Mustapha Bakkoury se félicite du mémorandum d’entente signé avec l’ONUDI

06.11.2019

La Tribune

Le mémorandum d’entente signé, mardi à Abou Dhabi, entre l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen) et l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), constitue un nouveau jalon dans les démarches entreprises par le Maroc pour le succès de la coopération Sud-Sud- au niveau africain, a assuré le PDG de Masen, Mustapha Bakkoury.

Ce mémorandum d’entente se veut également l’incarnation de la vision de développement au profit de l’Afrique et des pays qui entretiennent des relations distinguées avec le Royaume sur les plans économique et social, a-t-il déclaré à la MAP.

Cet accord est de nature à élargir les perspectives de partenariat aux niveaux national et continental, d’autant plus qu’il permettra à plusieurs pays africains de bénéficier de projets conjoints avec l’ONUDI, afin de permettre le transfert des expertises et appuyer certains pays dans l’élaboration de leurs propres stratégies, ainsi que de favoriser les innovations pour le développement de nouveaux projets relatifs à l’énergie solaire ou éolienne, a-t-il expliqué.

Il a, dans ce contexte, souligné que ce mémorandum d’entente est de nature à consolider la coopération avec l’ONUDI, qui a débuté à l’occasion de la COP22, dans le cadre des objectifs de l’organisation et conformément à la stratégie marocaine de développement des énergies renouvelables, notant qu’un premier projet de stockage de l’énergie solaire a été mis en oeuvre grâce à ce partenariat.

Selon lui, ce projet a permis à l’ONUDI d’accompagner, de près, la stratégie marocaine en matière d’énergie solaire et l’ambition royale de faire de ce secteur un levier du développement économique et social intégré du Royaume.

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Hubert Védrine sur l’après-guerre froide : « La personnalité des dirigeants a été décisive »

SPÉCIAL MUR DE BERLIN. Selon le porte-parole de l’Elysée de l’époque, ce sont les statures de Gorbatchev, de Bush, de Thatcher, de Mitterrand aussi, qui ont permis une sortie ordonnée de la guerre froide. Mais les vainqueurs ont raté l’intégration de la Russie. Entretien.

Seriez-vous d’accord pour dire que les pays de l’Est comme de l’Ouest ont réussi la sortie de la guerre froide, et raté la construction du monde d’après ?

Oui, les deux sont vrais. Il y a eu une gestion très intelligente et responsable de la fin de la guerre froide, en fait de la décomposition de l’URSS, qui a commencé bien avant l’ouverture du mur de Berlin. Mon souvenir de l’époque comme mon analyse a posteriori sont qu’il y a eu une vraie intelligence collective, même si chacun poursuivait ses propres fins : ça a été bien géré. En revanche après la fin de l’URSS, je pense qu’il y a eu une gigantesque occasion manquée, par les Occidentaux dans un premier temps, par la Russie ensuite.

La qualité des dirigeants de l’époque explique-t-elle la sortie réussie de la guerre froide ?

Je ne pense pas que les dirigeants font seuls l’histoire, mais il y a des moments où la personnalité des leaders est décisive, et c’est le cas ici. Pour des raisons propres à chacun. A commencer par Gorbatchev, il est trop oublié, et trop décrié en Russie. C’est un homme exceptionnel, d’un idéalisme confondant, pour un homme issu de ce système. Pensez qu’il a décidé vers 1986 ou 1987 de ne plus employer la force pour maintenir les régimes au pouvoir en Europe de l’Est, alors qu’il y avait encore quelque 300 000 soldats soviétiques dans la seule RDA ! C’est une décision géante ! Bien sûr, il a sous-estimé les conséquences de ses décisions, y compris pour lui. Vers 1988, il a commencé à dire à Mitterrand […]

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François Barrault – VIDEO: 5G: faut-il toujours se méfier de Huawei ?

François Barrault

06.11.2019

BFM TV

Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse en Chine, a considéré la 5G comme un élement de souveraineté. Si le pays est en avance sur les tests réalisés dans les villes, il ne l’est pas sur l’attribution de la fréquence. Pour suivre le rythme de certains de nos voisins, il faudra s’activer. Que va changer la 5G dans la vie quotidienne ? Quels sont les avantages de cette technologie ? – Avec: François Barrault, président de l’Idate. – 12h l’heure H, du mercredi 6 novembre 2019, présenté par Hedwige Chevrillon, sur BFM Business.

Un entretien majeur avec ceux qui font l’actualité, par Hedwige Chevrillon.

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Tidjane Thiam – Le PDG du Credit Suisse est optimiste quant à l’économie chinoise

Tidjane Thiam

Tidjane Thiam, directeur général du Credit Suisse. Crédit photo : WPC.

Le PDG du Credit Suisse, Tidjane Thiam, est optimiste face à la Chine et voit des opportunités lorsque son économie passe à une économie axée sur le consommateur – la rendant « moins sensible » au commerce.

« Nous avons des attentes très positives sur la Chine à long terme », a-t-il déclaré lors de la conférence sur l’investissement organisé par le Credit Suisse en Chine à Shenzhen mercredi. « Nous pensons que les fondamentaux qui ont conduit la croissance de la Chine depuis tant d’années sont intacts. »

« Le modèle chinois est en train de passer d’un modèle manufacturier axé sur l’exportation à une économie nationale davantage axée sur le consommateur, qui sera également moins sensible aux problèmes tels que le commerce », a ajouté Thiam. et la technologie comme deux secteurs dans lesquels il croit.

La Chine est actuellement aux prises avec un différend commercial avec les États-Unis, ce qui a amené les deux parties à imposer des droits de douane sur des marchandises représentant des milliards de dollars. Les deux plus grandes économies mondiales tentent actuellement de conclure un accord commercial de «phase un», qui n’a pas encore été signé.

Au milieu de ces tensions commerciales, les tarifs douaniers ont touché les exportations de la Chine et son économie a de plus en plus décliné. Le pays a annoncé que son PIB au troisième trimestre avait augmenté de 6% plus lentement que prévu. Son PIB a fortement chuté depuis le premier trimestre de 2018, lorsque la guerre commerciale a commencé.

L’avantage est énorme … Nous investissons et continuerons d’investir à long terme pour soutenir l’économie chinoise.

Tidjane Thiam, CEO du Credit Suisse

Le secteur financier est «clé»

Le secteur financier a un « rôle clé » à jouer dans la transformation de l’économie chinoise, a déclaré Thiam.

« Prenons l’exemple des retraites … une opportunité énorme. À mesure que le filet de sécurité sociale se développe, les actifs du secteur des retraites vont fortement croître avec le vieillissement de la population », a-t-il déclaré, ajoutant que le Credit Suisse était en  » la plus grande coentreprise de gestion d’actifs du pays avec la banque publique chinoise ICBC.

« Nous estimons que la patience et la conviction que nous avons eues à l’égard de l’économie chinoise sont récompensées. L’avantage est énorme … Nous investissons et continuerons à investir à long terme pour soutenir l’économie chinoise », a-t-il déclaré. .

Beijing a déclaré vouloir ouvrir son secteur financier à davantage d’investissements étrangers et permettre aux entreprises étrangères de faire face à la concurrence sur un pied d’égalité avec leurs entreprises nationales.

L’année dernière, les actions A chinoises – des actions libellées en yuan exprimées en Chine continentale – ont été incluses dans l’indice MSCI Emerging Markets. MSCI a quadruplé la pondération des actions A cette année.

Cette année également, les obligations chinoises ont été incluses dans l’indice Bloomberg Barclays, largement suivi.

Ces développements devraient générer des milliards de dollars de nouvelles entrées étrangères dans l’économie chinoise.

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Renaud Girard: «L’Occident ne peut lâcher les chrétiens de Syrie»

CHRONIQUE – Les Occidentaux doivent assumer cette protection pour se faire respecter par les différentes communautés musulmanes du Moyen-Orient.

Portrait de Renaud Girard, journaliste et grand reporter au Figaro. Rappelons qu’il co-signe avec un philosophe le livre « Que reste-il de l’Occident ? », aux Editions Grasset. | Crédit photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

Donald Trump n’a peut-être pas suffisamment réfléchi avant de prendre sa décision historique du 6 octobre 2019. Ce jour-là, après s’être entretenu au téléphone avec le président de Turquie,il décida de retirer du nord de la Syrie les troupes américaines qui épaulaient les FDS (Forces démocratiques syriennes), composées très majoritairement d’unités kurdes mais aussi d’unités arabes, dont la moitié sont chrétiennes syriaques. Trump donna aussi un blanc-seing à Erdogan pour se constituer une «zone de sécurité» de trente kilomètres de profondeur dans le territoire syrien. Ni le lâchage abrupt d’un partenaire régional qui lui avait permis de démanteler l’État islamique, ni la goujaterie de ne pas prévenir ses alliés français et britanniques (qui avaient envoyé des forces spéciales dans les bases américaines du Kurdistan syrien) n’embarrassèrent le président des États-Unis. Pour lui les choses étaient simples: l’Amérique devait cesser de jouer au policier du Moyen-Orient, région compliquée […]

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Josep Borrell, ministre des Affaires étrangères espagnol : « Rien ne justifie les violences en Catalogne »

Dans un entretien accordé à France 24, le ministre des Affaires étrangères espagnol, le Catalan Josep Borrell, revient sur les manifestations indépendantistes et les violences qui ont suivi la condamnation par la Cour suprême de neuf leaders séparatistes à des peines de prison le 14 octobre. Il affirme par ailleurs que les socialistes, s’ils arrivent en tête des législatives de dimanche 10 novembre, excluent toute « grande coalition » avec la droite pour gouverner.

Une émission préparée par Narimène Laouadi et Morgane Minair.

