.
  6. Les principaux enjeux sont internationaux. Certes, les premières semaines de la crise, à côté de comportements admirables, ont exacerbé les passions, les tensions, la panique, l’hystérie, le chacun pour soi, la recherche de boucs émissaires ou l’exploitation de la situation à fin de propagande. Mais la forme d’interdépendance qu’on appelle mondialisation ou globalisation est actuellement un fait. A court–moyen terme, aucun pays ne pourra se relancer tout seul. En particulier, ni la Chine, ni les Etats-Unis. En Europe, aussi supérieure qu’elle semble aujourd’hui, l’Allemagne a besoin de la France comme des pays du sud, et réciproquement. Les pays dont les structures étatiques sont faibles, comme beaucoup en Afrique notamment, ont besoin de l’aide des pays mieux pourvus. Le temps n’est pas à la guerre idéologique, mais à la coopération dans l’intérêt de tous, pour parvenir rapidement à une balance raisonnable entre les impératifs sanitaires et ceux du redémarrage de l’économie, en attendant les médicaments et les vaccins.
  7. L’avenir à moyen-long terme de la mondialisation se présente de la façon suivante. Les arguments des économistes en faveur du libre mouvement des biens et services ou des capitaux, ou encore des personnes, sont bien connus. A certaines conditions, ils conservent leur pertinence. La principales de ces conditions est le renforcement de la coopération internationale. Ceci nous ramène à notre point de départ, c’est-à-dire la complexité. Plus les interdépendances sont complexes, plus la coopération et donc la coordination à court, moyen et long terme sont nécessaires. Les grandes crises financières, comme celles de la fin des années 1990 et de 2007 – 2010, sont issues d’un défaut d’anticipation et de coopération. Cela est aussi vrai dans l’ordre géopolitique (je pense aux dérapages du « printemps arabe ») ou naturellement dans le cas de l’actuelle pandémie.La prise en compte du long terme dans la coopération internationale implique des institutions fortes et bien dirigées, comme c’est encore le cas de Fonds Monétaire International dans l’ordre financier. La plupart, comme l’Organisation Mondiale de la Santé, ont besoin de profondes réformes. Or, le système international actuel est de plus en plus hétérogène idéologiquement. La défiance, le repli sur soi, la dissimulation, dominent à tous les niveaux. Le monde est radicalement dépourvu de leader. Si une telle situation perdure, les crises se multiplieront à différentes échelles, et le retour au protectionnisme, à une interprétation abusive de la notion de « bien stratégique », à une vision trop sécuritaire de chaînes de production ou d’approvisionnement, et en fin de compte au populisme, s’accentuera.
  8. Je conclurai sur l’Europe, en rappelant d’abord que l’Ifri avait choisi comme fil conducteur pour son 40e anniversaire, le thème de l’avenir de l’Union européenne face à la compétition sino-américaine. Ce thème me paraît plus pertinent que jamais. Depuis un an, on voit l’Allemagne se résigner à commencer à envisager que la relation transatlantique puisse avoir structurellement changé de nature. Au-delà d’une éventuelle élection de Joe Biden. L’Alliance atlantique ne sera plus jamais ce qu’elle fut pendant la guerre froide. Dans le même temps, les Allemands comme les Français se sont mis à regarder la Chine différemment. Ils ressentent désormais la nécessité de s’en protéger. La France et l’Allemagne restent, comme elles l’ont toujours été, le pilier de la construction européenne. Les deux pays savent, comme d’ailleurs les autres membres de l’Union quoiqu’ils en disent, que seule cette Union fera la force de ses membres dans le monde à venir. Les conseils européens sont rarement spectaculaires. Mais celui de la semaine dernière, virtuel, a montré une fois de plus que, malgré les craintes, l’Europe avance dans les crises les plus graves. L’enjeu géopolitique est immense. Dans l’immédiat, il s’agit de prouver que « Bruxelles » peut surmonter les deux grands défis du moment : l’efficacité et la démocratie.