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Jean-Paul Agon – La CIIE « est un signe que la Chine s’ouvre à l’économie mondiale »

Jean-Paul Agon, CEO of L'Oréal
Par Chen Chen, Han Qian

PARIS, 5 novembre (Xinhua) — L’Exposition internationale des importations de Chine (CIIE) « est la seule et unique exposition de ce type de produits d’importation dans le monde » et « c’est très important » pour le pays asiatique, « parce qu’elle est un bon signe que la Chine s’ouvre à l’économie mondiale », estime Jean-Paul Agon, le PDG de L’Oréal, dans une interview exclusive récemment accordée à Xinhua à Paris.

La 2e edition de la CIIE se tient du 5 au 10 novembre à Shanghai et de nombreuses entreprises françaises renommées y sont inscrites. Pour L’Oréal, il s’agira de sa deuxième participation. Le groupe présentera cette année des produits hauts de gamme, des technologies de la beauté ou encore des essais proposés au public chinois en lien avec le développement durable.

La CIIE a pour objectif « bien sûr d’offrir aux consommateurs chinois le meilleur de toutes les inventions, marques et produits du monde entier », mais ça marche dans le même sens aussi pour L’Oréal, note M. Agon.

Ainsi, « l’année dernière, nous avons été la première entreprise à signer un accord pour participer à la CIIE (…) Un total de plus de 500 produits ont été présentés, ce qui a été un grand succès. Cette fois encore, nous avons été les premiers à nous inscrire à nouveau et nous apportons plus de 1.000 produits ».

Selon le PDG, « la Chine est un marché très important en termes de volume global ». Se souvenant de ses débuts à la filiale de L’Oréal en Chine en 1997, il note : « En vingt ans, nous avons pu faire de la Chine le deuxième plus grand marché de L’Oréal dans le monde ».

Personnellement, M. Agon se dit convaincu que la Chine deviendra très bientôt le premier marché mondial de la beauté pour son entreprise.

Le groupe L’Oréal n’est qu’un des nombreux exposants français puisque qu’ils sont 78 à avoir confirmé à ce jour leur présence à Shanghai cette année. Comme le dit M. Agon, un marché chinois ouvert attire fortement les multinationales.

Cette année marque le 55e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Le président français Emmanuel Macron effectue une visite d’Etat en Chine du 4 au 6 novembre, avec notamment un passage à la CIIE.

En tant que l’une des premières entreprises françaises à entrer sur le marché chinois, L’Oréal a la chance d’être un témoin et un bénéficiaire de l’ouverture et du développement de ce pays, estime Jean-Paul Agon.

« En fait, nous avons toujours été intégrés dans les relations franco-chinoises et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir afin de favoriser la coopération économique et commerciale entre les deux pays », conclut-il.

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Interview with Volker Perthes: « Iran will not negotiate its own surrender »

Interview with Middle East expert Volker Perthes

« Iran will not negotiate its own surrender »

Political scientist Volker Perthes on the American strategy in the nuclear row with Iran, the prospects for a regime change and the question of whether Europe can still salvage the deal. Interview by Paul-Anton Kruger

The Europeans have rejected the ultimatum from Iranian President Hassan Rohani, giving them 60 days to implement their promises to protect Iran from U.S. sanctions. Brussels says if Iran is no longer willing to honour to its commitments, EU sanctions will also be inevitable. Is this the beginning of the end of the nuclear deal?

Volker PerthesIt does rather look as if the American government has managed to ruin the nuclear deal. The Europeans and also the Russians and the Chinese have tried to uphold it. It must also be said: the Iranians have also tried to uphold it and fulfilled their obligations. But the moment Iran starts reneging on particular commitments in relation to its nuclear programme, the agreement is no longer of interest to the Europeans.

Iran has accused the Europeans of not fulfilling their obligations to facilitate economic advantages for the country. Could the EU then fulfil these demands if it wanted to?

Perthes: The EU can do what it’s already started doing: it can tell businesses that European companies are not obliged or allowed to adhere to American sanctions. Unfortunately, however, this has no effect. They can say that it doesn’t sanction imports from Iran and allows banks to finance them. But it can’t force businesses to do this. The EU doesn’t have the means to do what the Iranians are hoping for, namely, secure their oil exports.

What the EU is working on is Instex, a kind of exchange mechanism aimed at facilitating trade with Iran without the need for transactions in U.S. dollars or Euros. But there is little hope that many companies will use this channel. The Americans will regard it as a bypassing of their sanctions and take the same action against participating companies as they would if these had purchased oil directly in Iran. In all of this it is absolutely essential that London, Paris and Berlin continue to represent a common stance. This also includes making it very clear to the U.S. that a policy that forces Iran out of the nuclear deal flies in the face of European interests.

But that also means that the American strategy of gradually hollowing out the nuclear deal and forcing Iran into a corner is working pretty well.

Perthes: Yes, unfortunately that is the case. The American strategy has paid off. And all that’s left for the EU are measures, to which the Iranians then say: those are just words. Not that words aren’t important. The Europeans could turn up the volume a little and explain to the Americans that they believe U.S. policy is nonsensical and dangerous and that it is important for us to maintain this deal, even though elsewhere we view Iranian policy just as critically as the United States.

USS Abraham Lincoln (photo: picture-alliance/U.S. Navy/J. Sherman)

Impending military escalation? A few days ago, the Pentagon moved the aircraft carrier USS Abraham Lincoln and a bomber squadron closer to Iran, arguing that it had indications that the country could attack U.S. troops. In addition, the American administration announced the relocation of the USS Arlington and a patriot system to the region

If Iran loses its oil revenues and can no longer import consumer goods, this will result in significant economic and social upheaval in Iran, of the kind that cannot be in our interests.

The U.S. government says the sanctions are proving effective. They have meant that Iran has had to reduce its defence budget and that of the Revolutionary Guard, and that militias and allies controlled by Iran are now receiving less money. Does Trump have greater leverage to force Iran to give in?

Perthes: Washington has greater leverage and is indeed managing to restrict the flow of money into Iran and thereby limit the government’s room for financial manoeuvre. Of that there is no doubt. The question is whether this will actually result in a change in behaviour – for example Iran seeking talks with the United States. Iran will not negotiate its own surrender. I donʹt believe the Americans will succeed in persuading Iran to fundamentally change its policy and the nature of its regime, by responding for example to the twelve demands formulated by Secretary of State Mike Pompeo.

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PEUT-ON UN PEU OUBLIER LE PÉTROLE ?

Les discours sur la diversification restent peu suivis d’effets, alors qu’il existe pourtant un moyen astucieux de tenir parole sans changer de trottoir : faire monter en puissance d’autres richesses issues des entrailles de la terre

mrb-networks.com  |   Marie-Roger Biloa  |   Publication 08/08/2019

Qu’est-ce qui peut vraiment développer un pays ? À écouter les théoriciens de tout poil, il est difficile de se faire une religion dans un kaléidoscope de recommandations parfois contradictoires. Si l’on peut se réjouir du recul de l’économisme, cette propension à lier le « bonheur » social strictement à des objectifs économiques quantifiables, faisantfi de facteurs immatériels tels que la culture et les plaisirs de l’esprit, il est malaisé d’y renoncer et d’en exempter ceux qui nous gouvernent, pour des raisons évidentes de comptes à rendre…

Alors, qu’est-ce qui produit du vrai développement économique ? Finalement, c’est bien l’emploi, massif et généralisé, résultante d’une chaîne complexe de conditions réunies. Pas l’investissement tout seul : certains capitaux utilisent les pays africains comme de simples mères porteuses dont les fruits sont aussitôt réexportés sans impact significatif pour eux. Ni même la simple croissance, dont la variante « sans emploi » est bien connue. Pour créer du développement, la solution de lancer de grands travaux d’infrastructures a bien quelques résultats, mais ils restent éphémères dans un environnement de chaînons manquants essentiels.

Les atouts de l’Afrique ? Encore et toujours son sol et son sous- sol. Le cas du pétrole ne s’est certes pas révélé probant – lorsqu’il n’a pas carrément fait figure de malédiction. Mais si l’on cessait d’adorer l’or noir comme un veau d’or et de lui sacrifier tout bon sens ? Les discours déterminés sur la nécessaire diversification, notamment dans le secteur agricole, restent peu suivis d’effets dans les pays concernés, alors qu’il existe pourtant un moyen astucieux de tenir parole sans changer de trottoir : faire monter en puissance d’autres richesses issues des entrailles de la terre. Pour une liste impressionnante de minerais, le continent africain reste dans le peloton de tête des réserves connues.

L’Afrique centrale en est une illustration accomplie. En zone Cemac, cinq pays sur six s’enorgueillissent de produire du pétrole. En termes de revenus par habitant, la sous-région est pourtant à la traîne par rapport à des zones nettement moins nanties. Le dividende pétrolier n’a pas seulement failli à entraîner une amélioration collective des niveaux de vie ; il est également voué à un rôle encore plus limité dans l’avenir avec la baisse prévisible des explorations, mais surtout avec le tournant énergétique dont la tendance historique consiste à réduire la part des hydrocarbures. Alors pourquoi continuer à s’accrocher au pétrole comme à une bouée percée quand d’autres produits miniers peuvent rapporter autant ?

Tout en gardant en ligne de mire l’impératif de s’industrialiser, certaines études mettent de nouveau à l’honneur ce qui peut apparaître comme une étape immédiate : « tirer le maximum » des ressources minières, dont les cours continuent leur embellie depuis au moins deux décennies.

En fait, il ne s’agit plus d’opposer la production de matières premières et le développement industriel, doctrine qui semblaitfiger les rôles, réduisant notre continent à un simple réservoir de minerais dans lequel d’autres régions du monde pouvaient puiser pour assurer leur prospérité ; certains spécialistes nous rappellent aujourd’hui que la plupart des nations industrialisées – États-Unis, Canada, Norvège, Australie… – ont d’abord été des exportateurs de matières brutes. L’un n’empêche donc pas l’autre. Intéressant, n’est-ce pas ? De plus, comme on a pu voir une baisse constante des prix des produits manufacturés au bénéfice des matières premières, certains dogmes ont fléchi…

L’initiative du Tchad de dresser son inventaire minier va donc clairement dans le bons sens. C’est un projet estimé à plus de 20 millions d’euros et visant cinq régions du pays. Il devrait se focaliser sur une surface de 85 000 km2 et s’appuyer sur l’expertise de géologues tchadiens… Ayant pris conscience de ne pas être un « pays pétrolier », mais seulement un pays qui a du pétrole, le Tchad tâche de rectifier le tir.