Avec mes remerciements pour votre attention, chers amis, et tous mes vœux pour votre santé et celle de vos proches.

Thierry de Montbrial

Président et fondateur de la WPC
Président et fondateur de l’Ifri

28 avril 2020

LE COVID 19 : LE PRIX DE L’INCURIE

Chers amis,

Il n’est pas facile de prendre du recul par rapport à une bataille qui se livre sur le terrain le plus intime pour chacun d’entre nous, et n’a pas encore atteint son point culminant. Je ne veux cependant pas attendre pour vous livrer quelques réflexions sur la pandémie du Covid 19, mais surtout sur son contexte.

En relisant certaines des « Perspectives » que je rédige chaque année depuis près de 40 ans en introduction au rapport RAMSES de l’Ifri, je retrouve cette observation, en date du 15 juillet 2008 : « On ne peut afficher aujourd’hui qu’une certitude : sans une adaptation drastique et rapide de la gouvernance planétaire, de grands drames mondiaux redeviennent possibles et même probables ». C’est pour cette raison que je me suis lancé dans l’aventure de la World Policy Conference, dont la première édition s’est tenue à Evian les 6 – 8 octobre 2008, au lendemain de la faillite de Lehmann Brothers. Aujourd’hui comme à l’époque, je considère que le XXIe siècle a commencé cette année-là.

Pourquoi ? Parce que, avec le triomphe de l’idéologie de la « mondialisation libérale » et l’essor du numérique, la complexité des relations internationales a explosé, en même temps que les frontières devenaient des parois semi-perméables. Au profit – au moins temporairement – des Etats les plus forts, à commencer par les Etats-Unis, ou des entreprises mondiales qui se considèrent au-dessus des Etats. Le propre d’un système complexe, c’est l’impossibilité de l’expliquer complètement, et donc a fortiori de le maîtriser. La complexité débouche sur l’incertitude radicale. 2008 est l’année où le spectre d’une grande dépression a ressurgi, alors que maints prix Nobel d’économie considéraient cette science comme suffisamment aboutie pour interdire tout retour à pareil fléau. Alors que les dommages de la crise financière n’ont pas été complètement réparés, la pandémie du Covid 19 rouvre la perspective d’une catastrophe économique durable. Les banquiers centraux ne mettent plus de limite à la quantité de monnaie, en n’ayant aucune idée des conséquences secondes ou troisièmes de leurs actes. Le bon sens suggère, comme le dit Laurence Boone (la cheffe économiste de l’OCDE), qu’« il faut tout faire pour que la machine ne casse pas, mais tourne au ralenti, pour pouvoir repartir le plus rapidement possible ». Mais si on la laisse se casser, quels que soient les milliers de milliards de dollars, ce sera une autre histoire.

Depuis 2008, les effets de la complexité n’ont cessé de se manifester dans tous les domaines. Je passe sur la géopolitique classique, comme au Moyen-Orient ou en Asie de l’Est. Dans le domaine du climat, on comprend de mieux en mieux sur le plan scientifique les causes et les effets du réchauffement. Mais au niveau de l’action, c’est le règne de l’impuissance. Les incendies qui ont récemment ravagé la Californie, le Brésil ou l’Australie sont un avertissement de plus. Qu’en font les « décideurs » ?

L’ampleur de la pandémie du Covid 19 est sidérante, comme la faillite de la coopération internationale qu’elle révèle au grand jour. Ce n’est pas que la perspective de ce genre de calamité n’ait pas été envisagée. Ce sujet était débattu dans de nombreuses conférences internationales de caractère politique. Mais, sauf rares exceptions, les gouvernants subissent le présent plutôt qu’ils ne préparent l’avenir. Même ceux qui invoquent constamment le « principe de précaution », mais en restant sous l’influence des idéologies ou des lobbies. La plus grande pandémie du XXe siècle fut la « grippe espagnole ». Mal nommée d’ailleurs, car le virus était aussi américain que celui du Covid 19 est chinois. Elle a causé deux fois plus de morts que la Première Guerre mondiale. La mémoire collective aurait mieux fait d’en garder le terrifiant souvenir. Au cours des 10 dernières années, diverses épidémies, comme en Asie en 2003 (SARS), en Grande-Bretagne en 2009 (grippe porcine) ou en Afrique de l’Ouest en 2014 (Ebola). Sur le plan économique, on estime à 40 milliards de dollars le coût du SARS, une épidémie considérablement plus limitée que celle de l’actuel coronavirus. Avec tous ces précédents et tant d’avertissements, le désastre actuel est la manifestation la plus flagrante de l’incurie de la politique sanitaire des Etats et de la gouvernance mondiale au cours des dernières décennies.

Cette incurie est bien celle des principaux acteurs du système international, et d’abord des Etats-Unis, de la Chine et de l’Union européenne. Notre Europe, en particulier, se montre incapable de définir et de défendre les intérêts communs de ses membres, incapable a fortiori de peser dans les affaires du monde.

Si le populisme s’est autant répandu dans le monde occidental, au dépens de la démocratie, c’est que les démocraties n’ont pas su organiser la mondialisation. Le populisme est toujours le grand bénéficiaire de l’inefficacité. Sans réaction vertueuse, principalement aux Etats-Unis et en Europe, le populisme progressera, et les régimes autoritaires auront le champ libre pour prospérer et rétablir des barrières. Ou pour faire la guerre. Et si, comme il est possible, il apparaissait que les régimes autoritaires n’étaient pas plus efficaces que les démocraties dans l’actuelle pandémie, ce ne serait pas nécessairement à l’avantage de la liberté et de la paix.

Le grand sujet des prochaines années et décennies n’est pourtant pas de mettre un terme à la mondialisation. Mais pour que celle-ci ne se brise pas sur d’autres pandémies sanitaires ou peut être numériques (imagine-t-on une pandémie numérique à l’ère de l’intelligence artificielle ?), les Etats doivent se concentrer sur leur responsabilité première, qui est d’assurer la sécurité au sens large de leurs citoyens. La défense et donc les forces armées, la santé, la technologie, la monnaie sont au cœur de la sécurité. Et donc de la paix. Face à la rivalité sino-américaine, l’Union européenne est plus nécessaire que jamais, mais elle n’a pas de leader. En tous cas, les rares candidats au leadership n’ont pas de suiveurs. En pleine pandémie, Ursula von der Leyen se vante de l’ouverture de négociations pour l’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord, mais elle ne voit pas que toute perspective d’élargissement est dérisoire quand la maison brûle. C’est à la sécurité de l’Union qu’elle-même, le président du Conseil européen Charles Michel et le Parlement européen doivent consacrer toute leur énergie.

Quant à l’Alliance atlantique, elle est dans l’état de mort cérébrale que déplore Emmanuel Macron. On pourrait cependant imaginer sa renaissance, avec une conception extensive de la sécurité, certes autour d’intérêts géopolitiques identifiés en commun avec ses membres, mais aussi des problématiques de climat, de santé ou de numérique. Une telle initiative devrait venir de l’Europe. Une alliance ainsi redéfinie pèserait lourd face aux démocraties illibérales. Pareil projet est difficilement imaginable avec Donald Trump, mais il faut d’autant moins désespérer de l’Amérique que, sans elle, la dérive des continents se poursuivra inéluctablement. Dérive des continents les uns par rapport aux autres. Dérives à l’intérieur de chacun.

A court terme, les questions majeures pour vaincre la pandémie du Covid 19 sont d’ordre logistique et médical. On est stupéfait du délabrement des systèmes de santé, même dans un pays comme la France qui, à force de redistribuer les revenus, bat tous les records en matière de dépenses publiques, mais peine de plus en plus à assurer ses fonctions régaliennes traditionnelles et renonce sans contrepartie à des pans entiers de sa souveraineté. On est stupéfait des pénuries de matériels et de médicaments. Stupéfait une fois de plus de la faillite du principe de précaution, et en fait de tant de pusillanimité, face par exemple à des solutions thérapeutiques proposées par des médecins éminents, comme si l’on refusait de lancer une bouée à une personne en train de se noyer, sous prétexte que la procédure d’homologation de cette bouée n’est pas achevée.