Au Cameroun voisin, où le pétrole reste le principal contributeur au budget de l’État, les activités d’exploration lancées il y a quelques années ont révélé de potentiels gisements de bauxite de plus de 700 millions de tonnes, ce qui pourrait engendrer une production annuelle d’alumine représentant 30 % de ses exportations à moyen terme. Il est également question de consolider la production d’or et de diamants en faisant migrer ses pans artisanaux et informels vers le secteur formel…

Dans l’absolu, les projets d’exploitation minière pourraient placer le Congo-Brazzaville parmi les principaux producteurs de fer du monde dans une décennie. Une évolution similaire est possible avec les engrais (potasse et phosphates) grâce à des coûts mondiaux particulièrement faibles. Sans parler des gisements appréciables de polymétaux non ferreux (cuivre, zinc, plomb).

Le secteur minier du Gabon est encore principalement centré sur l’exploitation du manganèse, les autres ressources naturelles du pays n’étant pas encore exploitées (voire connues), à exception de l’or. La RCA n’est pas vraiment plus avancée, en dépit de son plan minier national qui a identifié au moins 470 indices minéraux, constitués de substances énergétiques, non métalliques, de métaux non ferreux, de diamants et d’or.

Le pays est certes connu pour sa production de diamants d’une qualité exceptionnelle (notamment par des anecdotes impliquant l’ancien « empereur » Bokassa et le président français Giscard d’Estaing), mais peu savent que la quasi-totalité des 500 000 carats annuels sont exploités de manière artisanale. Et ce bref aperçu ne tient pas compte de toutes les matières considérées comme stratégiques (indispensables notamment à l’électronique et à la défense) qui sommeillent encore sous terre.

L’heure du réveil semble sonner à nouveau…

Article de Marie-Roger Biloa, paru en automne 2018 dans plusieurs publications, dont « nouvelhorizon.sn ».

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Jean de Kervasdoué – Nous sommes tous des OGM

CHRONIQUE. Toutes les semences modifiées sont-elles dangereuses ? Le mécanisme de transmission du patrimoine génétique est déjà producteur de diversité !

Par Jean de Kervasdoué 

Publié le  | Le Point.fr

La très grande majorité de ceux qui connaissent la génétique non seulement ne s’oppose pas, sous certaines conditions, à la diffusion de plantes ou d’animaux génétiquement modifiés, mais y voie au contraire la prometteuse solution à de nombreuses questions d’agronomie, dont le moindre recours aux produits phytosanitaires ; autrement dit, et très sérieusement : si on craint les pesticides, on doit être pour les OGM.

La population ne partage pas ce point de vue. Ainsi, à un récent déjeuner d’un colloque scientifique, une des organisatrices voyant des gâteaux dont le glaçage ne devait pas grand…

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The Great Wealth Tax Debate

Project Syndicate
 

 

Inequality is back at the forefront of economic policy debates, for good reason. A wealth tax is no panacea, and not even an ideal response to growing inequality at the top. But absent a better alternative, it can serve as a reasonable second-best policy.

WASHINGTON, DC – In 1990, 12 advanced economies had a tax on household wealth. Now only four do, after French President Emmanuel Macron scrapped his country’s version in 2017. Yet, a fierce debate has erupted in the United States over the proposal by Senator Elizabeth Warren, a leading Democratic presidential candidate, to introduce a tax of 2% on the wealth of “ultra-millionaires” (and 3% on that of billionaires).

In a new book, economists Emmanuel Saez and Gabriel Zucman of the University of California, Berkeley, who have advised Warren, claim that her tax would tackle growing wealth concentration in the US and yield some $250 billion per year, or 1.2% of GDP. But critics such as Larry Summers, a former US Secretary of the Treasury under President Bill Clinton, and Greg Mankiw, who served as President George W. Bush’s chief economic adviser, argue that a wealth tax would yield little revenue, distort investor behavior, and fail to curb the billionaires’ power. The ongoing controversy over the wealth tax is bound to be a defining one for the Democrats.

The starting point of this debate is fairly clear. As Lucas Chancel of the Paris School of Economics noted at a recent conference on combating inequality organized by the Peterson Institute for International Economics, the increase in wealth concentration is unmistakable, at least in the US. According to Saez and Zucman, the top 1% of US households now own 40% of the country’s wealth, while the bottom 90% hold only one-quarter. Since 1980, the 1% and the 90% have traded places.

Economists are generally reluctant to make normative judgments about wealth inequality, because theory does not provide them with a proper yardstick for doing so. If innovators become immensely rich, it is presumably because their innovation was immensely valuable – in which case their wealth is deserved – or because they have managed to turn their idea into a monopoly rent, which should be addressed via competition policy, not taxation. Although many economists advocate curbing Amazon’s growing monopoly power, for example, most do not propose taxing away the value of Jeff Bezos’s innovation.

Furthermore, wealth taxation itself gives rise to disputes. As Mankiw suggests, consider two high-flying professionals with comparable incomes but different lifestyles. Why should the one who saves and invests be taxed more than the one who uses a private jet to go skiing? Surely, the saver contributes more to collective wellbeing; if anything, the tax burden should fall on the skier.

For that reason, many economists advocate a combination of a progressive income tax and an inheritance tax, rather than a tax on wealth. But there are two problems with this idea. The first is that many of the super-rich have little income. As Saez and Zucman point out, Warren Buffett and Mark Zuckerberg earn little more than they spend. Their wealth increases as a result of capital gains, not saved income. And because such gains are taxable only when the corresponding assets are sold, their annual increase in wealth essentially escapes taxation.

The second obstacle is that inheritance tax is politically toxic. Opinion polls consistently show that while economists love the idea, most voters hate it. Politicians understandably tend to steer clear of what most voters reject.

But if the income tax does not apply to capital gains and the estate tax does not redistribute wealth when someone dies, wealth inequality is bound to increase further. Some will say there is nothing wrong with that, provided capital is put to productive or collectively beneficial use. In Germany, for example, private companies are exempt from inheritance tax so that family-owned Mittelstand firms – which are essential to the country’s prosperity – can be transferred to the next generation.

However, a society of heirs in which a person’s lifetime labor income matters less than the capital they inherit from their parents is morally indefensible, unlikely to be politically sustainable, and may not be economically efficient. Heirs are often poor managers and poor investors.

True, a wealth tax does not come without difficulties. How, for example, should a start-up founder be taxed when their firm has a market value but is yet to generate any income? Should he or she pay the government in shares? And in Europe, which lacks a harmonized tax regime, how can national authorities cope when rich people can simply move to another country? Designing a fair and efficient wealth tax is bound to be more complicated than its proponents typically claim.

At least one thing is clear: the European wealth taxes of the past are not examples to follow. They kicked in at far too low a threshold – €1.3 million ($1.5 million) in the case of France’s impôt de solidarité sur la fortune – and were riddled with loopholes as a consequence. In the French case, a business owner was exempt as long as he or she did not sell the company. That led to successful serial start-up founders being taxed while sleepy entrepreneurs were not. And whereas a moderately wealthy French household’s financial portfolio could easily generate a negative after-tax return, the effective tax rate on the wealth of the country’s 100 richest individuals was a ridiculously low 0.02%.

As Saez and Zucman argue, a wealth tax should treat all assets equally and have a high enough threshold. Warren is proposing a 2% tax on wealth above $50 million. The equivalent threshold in Europe would probably be lower, but certainly not low enough to satisfy Thomas Piketty, who proposes in his latest book a 5% annual tax on wealth of €2 million. Whereas Warren wants to reform capitalism, Piketty would like to end it and eradicate private property as we know it.

Inequality is back at the forefront of economic policy debates, for good reason. A wealth tax is no panacea, and not even an ideal response to growing inequality at the top. But absent a better alternative, it can serve as a reasonable second-best policy. At the very least, the idea does not deserve to be banished as a heresy.

Vidéo. Michel Foucher : « L’Europe doit venir au monde »

Ambassadeur Michel Foucher, Chaire de Géopolitique mondiale au Collège d’études mondiales de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (Paris). Conseiller de la direction de la prospective du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Directeur des études de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (2009 à 2013). Michel Foucher a publié de nombreux ouvrages, dont « L’Europe, un dessein, un destin », éd. Marie B, 2019. Résumé de la vidéo par Joséphine Boucher pour Diploweb.com. 

Venir au monde c’est suivre le conseil de Machiavel qui dit : sortez de chez vous et considérez ceux qui vous entourent. Savoir d’où on vient et ce qui a présidé aux origines de la communauté économique devenue Union européenne fonde aussi une conscience tragique historique puissante. Et demain ? Une passionnante conférence prononcée dans le cadre du Festival géopolitique. Vidéo accompagnée d’un résumé rédigé par Joséphine Boucher pour Diploweb.com.

« L’Europe doit venir au monde » : le titre choisi pour cette conférence porte un double sens. Venir, c’est aller vers mais c’est aussi advenir au monde, puisque l’ouverture nécessaire de l’Europe sera la condition de son existence. Pour illustrer cela, la formule suivante émise par le politologue et diplomate américain Henry Kissinger (1923 – ) semble résumer l’ensemble de la problématique de cette conférence : « L’Europe ne peut pas se couper de sa quête contemporaine pour un ordre mondial en faisant de sa construction interne son objectif géopolitique ultime. »

Venir au monde, c’est confronter et non pas subir et c’est aussi raisonner à une autre échelle que les échelles de référence habituelles. L’enjeu aujourd’hui est d’ajouter une échelle de référence à celles qui ont précédé, à savoir le franco-allemand, l’échelle continentale avec l’élargissement de 2004 ou encore l’euro-méditérranée. Penser la coopération européenne à l’échelle mondiale ne va pas de soi, car sur tous les sujets, les désaccords sont plus importants que les accords. Il faut donc élaborer une revue stratégique de tous les défis d’échelle mondiale pour savoir dans quelle mesure on est en accord ou pas.

Ambassadeur Michel Foucher, Chaire de Géopolitique mondiale au Collège d’études mondiales de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (Paris) Crédit photographique : GEM

S’il est intéressant de parler de géopolitique, il convient aussi de traiter de l’Histoire en revisitant les grands récits fondateurs de la construction européenne. L’historien britannique Tony Judt rappelle à ce titre que pour que l’invention européenne soit possible, « il a fallu que des dirigeants éclairés créent des institutions à vocation prophylactique capables de tenir le passé en respect des nationalismes extrêmes. L’Europe post-nationale, pacifique et coopérative de nos Etats Providence n’est pas née du projet optimiste qu’imaginent aujourd’hui de manière rétrospective les euro-idéalistes. La construction européenne est la fille vulnérable de l’angoisse. » Telle est la matrice fondatrice du projet européen, qu’il ne faut pas oublier aujourd’hui. En effet, depuis le premier jour, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la construction européenne s’est développée dans un contexte mondial. Véritable club de vaincus mis à part les Britanniques, la construction européenne est énoncée dans ses principes par W. Churchill (1874-1965) dès le 19 septembre 1946. Il affirme ce jour là que « la première étape de la recréation de la famille européenne doit être un partenariat entre la France et l’Allemagne. (…) La Grande-Bretagne, le Commonwealth des nations britanniques, la puissante Amérique et j’en suis convaincu la Russie soviétique (…) doivent être les amis et les parrains de la nouvelle Europe ». De plus, les situations mondiales successives ont toujours été à l’horizon de la construction européenne. Si la France signe le traité de Rome en 1957, c’est à cause du contexte des indépendances de quelques anciennes colonies et c’est avec le pivot européen de de Gaulle que la puissance française se projette de l’empire colonial au champ européen. C’est ainsi qu’ont été créées une communauté de droit, une puissance juridique et une véritable fabrique de la règle. Pourtant, cette communauté ne semble pas préparée à l’événement au sens d’Hannah Arendt.

Intéressons-nous désormais aux questions structurelles et aux valeurs européennes dans un contexte international brutal et dans un ordre mondial redéfini. Quelle est la place actuelle de l’Europe entre rivalités, formation de blocs, démontage de l’ordre international libéral et compétition beaucoup moins militaire que géotechnologique ? Dans cet ordre mondial, il est impossible de ne pas traiter de la Chine. En voulant devenir une référence en termes de normes, elle rivalise avec les Etats-Unis et l’Europe dans tous les compartiments de la puissance et est en train de créer un système mondial alternatif à travers ses banques de développement, le rattrapage militaire et tout un travail de méthodologie qui comprend des jumelages avec des régions, des villes, des firmes et autres ports italiens et slovènes. Alors, quel est l’impact de cette réalité pour l’Union européenne ? En tant que première puissance commerciale du monde, elle est d’abord un marché mais aussi une cible. Qui contrôle l’Europe contrôle le monde, selon la déclaration d’un haut responsable de la politique étrangère du comité central du parti communiste chinois. Entre achats et investissements multiples en Europe au nom d’idéologies néo-libérales, des pays comme l’Allemagne ont mis en place des changements de législations pour empêcher la prise de contrôle d’actifs stratégiques. Cette forme de réveil pour protéger les industries nationales s’accompagne aussi d’une prise de conscience du ciblage dans les Balkans. Cependant, force est de constater qu’il n’y a pas de réponse européenne à cette politique chinoise. Face à la puissance américaine qui s’accroche à ses éléments de puissance que sont l’extra-territorialité, le dollar, le budget militaire, les bases militaires et le soft power, elle semble participer au réveil d’une conscience géopolitique en Europe et à l’idée d’autonomie stratégique. Sur le plan commercial, l’Europe est en position de force mais elle se trouve en position de faiblesse en termes d’extra-territorialité du droit comme en témoigne le conflit autour de la 5G. Il va donc falloir se situer dans le cadre européen face à un paramètre structurant pour 30 ans. Quant à la Russie, c’est une puissance militaire, diplomatique, nucléaire et d’influence mais c’est aussi un pays très sensible aux sanctions pour lequel l’Union européenne constitue et reste le premier débouché commercial, notamment pour le gaz et le pétrole. Il semble nécessaire de reprendre le dialogue des deux côtés entre les deux entités. Enfin, l’environnement du Maghreb et du Proche-Orient a beaucoup de conséquences directes dans tous les domaines. L’UE se retrouve définitivement hors-jeu au plan diplomatique au Moyen-Orient. Il faut en fait laisser les puissances régionales se réorganiser et rétablir l’ordre. Ce sont elles qui possèdent la vraie maîtrise du terrain, et les Européens peuvent de leur côté essayer de faire circuler des idées sur un système de sécurité régionale sur le modèle de Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) devenue en 1994 l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il est clair que les Occidentaux et surtout les Européens n’ont plus aucun poids politique au Proche et au Moyen Orient. S’il s’agit bien de notre voisinage critique, ce n’est pas cela qui a réveillé la conscience géopolitique européenne mais plutôt la remise en cause géopolitique de l’alliance par les Etats-Unis de Donald Trump (2017 – ).

Ambassadeur Michel Foucher, Chaire de Géopolitique mondiale au Collège d’études mondiales de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (Paris) Crédit photographique : GEM

Structurer et improviser : ce sont là deux termes clés pour décrire l’Europe d’aujourd’hui. Ainsi, la crise grecque a finalement été surmontée au prix d’un choix politique par Angela Merkel de ne pas faire sortir la Grèce de la zone euro, même provisoirement. En ce qui concerne le Brexit (2016 – ), il faut rappeler qu’il ne s’agit pas d’un problème européen mais d’un problème britannique, celui du parti conservateur et du parti travailliste. Il a même renforcé l’Union européenne en témoignant de la cohésion des 27. Contrairement à tout ce qui est dit à ce propos, ce n’est donc pas une crise de l’UE mais la stratégie d’une petite fraction des conservateurs nostalgiques de l’Empire. Par ailleurs, si l’on veut aborder le sujet des problèmes internes autour des souverainismes et autres populismes, il convient de noter qu’ils concernent seulement certains Etats et non pas l’ensemble des 27 ou des 28. Qu’est ce que le populisme ? Au lieu d’une idéologie, il s’agit plutôt d’un style qui explique au peuple qu’il y a des solutions simples aux problèmes compliqués, à travers des outils simples comme le référendum et les réseaux sociaux. Est ainsi entretenue une forme de fantasme d’un peuple élu et homogène contre des dirigeants qui comploteraient contre eux. Ce style de campagne permanente met en scène des ennemis verticaux, à savoir l’Union européenne, et des ennemis horizontaux que sont l’autre et l’immigré. Pour saisir tous ces enjeux, il faudrait prêter plus d’attention aux cartes électorales. En effet, les cartes du Brexit, du Front National aux présidentielles de 2017, de l’Alternative pour l’Allemagne (en allemand : Alternative für Deutschland, AFD) dans les anciens länder allemands de l’est du pays, du vote 5 Etoiles et du vote de la Ligue en Italie disent quelque chose et définissent en réalité des zones prioritaires d’action qu’il faudrait prendre en compte. En ce qui concerne le cas polonais, il s’avère assez particulier dans la mesure où il traduit une réaction conservatrice face à une modernisation rapide, dans un pays où l’Eglise catholique a un rôle prépondérant, est une puissance financière et d’influence considérable. Elle exprime un certain malaise d’une partie de la population face à la modernisation accélérée d’un pays qui par ailleurs a un taux de croissance économique supérieur à 5%.

Suite aux élections européennes de mai 2019, peut-être pourra-t-on espérer que le Parlement européen devienne un véritable parlement, c’est-à-dire un lieu de débat. Jusqu’à maintenant, diverses coalitions rassemblaient le Parti Populaire Européen, les Socialistes européens, les Libéraux et les Verts. Cette forme de parallélisme convergent des nuances cache une absence de débat sur le fond. Il y aura sans doute après les élections des groupes dispersés qui apporteront la contradiction au projet européen habituel et connu à travers des débats, obligeant alors les pro-européens à mieux préciser les finalités de la coopération, ce dont ils se dispensent actuellement.

Finalement, il est possible de parler d’une véritable prise de conscience de ce que Michel Barnier appelle les intérêts partagés des Européens, c’est-à-dire que le monde ne leur est pas spontanément favorable et qu’ils ont des intérêts à promouvoir et à protéger. Pourtant, c’est au moment où commence à s’éveiller une conscience géopolitique qu’il y a des faiblesses internes. Autrement dit, l’Europe de l’Union progresse en tant qu’alliance d’intérêts objectifs mais elle est mise en cause comme union des valeurs.

Pour conclure, venir au monde c’est suivre le conseil de Machiavel (1469-1527) qui dit : sortez de chez vous et considérez ceux qui vous entourent. Mais comment convaincre la jeunesse de l’utilité de l’UE quand elle a tant de mal à s’incarner ? La réponse se trouve dans Education européenne (1945) de Romain Gary (1914-1980), qui rappelle la longue durée de cette coopération entre Etats nations qui ne va pas de soi. Car il faut répéter à la nouvelle génération que ça n’est pas un acquis pour qu’elle en soit consciente et qu’elle puisse prendre le relais et assumer sa part d’Europe. Enfin, n’oublions pas l’importance de l’Histoire et de la longue durée. Savoir d’où on vient et ce qui a présidé aux origines de cette communauté économique devenue Union fonde une conscience tragique historique puissante. Or, comme l’a fait remarquer l’ancien vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé, tout se passe comme si « le consensus anti-totalitaire qui a présidé à la naissance du projet européen n’était plus partagé par tous. »

 

Joséphine Boucher pour Diploweb.com

Publié le 21 août 2019

Kervasdoué – Du CETA aux particules ultra-fines, comment de vraies questions sanitaires ou environnementales se transforment de plus en plus en peurs irrationnelles

Que ce soit à la suite du rapport de l’Anses sur les dangers sur la santé des particules ultra-fines dans l’air ou à propos des normes sanitaires qui sont prévues dans le cadre du CETA, la quête de perfection en matière de santé est de plus en plus sensible dans le débat public.