Le jour venu, il faudra résister à la tentation du lâche soulagement et de l’oubli. Au niveau international, puissent les semaines à venir faire émerger de nouvelles solidarités sur lesquelles, après la victoire, rebondir avec une vision profondément repensée d’un inévitable multilatéralisme.

J’en reste là pour aujourd’hui et vous assure de mes pensées les plus chaleureuses.

Thierry de Montbrial

Président et fondateur de la WPC
Président et fondateur de l’Ifri

30 mars 2020

Renaud Girard: «Wuhan, il faut une enquête internationale!»

CHRONIQUE – L’Australie a demandé d’enquêter sur les circonstances de la naissance en novembre dernier du Covid-19, sous le parrainage de l’OMS.

À un désastre international doit répondre une enquête internationale. C’est une assertion de bon sens. Pourtant, le Parti communiste chinois (PCC) ne semble pas vouloir l’accepter. À une demande d’enquête internationale sous parrainage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), formulée par le gouvernement australien, l’ambassadeur de Chine à Canberra a répondu non. Qui plus est, il a esquissé la menace d’un boycott par les Chinois de l’Australie (notamment de ses universités et de ses lieux touristiques), si le gouvernement australien poursuivait son idée.

On ne connaît en effet pas grand-chose des circonstances de la naissance à Wuhan, en novembre 2019, d’une nouvelle maladie, le Covid-19, bientôt transformée en pandémie. Comment s’est opérée la transmission à l’homme, après légère mutation, de certains coronavirus d’origine animale? Selon une étude publiée, à la fin du mois de mars 2020, par la très sérieuse revue scientifique Nature, le virus qui infecte actuellement la planète entière, (…)

Carl Bildt: “The virus is attacking an incoherent, deglobalized world”

Désolé, cet article est seulement disponible en Anglais Américain. Pour le confort de l’utilisateur, le contenu est affiché ci-dessous dans une autre langue. Vous pouvez cliquer le lien pour changer de langue active.

The New York Times, April 24, 2020

Despotism and Democracy in the Age of the Virus

The battle for humanity and solidarity in the post-American world.

By Opinion Columnist

The first major crisis of the post-American world is ugly and is going to get worse. A pandemic required a pan-planet reaction. Instead it found Pangloss in the White House blowing smoke and insisting, as disaster loomed, that it was still the best of all possible worlds in America.

“There’s not been even a hint of an aspiration of American leadership,” Carl Bildt, the former Swedish prime minister, told me. “That is fundamentally new.”

It is. The world’s American reference point has vanished. The prize for greatest disappearing act of the coronavirus crisis goes to Mike Pompeo, the American secretary of state.

Into the global vacuum has stepped, well, nobody. No amount of flag-waving Chinese officials disembarking from planes onto European soil with offers of masks and ventilators can obscure the fact that all this began with a biological Chernobyl in Wuhan, covered up for weeks as a result of the terror that is the currency of dictatorships.

The Asian powers that have emerged best from this disaster are the medium-size democracies of South Korea and Taiwan. The great competition of despots and democrats for the upper hand in the 21st century is still open.

The Great Depression that began in 1929 produced two distinct results on either side of the Atlantic. In the United States, it led, beginning in 1933, to Roosevelt’s New Deal. In Europe, it led to Hitler’s rise to power in the same year, the spread of fascism, and eventually devastation on an unimaginable scale.

This time, as the coronavirus stops production and leaves more than 26 million Americans newly unemployed while in Europe it causes salaries to be “nationalized,” in the words of Emmanuel Macron, the French president, the effects of an economic collapse not seen in almost a century may be flipped.