Atlantico : Le rapport de l’Anses sur les dangers sur la santé des particules ultra-fines dans l’air ou le sujet des normes sanitaires prévues dans le cadre du CETA mettent en lumière la quête de perfection en matière de santé, de plus en plus sensible dans le débat public. N’y a t-il pas un manque, dans le débat d’opinion, d’appréciation rationnelle des risques sanitaires, qui peuvent être réels mais qui doivent être mesurés avec plus de nuances ?

Jean de Kervasdoué : Le rapport savant et détaillé de l’ANSES illustre la qualité des travaux récents en matière de santé et d’environnement, mais aussi les dérives de cette expertise, comme celles du principe de précaution.

Après une analyse approfondie des normes internationales en matière de particules ultrafines, fines ou grossières, de produits chimiques (sulfates, nitrates, ammonium …), de métaux (nickel, zinc, cuivre, vanadium …), de poussières diverses, d’émanation des moteurs à explosion, du charbon, du pétrole … ce rapport recense les études internationales qui montrent que, dans certaines conditions, une dose plus ou moins élevée de ces substances dans l’air peut avoir un effet soit sur la santé des animaux de laboratoire, soit sur celle des enfants, soit sur des sujets asthmatiques … La cible varie donc selon les études.

Remarquons tout d’abord que ce rapport néglige la source de loin la plus dangereuse de pollution de l’air pour les asthmatiques : le pollen ! Peut-être parce que cette pollution est « naturelle » et ses effets autrement sensibles.

Mais l’essentiel de ce rapport, on ne peut plus précautionneux, est qu’il extrapole les effets de ces polluants à des populations dont le degré d’exposition n’est pas mesuré, en supposant de surcroit que l’effet toxique est linéaire, ce qui reste à démontrer. Il aboutit ainsi, une fois encore, à une estimation absurde de 40 000 à 70 000 décès prématurés dus à la pollution de l’air, alors que la dernière estimation de l’effet sanitaire des cancers potentiellement évitables en France, le 25 juin 2018, le Bulletin hebdomadaire du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) soutient que les cancers attribuables à la pollution atmosphérique ne sont plus que 1466.

Bien entendu, il faut réduire la pollution atmosphérique, mais à quel coût ? En interdisant toute activité économique et tout transport par les véhicules propulsés par un moteur à explosion ? En interdisant toute cuisine au gaz dans une atmosphère confiné ? En exportant chez les autres la pollution comme le font les Japonais qui développent des moteurs à hydrogène chez eux en oubliant que ce gaz liquéfié a été fabriqué en Australie grâce à des centrales à charbon ?

Pourquoi ces estimations irréalistes ? Parce qu’en France sévit à la fois le principe de précaution, principe sans limite pour tout risque qui n’a pas besoin d’être avéré, principe absurde qui prétend prendre pour un risque incertain des mesures « proportionnées ». Proportionnées à quoi ?

Le coût de ces précautions hasardeuses est considérable et est, notamment, la cause   principale de la baisse de nos exportations de produits agricoles.

 

Dans le privé, nos concitoyens sont probablement moins regardant sur les pratiques et les consommations nocives. Comment expliquer ce phénomène de psychologie collective (peur dans le domaine public, et relative irresponsabilité dans le privé) ?

Les humains sont très sensibles aux risques subits et notamment aux conséquences pour eux des comportements des autres, pondèrent très différemment les risques choisis et de surcroît, dans ce dernier cas, cela se fait sans grande logique. Il serait intéressant, par exemple, de savoir combien d’adeptes d’une alimentation « bio » – au bénéfice nutritionnel non démontré – fument ou pratiquent les sports de montagne. De même, je me souviens d’une journaliste m’expliquant comment elle faisait venir à grand frais de la viande « bio », tout en m’accompagnant pour fumer sa dixième cigarette de la matinée.

Ceci a toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est à la fois la coupure des populations urbaines du monde agricole et la disparition des rites et des rythmes alimentaires. Les urbains mythifient une nature qu’ils croient bonnes. En outre, omnivores, redoutant donc toute alimentation, ils ne sont plus guidés par les rites religieux et les rythmes des repas pris en famille. A Paris, 25% des habitants ne préparent plus jamais de repas et cherchent ce qu’ils croient être bon pour leur santé.

En outre, comme la doxa de l’écologie politique diffuse dans la très grande majorité des médias, ces croyances sont renforcées par notre très naturel biais de confirmation : tout homme cherche les faits qui semblent confirmer ses croyances et ignorent ceux qui les remettent en cause. Contrairement à Saint-Thomas, on ne voit que ce que l’on croit.

Enfin, on confond risque (le fait d’avoir un couteau chez soi) et danger (celui d’être poignardé). Or, le principe de précaution voudrait nous faire croire que l’on pourrait vivre sans risque.

 

En quoi est-ce que l’importance donnée dans le droit au principe de précaution a aussi une influence sur cette question ?

Incapable de réduire le chômage, la classe politique a laissé entendre qu’elle allait pouvoir protéger la population de tout. Ainsi, les assurances sociales sont devenues la sécurité sociale et celle-ci s’est transmutée en protection sociale. Comme cela ne suffisait pas est venu le principe de précaution, dont les écologistes politiques, anticapitalistes et apôtres de la décroissance définissent les thèmes, les règles et les solutions et ainsi nourrissent l’agenda politique et confortent les croyances de la population. S’ils trouvent un terrain fertile, c’est parce que derrière toutes ces croyances se cachent le refoulement de la mort et la promesse, avec l’OMS, de la santé parfaite, « état complet de bien-être psychique, physique et mental, et pas seulement absence de maladie ».

Pourtant tout n’est pas affaire d’opinion. Si les vérités scientifiques sont provisoires, leur évolution, voire leur révolution, se produisent grâce à un processus complexe. Certes les scientifiques font mourir leurs hypothèses à leur place, mais leur débat est d’une autre nature et même si vous croyez que tout est relatif, quand vous appuyez sur la commande d’un téléviseur, vous voyez une image ! Terminons par une citation de Marie Curie. « Notre société, où règne un désir âpre de luxe et de richesses, ne comprend pas la valeur de la science. Elle ne comprend pas que celle-ci fait partie de son patrimoine moral le plus précieux, elle ne se rend pas non plus suffisamment compte que la science est la base de tous les progrès qui allègent la vie humaine et en diminuent la souffrance ».

 

Avec Jean de Kervasdoué

Publié le 18 juillet 2019 par Atlantico

Renaud Girard : « Le cancer islamiste s’incruste dans le monde »

CHRONIQUE – Depuis 2001, le cancer islamiste a plus progressé que régressé dans le monde. La contre-offensive occidentale a globalement échoué.

Presque une génération a passé depuis les attentats islamistes du 11 septembre 2001 à New York et Washington. À l’époque, du fait d’un nombre comparable de victimes américaines, les analystes du monde entier avaient comparé cette attaque à celle du 7 décembre 1941 à Pearl Harbor. Mais il fallut moins de quatre ans aux États-Unis pour détruire la menace nippone, et quelques années de plus pour transformer l’Archipel en allié stratégique en Asie, ce qu’il demeure aujourd’hui. Contrairement à leurs lointains prédécesseurs japonais, les kamikazes du 11 Septembre n’avaient pas d’État à défendre, seulement une idéologie à répandre. Force est de reconnaître que, malgré les moyens gigantesques mis par l’Amérique de George Bush dans sa contre-offensive, ces djihadistes, pour la plupart saoudiens, n’ont pas échoué dans leur opération de propagande. Depuis 2001, le cancer islamiste a plus progressé que régressé dans le monde. La contre-offensive occidentale a globalement échoué.

[…]

La suite de la chronique de Renaud Girard est disponible sur Le Figaro. 

 

Renaud Girard 

Publié le 15 juillet 2019 dans Le Figaro

Renaud Girard : « Il faut une stratégie industrielle française »

CHRONIQUE – La France n’a eu que de modestes «politiques industrielles», qui n’ont jamais servi qu’à placer des sparadraps dans des secteurs structurellement condamnés, afin d’afficher le sauvetage (toujours provisoire) de quelques emplois.

Il y a vingt ans, les Chinois admiraient encore l’industrie française. Ils nous enviaient nos «quatre A»: Alstom, Alcatel, Airbus, Areva. Aujourd’hui,ils ne nous en envient plus qu’un seul A. C’est Airbus, dont ils essaient de soutirer les secrets technologiques par tous les moyens.

Il y a seulement une génération, Alcatel caracolait dans le monde comme la plus brillante entreprise de télécommunications. Elle a fondu, à coups de dépeçages, de plans sociaux, de fusion, d’absorption. Aujourd’hui avalée par Nokia, elle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut. Parallèlement, Huawei, qui n’était à l’époque qu’un distributeur provincial chinois, est devenu un géant technologique mondial, en avance sur tous ses concurrents en matière de 5G.

Quelle explication à ce désastre pour l’économie et l’emploi français? Les Chinois ont une stratégie industrielle, alors que la France n’en a pas. […]

La suite de la chronique est disponible sur Le Figaro. 

 

Renaud Girard 

L’adieu au monde plat

PARIS – Il y a cinquante ans, on pensait que le monde n’avait rien de plat. Les pays riches dominaient les pauvres et aucune lueur n’annonçait un avenir meilleur : au fil des années les riches allaient s’enrichir d’avantage et les pauvres, s’appauvrir, au moins en termes relatifs. Des économistes comme Gunnar Myrdal en Suède, Andre Gunder Frank aux Etats-Unis et François Perroux en France annonçaient l’augmentation des inégalités entre pays, le développement du sous-développpement et le renforcement de la domination économique. Commerce international et investissements étrangers étaient considérés avec suspicion.