Donald Trump’s United States, which the German magazine Der Spiegel now calls “the American patient,” is ripe for an authoritarian lurch.

Awash in Trump’s lies, battered by the virus, buried in incompetence, lacerated by division and ruled by a lunatic unbound, the country approaches an election in November whose theft, subversion or postponement are credible scenarios. Nothing in Trump’s psyche allows him to conceive of defeat, his family’s prospects out of power are dim and crisis is the perfect pretext for a power grab. War — and this pandemic has similarities to one — fosters “executive aggrandizement,” as James Madison warned.

Trump embodies the personal and societal collapse he is so skilled in exploiting. Insult the press. Discredit independent judges. Remove the checks. Upend the balances. Abolish truth. Pocket the system step by step. Mainline Lysol. Dictatorship 101.

Europe is a different story. Its division between the prosperous north and the poorer south sharpened by the pandemic, and its fracture line between the democracies of Western Europe and the illiberal or authoritarian systems of Poland and Hungary further exposed, the continent faces a severe test of its capacity for unity and solidarity. It has underperformed, but I would not write it off.

The initial European reaction to the pandemic was weak — Lombardy will not soon forget its abandonment — and the European Union’s response to the March 30 assertion of near-total autocratic power by the Hungarian leader, Viktor Orban, was pathetic, equivalent to appeasement.

For the Union to commit to providing billions of dollars in aid to Hungary through the Corona Response Investment Initiative on the very day Orban began ruling by decree for an indefinite period was “mad, bad and dangerous,” as Jacques Rupnik, a French political scientist, told me. Orban is a politician Trump admires.

But in Angela Merkel, the German chancellor, Europe has again discovered a leader inspiring in her candor and sanity and steadiness. Cometh the hour, cometh the woman.

European societies, with their buffering welfare states that are covering the wages of laid-off workers and providing universal health care, are better prepared than the United States for a disaster on this scale. Governments and the European Central Bank have now mobilized massive resources.

Macron, in an interview with The Financial Times, has made the argument that the virus should ultimately reinforce multilateralism and herald the return of the “human” over the “economic” — or, roughly interpreted, European solidarity over American unfettered capitalism.

Certainly, the underpaid first responders, garbage collectors, farm workers, truckers, supermarket cashiers, delivery people and the rest who have kept people alive and fed while the affluent took to the hills or the beaches have delivered a powerful lesson in the need for greater equity and a different form of globalization. People suffocate from Covid-19. They may also suffocate one day, as Macron pointed out, from an overheated, overexploited planet. Whether the lesson will be heeded through a radical rebalancing, both personal and corporate, is another story.

What is clear is that if the European Union does not stand up for liberal democratic values, those values will be orphaned in the menacing world of Trump, Putin and Xi Jinping.

I said the great 21st century democracy-dictatorship battle is far from over. Emergencies serve autocrats but can also demonstrate the failings of their systems and provoke radical rethinking.

The pivotal date in the struggle is now Nov. 3. If Trump wins, assuming the election is held, and Pangloss continues his assault on truth, the Merkel-Macron democratic camp will struggle. If Joe Biden, the presumptive Democratic nominee, wins, the United States will not recover an American-led world, because that world is gone forever, but the return of American decency and principle will make an enormous difference. To begin with, autocrats will no longer have an American carte blanche.

“The virus is attacking an incoherent, deglobalized world,” Bildt said. “And as long as that is the case, the virus wins.”

Read the article on The New York Times.

Christian Bréchot : « Une stratégie de déconfinement basée sur des tests n’évaluant pas les anticorps neutralisants doit être prudente »

Christian Bréchot (virologue): « Une stratégie de déconfinement basée sur des tests n’évaluant pas les anticorps neutralisants doit être prudente »

Le virologue et président du Global Virus Network Christian Bréchot, invité ce samedi de BFMTV, a estimé qu' »une stratégie de déconfinement basée sur des tests n’évaluant pas les anticorps neutralisants doit être prudente ».

Visionner son interview sur BFMTV.