Ces théories ont été démenties par les faits. Le phénomène le plus important des cinquante dernières années est le rattrapage économique d’un ensemble de pays pauvres. Comme l’a montré Richard Baldwin du Graduate Institute de Genève dans un livre éclairant, The Great Convergence, ses moteurs principaux ont été le commerce international et la chute spectaculaire du coût de la mobilité des idées – ce qu’il appelle la « deuxième séparation » (entre maîtrise de la technologie et localisation de la production). D’une formule saisissante Thomas L. Friedman, du New York Times, a résumé cette nouvelle donne en 2005 : le monde est plat.

Ce nivellement des relations économiques internationales ne se limitait d’ailleurs pas à la connaissance, aux échanges et aux investissements. Il y a vingt ans, la plupart des chercheurs tenaient aussi les taux de change flottants pour un puissant facteur d’égalisation : grâce à eux, disait-on, chaque pays, petit ou grand, pouvait déterminer sa propre politique monétaire, dès lors que ses institutions de politique économique étaient solides. C’en était fini de la hiérarchie caractéristique des régimes de changes fixes. Même les flux de capitaux ont été considérés, fût-ce brièvement, comme un facteur potentiel d’égalisation. Le Fonds Monétaire International n’a-t-il pas envisagé, en 1997 de faire de leur libéralisation un objectif général ?

À la limite, dans ce monde, les États-Unis n’étaient guère qu’un pays plus gros et plus avancé que les autres. Bien sûr, cette image était exagérée. Mais les responsables politiques américains d’alors avaient eux-mêmes tendance à relativiser la singularité de leur pays et le poids démesuré des responsabilités correspondantes.

Et voici, cependant, que le monde paraît à nouveau changer de tournure. À l’heure de l’économie immatérielle, des réseaux numériques et de la finance globalisée, centralité et hiérarchies s’imposent à nouveau. Se révèle un nouveau monde qui n’a plus l’air plat du tout. Il est au contraire hérissé de pointes.

La première raison de ce changement de perspective est que dans une économie toujours plus numérique, où une part croissante des services est produite à un coût marginal nul, la création de valeur et la captation de la valeur se concentrent dans les lieux d’innovation et d’investissement immatériel, au détriment des sites de production.

Les réseaux numériques contribuent également à cette asymétrie. Il y a encore quelques années, on présumait souvent que l’internet allait devenir un réseau global point à point, dépourvu de centre. En fait, il a évolué vers un système hiérarchisé de type « moyeu et rayons ». La raison de cette évolution est avant tout technique : une telle structure est plus efficace. Mais comme l’ont récemment souligné dans un passionnant article deux spécialistes de science politique, Henry Farrell et Abraham Newman, un réseau structuré procure un avantage considérable à tous ceux qui en contrôlent les nœuds.

Cette même structure en étoile se retrouve dans d’autres domaines. La finance en présente un cas particulièrement clair. La crise financière globale a mis en évidence la centralité de Wall Street dans le réseau financier mondial, au point qu’une série de défauts dans un segment mineur du marché du crédit immobilier américain a pu contaminer l’ensemble du système bancaire européen. Elle a également révélé la dépendance des banques internationales au billet vert, et leur besoin d’accès à la liquidité en dollar. La carte des facilités de crédit accordées par la Réserve fédérale américaine à une série de banques centrales partenaires pour les aider à répondre à cette demande de liquidité fournit une image saisissante de la hiérarchie du système monétaire international.

Cette nouvelle prise de conscience de l’interdépendance internationale comporte deux conséquences majeures. La première est purement économique : les asymétries internationales croissantes sont devenues un sujet de recherche. Hélène Rey de la London Business School a réfuté l’idée dominante selon laquelle des taux de change flottants mettent les pays qui les adoptent à l’abri des aléas des cycles monétaires américains. Elle affirme au contraire que la seule manière pour un pays de se protéger d’entrées et de sorties de capitaux déstabilisantes consiste soit à piloter fermement l’évolution du crédit, soit à avoir recours au contrôle des changes.

Dans un esprit analogue, Gita Gopinath, aujourd’hui économiste en chef du Fonds Monétaire International, a mis l’accent sur la dépendance de la plupart des pays vis-à-vis du taux de change du dollar. Alors que l’approche usuelle considérait le taux de change entre le won et le réal comme le déterminant principal du commerce entre la Corée et le Brésil, la réalité, dans la mesure où les échanges de ces pays sont le plus souvent libellés en dollar, est que leurs taux de change vis-à-vis du dollar jouent un rôle plus significatif que leur taux de change bilatéral. A nouveau, ceci souligne la centralité de la politique monétaire américaine pour tous les pays, indépendamment de leur taille.

Dans ce contexte, la répartition des bénéfices de l’ouverture et de la participation à l’économie globale est de plus en plus biaisée. De plus en plus de pays se demandent quel est leur intérêt à participer à un jeu dont les gains ne sont pas distribués de manière égale, et qui leur fait perdre leur autonomie macroéconomique et financière. Le protectionnisme reste une lubie dangereuse. Mais il est devenu plus difficile d’argumenter pour l’ouverture économique.

L’autre conséquence est géopolitique : un système économique global plus asymétrique affaiblit le multilatéralisme. Il suscite au contraire une lutte pour le contrôle des nœuds de connexion des réseaux internationaux. De manière éloquente, Farrell and Newman parlent de « militarisation de l’interdépendance » pour décrire la transformation de structures économiques efficaces en machines à concentrer le pouvoir.

La brutalité avec laquelle Donald Trump utilise la centralité du système financier américain et du dollar pour contraindre ses partenaires économiques à se conformer aux sanctions économiques imposées de manière unilatérale à l’Iran ont suscité dans le monde entier une prise de conscience : le prix à payer pour l’interdépendance économique asymétrique est élevé. À coup sûr, la réplique de Pékin sera de se battre pour mettre en place ses propres réseaux et s’assurer du contrôle de leurs points de connexion. Ici encore, la victime risque d’être le multilatéralisme.

Un nouveau monde commence à émerger, dans lequel il sera très difficile de séparer l’économique du géopolitique. Un monde qui ressemble davantage à celui de Game of Thrones qu’au « monde plat » de Friedman.

Par Jean Pisani-Ferry 

Publié le 1er juiller 2019 dans Project Syndicat

Thomas Gomart : « Les diplomaties occidentales et européennes ont oublié la vertu cardinale de la prudence »

Thomas Gomart publie « L’affolement du monde : 10 enjeux géopolitiques » aux éditions Tallandier. Jean-Yves Le Drian a remis le Prix du livre géopolitique 2019 à Thomas Gomart le 18 juin dernier pour cet ouvrage. En exclusivité pour Atlantico, il décrypte les instabilités géopolitiques. 

Atlantico.fr : Contrairement à ce qui est généralement admis, vous affirmez que l’Europe et les États-Unis sont davantage responsables des instabilités géopolitiques actuelles que de la Chine et de la Russie. Comment expliquer cette situation ?

Thomas Gomart : Ce que je dis est un peu différent. Le risque géopolitique a été inventé par les Européens et les Américains pour apprécier les trajectoires d’émergence d’un certain nombre de pays. Or, aujourd’hui, ce sont les Etats-Unis et l’Union européenne qui représentent un risque géopolitique dans la mesure où ils portent plus d’incertitudes que de certitudes.

En ce qui concerne les Européens sur la cohésion de l’UE et pour les Etats-Unis sur la trajectoire qu’ils peuvent suivre. Ces incertitudes créent un effet de contraste avec les régimes autoritaires que sont la Chine et la Russie. Un effet de contraste qui, à mon avis, crée un effet de trompe l’œil.

Au bilan, on a une instabilité globale qui s’est accentuée en raison du changement de cap des Etats-Unis et de l’Europe, mais pas seulement.

Pour chaque puissance internationale (USA, Europe, Russie, Chine), vous détaillez la « conception du monde » qui correspond. L' »affolement du monde », provient-il du choc entre ces conceptions ou de la divergence de chacune par rapport au modèle occidental et libéral ?

Les deux. Effectivement, quand on regarde la conception du monde chinoise et qu’on la met en perspective, ce qui est certain, c’est qu’il y a une volonté de retrouver la centralité qu’occupait la Chine dans le monde à travers l’histoire. Du côté américain l’histoire est plus récente, mais est marquée par un leadership exercé pendant la deuxième partie du 20e siècle. La Russie repose sa vision sur le concept de solitude stratégique.

Ces trois exemples et les effets de choc qu’ils induisent montrent que le modèle de gouvernance que les Européens ont inventé et qu’ils pensaient voir se répandre est de plus en plus contesté par les logiques de puissance précédemment décrites.

Selon vous, il est difficile d’aborder sereinement le sujet russe depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014. De manière générale, l' »affolement du monde » ne proviendrait-il pas finalement de notre incapacité à traiter les problèmes avec pragmatisme, sang-froid et lucidité ? À quoi ce manque de pragmatisme est-il dû ?

L’affolement du monde est davantage éprouvé en Europe qu’ailleurs. Il y a eu de la part des diplomaties occidentales et européennes en particulier l’oubli de la vertu cardinale qu’est la prudence. En ce qui concerne la Russie c’est un problème important pour les Européens car nous avons un voisinage partagé mais la Russie est un problème secondaire sur la scène internationale si on compare avec les événements qui secouent le Moyen Orient et l’Asie Pacifique.

Aujourd’hui, quand on regarde la composition du nombre de membres permanents du Conseil de sécurité, il ne reflète plus les rapports de force globaux. À mon avis, à terme, la France, le Royaume-Uni et la Russie risquent d’être vus de manière de plus en plus illégitime de la part des puissances émergentes.

Cette absence de prudence s’explique sans doute par la perte d’une culture historique et d’une vision de moyen et de long terme : c’est le triomphe de l’immédiateté et de la communication. L’idée selon laquelle une politique étrangère se construit sur la durée se perd. Plus réactifs que créatifs, les Européens sont dans une immédiateté politique qui les empêche de penser même le moyen terme. Cela accompagne l’émergence de leaders qui n’ont pas forcément la profondeur nécessaire pour saisir des politiques de puissance inscrites dans la durée. Ces leaders sont souvent pris dans un temps politique contaminé par le temps médiatique.

Vous faites référence dans votre ouvrage à plusieurs auteurs de philosophie politique, et notamment Machiavel qui ouvre et conclut votre analyse. En quoi l’auteur du Prince donne-t-il des clés de lecture unique du monde contemporain ?

Machiavel venait écouter Jérôme Savonarole au couvent saint-Marc à Florence. Il y a une opposition pour moi entre deux types de pensée. La prédication qui fustige du Dominicain et la pensée qui dévoile les mécanismes du pouvoir chez Machiavel.

De plus, il ne faut pas oublier que Machiavel a personnellement éprouvé le mal et nous rappelle en permanence que le mal est plus significatif que le bien en politique. C’est une manière de dire que l’Historie est tragique. Ce tragique, il faut l’avoir en tête pour éviter qu’il ne se reproduise. Nous sommes face à une sorte d’amnésie dans le cadre des relations internationales qui me semble dangereuse au regard de la brutalité des temps.

Par ailleurs, Machiavel rappelle des principes élémentaires d’organisation du pouvoir. Un de ses préceptes doit toujours être conservé à l’esprit : la solidité d’un Etat dépend de celle de ses forces armées.

Avec Thomas Gomart pour Atlantico.fr

Renaud Girard : « Iran-USA : Macron et Abe doivent agir, vite ! »

Emmanuel Macron, en visite officielle au Japon, aura tout le temps pour travailler sérieusement, avec le premier ministre Shinzo Abe, sur la crise du Golfe persique.

Par une ruse positive de l’Histoire, le 26 juin 2019, se retrouveront, en tête-à-tête à Tokyo, les deux leaders les plus à même de bâtir une médiation entre Américains et Iraniens, pour mettre fin à leur dangereuse escalade actuelle, qui risque d’embraser le Moyen-Orient.

Emmanuel Macron, en visite officielle au Japon, aura tout le temps pour travailler sérieusement, avec le premier ministre Shinzo Abe, sur la crise du Golfe persique. Ce n’est en effet que le 28 juin que commence le sommet du G 20 d’Osaka, auquel participera Donald Trump.

Après que, le jeudi 20 juin, les Iraniens eurent abattu un drone de surveillance de l’US Navy (survolant les eaux iraniennes selon Téhéran, les eaux internationales selon le Pentagone), la planète frôla de près le déclenchement d’une quatrième guerre du Golfe, en l’espace de quarante ans. […]

La suite de la chronique de Renaud Girard est disponible sur Le Figaro.

 

Renaud Girard

Publié le 24/06/2019 dans Le Figaro

Election municipale à Istanbul : « Erdogan doit faire preuve d’une certaine ouverture »

La victoire d’Ekrem Imamoglu à la mairie d’Istanbul va contraindre le président Erdogan à davantage d’ouverture pour ne pas s’isoler, estime Dorothée Schmid, spécialiste des questions turques.

L’écrasante victoire dimanche de l’opposition face au candidat de Recep Tayyip Erdogan aux élections municipales d’Istanbul est un avertissement pour le président turc, estime Dorothée Schmid, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), spécialiste des questions turques.

Comment expliquer ce large revers du parti d’Erdogan aux élections municipales d’Istanbul dimanche ?

DOROTHÉE SCHMID. Il y a de nombreux facteurs. Les problèmes de politique extérieure de la Turquie, c’est-à-dire sa relation extrêmement orageuse avec les Etats-Unis ou ses difficultés militaires en Syrie, pèsent très fortement. La Turquie doit aussi se sortir de la crise économique dans laquelle elle est plongée. Tout cela donne l’impression d’un pouvoir à bout de souffle avec trop de dossiers difficiles à gérer à la fois. Pour la première fois, on sent que le colosse est beaucoup plus fragile qu’il y a deux ou trois mois.

Le manque de démocratie en Turquie a-t-il pu jouer dans la récente défaite de l’AKP, le parti d’Erdogan ?

Peut-être, mais il y a un climat liberticide en Turquie depuis longtemps déjà avec les manifestations anti-Erdogan de 2013. Il s’est renforcé avec la tentative de coup d’Etat manqué de 2016.

Que va concrètement changer cette élection municipale ?

C’est la première fois que les partis d’opposition à Erdogan arrivent à s’allier contre l’AKP, en surmontant leurs divisions. On retrouve trois groupes dans cette alliance : le CHP, c’est-à-dire le parti kémaliste de Imamoglu, quelques dissidents du parti nationaliste et le soutien d’une partie des Kurdes. Mais, le parti kémaliste doit maintenant se réformer et tenir la route après sa victoire aux municipales.

Quelle stratégie pourrait appliquer Erdogan face à ce nouveau concurrent qu’est Imamoglu ?

Erdogan a commencé sa carrière politique à Istanbul, c’est l’homme du peuple stambouliote. Cette défaite de l’AKP a donc été un choc symbolique. On a l’impression qu’il est à bout de souffle, usé. Il sera peut-être obligé de lâcher du lest. Mais le président turc est aussi capable de retournement de situation impressionnant. Le grand défi pour Erdogan, c’est de ne pas s’isoler. Il doit faire preuve d’une certaine ouverture, pratiquer le pouvoir avec plus de collégialité au sein de son parti pour éviter une dissidence.

Erdogan et Imamoglu, c’est finalement un choc entre deux personnalités très différentes ?

Oui, Erdogan joue sur le clivage et passe son temps à insulter son adversaire. Pour lui, le nouveau maire est une sorte de bobo qui n’a pas compris les besoins du vrai peuple d’Istanbul. Il le traite même de terroriste. À l’inverse, Imamoglu est quelqu’un d’assez atypique et dynamique. Il est jeune, utilise beaucoup les réseaux sociaux et parle aux minorités. Les électeurs sont satisfaits d’avoir une tête différente de celle d’Erdogan : Imamoglu incarne une nouvelle génération de politiciens plus modernes.

Peut-il être un concurrent sérieux pour Erdogan en 2023 ?

Depuis qu’Imamoglu est sorti du bois, tout le monde a cela en tête et considère qu’il a un très bon profil pour être candidat. J’imagine aussi qu’Erdogan y pense, dans ses pires cauchemars ! Mais il peut se passer tellement de choses en l’espace de trois ans… La Turquie est un pays qui bouge vite.

Par Raphaël Dupen

Publié le 24 juin 2019 dans Le Parisien

Olivier Blanchard : « Les taux vont rester durablement bas »

L’ancien chef économiste du FMI redoute que la zone euro soit mal préparée pour affronter la prochaine récession.

Ancien chef économiste du Fonds monétaire international, Olivier Blanchard appelle les Etats à sortir de l’obsession de la dette publique. Présent à Sintra (Portugal), au Forum de la Banque centrale européenne (17 au 19 juin), il souligne les marges de manœuvre que leur offrent les taux bas.

Les pays membres viennent de s’entendre sur un projet de budget pour la zone euro. Est-ce une avancée majeure, comme l’estime Bruno Le Maire ?

Je n’ai pas encore eu le temps de me pencher sur les détails, mais c’est l’embryon de quelque chose. Certains soulignent que c’est un début, d’autres, que c’est un moyen de tuer tout projet plus ambitieux. D’une certaine façon, les deux sont vrais ! Je pense que mettre le pied dans la porte est en général positif. Il est plus facile d’avancer lorsqu’une institution existe que de partir de rien. Dans tous les cas, je suis favorable à la création d’un vrai budget commun.

Alors que la croissance ralentit, vous appelez les gouvernements à réviser leur politique budgétaire à l’aune des taux bas. Que voulez-vous dire ?

Lorsque les taux d’emprunt sont bas, la dette publique s’accumule moins vite, son coût pour le budget et l’économie est plus faible. De plus, lorsque les taux sont bas, il devient difficile ou même impossible de les diminuer encore, si bien que la politique monétaire a des marges de manœuvre limitées. Dès lors, la politique budgétaire prend une importance majeure : elle est presque le seul levier susceptible d’augmenter la demande, et donc la production et l’emploi.

[…]

La suite de l’interview de Oliver Blanchard est disponible sur Le Monde.

Marie Charrel 

Publié le 20 juin 2019 dans Le Monde

The politics of the globalization backlash: Sources and implications

Logo of the Global Reasearch Unit

Abstract

A backlash against globalization has led to widespread political movements hostile both to economic integration and to existing political institutions throughout the advanced industrial world. Openness to the movement of goods, capital, and people has had important distributional effects. These effects have been particularly marked
in communities dependent upon traditional manufacturing, some of which have experienced a downward spiral from the direct economic effects of foreign competition through broader economic decline to serious social problems. Those harmed by globalization have lashed out both at economic integration, and at the elites they hold responsible for their troubles. Political discontent is in part due to failures of compensation – insufficient provision of social safety nets for those harmed by economic trends. It is also due to failures of representation – the belief that prevailing political parties and politicians have not paid adequate attention to the problems faced by large groups of voters. Countries vary on both dimensions, as do national experiences with the populist upsurge. Previously dominant socio-economic interests and political actors may act to try to address this dissatisfaction, but the path faces serious economic and political obstacles.

© 2018 by Jeffry Frieden, Harvard University. All rights reserved.

To read the full working paper, click here.

Le monde n’a plus le temps

World map

WASHINGTON – En 2015, la communauté internationale a redoublé d’efforts pour relever les défis posés à la planète, avec, notamment, deux grandes avancées des Nations Unies : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 [voté en septembre 2015] et la Conférence des parties de la Convention cadre sur le changement climatique de Paris (COP 21 [qui s’est tenue du 30 novembre au 11 décembre 2015]). Passé un premier mouvement d’enthousiasme, l’élan imprimé vers la réalisation des objectifs de développement durable et dans la lutte contre la dégradation du climat s’est pourtant essoufflé. Il semble que les mises en garde de plus en plus alarmées lancées par l’ONU ou par d’autres organismes concernant l’accélération des extinctions d’espèces, l’effondrement des écosystèmes et le réchauffement de la Terre suscitent de nombreuses réactions allergiques.

Il n’est plus temps de nous demander si le verre, eu égard aux progrès réalisés, est à moitié plein ou à moitié vide. Il n’y aura bientôt plus de verre du tout. Malgré l’attention portée par les médias aux initiatives civiles et politiques pour faire face aux crises qui s’annoncent, les tendances à long terme sont inquiétantes. Voici quelques mois, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a rassemblé les preuves écrasantes des conséquences dévastatrices qu’aura sur des milliards d’humains dans le monde un réchauffement global supérieur à 1,5° C au-dessus des niveaux préindustriels.

Un récent rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques lance un autre coup de semonce. L’activité humaine, conclut ce rapport, met en danger d’extinction un million d’espèces – chiffre sans précédent. Les océans, qui fournissent à plus de quatre milliards d’humains nourriture et moyens de subsistance, sont menacés. Si nous ne prenons pas immédiatement des mesures pour renverser ces tendances, il sera probablement impossible de rattraper le retard que nous aurons pris.

Pendant des décennies, la plupart des grandes économies se sont appuyées sur une forme de capitalisme qui assurait des bénéfices considérables. Mais nous sommes aujourd’hui les témoins des conséquences de la célèbre formule de Milton Friedman, lauréat en son temps du Nobel d’économie : « La [seule] responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître ses profits. » Un modèle de gouvernance d’entreprise fondé sur la maximisation de la valeur actionnariale a longtemps dominé notre système économique, déterminant nos cadres comptables, nos régimes fiscaux et les programmes de nos écoles de commerce.

Mais nous atteignons un point où de grands penseurs de l’économie remettent en question les fondements mêmes du système dominant. The future of Capitalisme [non traduit] de Paul CollierPeople, Power and Profits [à paraître en français] de Joseph E. Stiglitz et The Third Pillar [non traduit] de Raghuram G. Rajan examinent en détail le problème. Le système capitaliste actuel, déconnecté de la plupart des gens et sans attaches dans des territoires où il opère, n’est plus acceptable. Les systèmes ne peuvent fonctionner dans l’isolement. À la fin, la réalité s’impose : les tensions commerciales mondiales resurgissent, les nationalistes populistes arrivent au pouvoir et les catastrophes naturelles se multiplient et gagnent en intensité.

Pour le dire simplement, notre façon d’envisager le capitalisme a aggravé des problèmes sociaux et environnementaux auparavant solubles et semé de profondes divisions sociales. L’explosion des inégalités et l’intérêt exclusif donné aux résultats de court terme (c’est-à-dire aux gains trimestriels) ne sont que deux symptômes d’un système brisé.

Maintenir en état de fonctionnement une économie qui puisse soutenir les intérêts de toutes ses parties prenantes requiert que nous portions notre attention sur le long terme. D’une certaine façon, nous le faisons déjà. Mais nous devons rassembler les efforts entrepris en une campagne concertée qui engage des réformes systémiques au-delà du point critique. Ainsi seulement aurons-nous atteint une boucle de rétroaction récompensant des philosophies à long termes, des conceptions durables de la vie économique.

Le plus important est que nous ne succombions pas à la complaisance. Les tensions à court terme concernant le commerce et d’autres questions ne manqueront pas d’attirer l’attention de l’opinion et des gouvernements. Mais permettre aux premiers gros titres de nous distraire du souci de catastrophes environnementales et sociales serait manquer la forêt pour l’arbre.

Cela dit, l’élan qui conduira l’avènement d’un changement positif ne peut se fonder sur la peur. Les crises qui menacent sont aussi réelles que terrifiantes, mais les cris d’alarme semblent faire de moins en moins recette. Les gens s’immunisent contre la réalité. Le changement à long terme doit donc provenir d’un réajustement du marché et de nos structures de régulation. Si consommateurs, investisseurs et autres acteurs du marché doivent continuer de s’instruire et de se former, partant, de pousser au changement, nous devons aussi réexaminer rapidement et en profondeur les règles et les normes qui régissent aujourd’hui le capitalisme.

Les acteurs du marché qui ne changent pas de comportement doivent en assumer les coûts réels. Discours, commentaires et rapports annuels ne suffiront pas. L’économie de marché est une force puissante, qui nécessite une direction ; le compas est entre les mains des régulateurs et des acteurs du marché. Il est temps de passer aux choses sérieuses et de mettre en place les incitations et les sanctions financières qui présideront à une évolution systémique. Ce n’est qu’après les avoir instituées que nous pourrons débattre pour savoir si le verre est à moitié vide ou à moitié plein.

Traduit de l’anglais par François Boisivon

Bertrand Badré
Publié le 17/06/2019 dans Project Syndicate

Bertrand Badré, a former Managing Director of the World Bank, is CEO of Blue like an Orange Sustainable Capital. He is the author of Can Finance Save the World? 

« Sur le budget de la zone euro, le compte n’y est pas ! »

Portrait de Jean Pisani-Ferry à Rome, Italie

Après des mois de négociations, les ministres des Finances de l’Eurogroupe ont donné leur feu vert vendredi dernier à un budget de la zone euro. Doté d’une mission de « convergence et de compétitivité », il est loin de l’ambition initiale de la France de disposer d’un outil de stabilisation. L’économiste Jean Pisani-Ferry estime cette réponse très insuffisante.

Est-ce que le budget de la zone euro acté en fin de semaine par les ministres des Finances européens valait le capital politique que la France y a placé ?

Tout l’enjeu de ces discussions portait sur la création d’un instrument budgétaire commun de stabilisation de la zone euro en cas de choc important sur une économie. Ce n’est pas une lubie française, c’est la position du FMI, de l’OCDE, ou de la BCE. Un tel instrument a été proposé par la Commission et une large majorité d’économistes le soutiennent y compris des Allemands orthodoxes.  Le résultat des négociations  est que le nouvel outil exclut cette fonction de stabilisation. Il est consacré à l’appui aux réformes et aux investissements. Le glissement s’est fait par compromis successifs entre la proposition française initiale, l’accord franco-allemand qui soutenait l’objectif de stabilisation, et le résultat final où ce dernier a été abandonné.

Ce n’est donc pas une bonne nouvelle ?

Non. L’aspect positif c’est qu’on soit parvenu à consacrer un instrument pour la seule zone euro. C’est symboliquement important, comme l’a été  il y a 20 ans la création de l’Eurogroupe.

Comment expliquer la modestie du résultat ?

Par la mollesse de l’Allemagne à défendre ce projet et  la forte résistance de la coalition emmenée par les Pays-Bas avec des pays, dont la Suède et le Danemark, qui ne veulent ni financer des dépenses supplémentaires, ni laisser se créer un vrai budget pour la zone euro.

Est-ce que ce n’est pas une première étape utile ?

Je me demande s’il ne vaudrait pas mieux avouer que le compte n’y est pas. D’une certaine manière, le budget de stabilisation Macron s’est transformé en « contrat de réforme Merkel ». La ministre espagnole des Finances, Nadia Calvino a dit sans ambages qu’il vaudrait mieux en rester sur un désaccord. Le risque, c’est de cocher la case budget pour mieux oublier la stabilisation.

Vidéo intégrée

Ministerio de Economía y Empresa

@_minecogob

📽️@NadiaCalvino Estoy convencida de que un día habrá un presupuesto para la zona euro. Es imprescindible tener un instrumento fiscal que complemente la Unión Monetaria y garantice verdaderamente una estable y sólida de cara al futuro

41 personnes parlent à ce sujet

Pourtant, il y a en Allemagne des responsables politiques qui défendent une assurance chômage européenne qui est un instrument de stabilisation ?

Le ministre des Finances Olaf Scholz l’a suggéré sans aller bien loin dans sa démarche. Les Néerlandais sont contre cette idée mais en revanche ils sont favorables à un système bancaire et financier intégré sur lequel on ferait reposer cette capacité d’absorption des chocs, sur le modèle américain. C’est insuffisant mais cohérent. La réticence allemande à l’égard d’un système financier intégré, doublée d’une absence d’engagement sur la stabilisation budgétaire ne l’est guère. Toutes ces divisions envoient un mauvais signal, y compris aux marchés, car ils indiquent qu’on veut l’euro mais sans se donner les moyens d’un système robuste.

Que manque-t-il d’autre à la zone euro pour fonctionner plus efficacement ?

Il faudrait réformer les règles du Pacte de stabilité et de croissance qui sont aujourd’hui illisibles. Sanctionner un Etat au prétexte qu’il affiche un déficit budgétaire structurel dont le mode de calcul est opaque et controversé serait politiquement périlleux. Il y a un consensus pour dire que ces règles ne fonctionnent pas.  Notre groupe d’économistes franco-allemand propose de les redéfinir et de se fonder sur un objectif d’évolution des dépenses publiques . Et puis, il devient indispensable de faire progresser le rôle international de l’euro qui stagne. Le dollar n’est pas un bien public mondial, c’est un instrument de la politique de puissance américaine et les Chinois accélèrent l’internationalisation du renminbi. Deux conditions sont nécessaires pour cela : créer un actif sûr propre à la zone euro, des obligations qui pourraient être émises par le MES en contrepartie de lignes de crédit aux différents Etats de la zone euro. Et, en situation de stress, il faut prévoir que la BCE puisse fournir de la liquidité en euro à des banques centrales partenaires, ce qui n’est pas dans son mandat actuel.

Tout cela veut-il dire que la zone euro n’est toujours pas hors de danger ?

Oui, même s’il y a eu des progrès avec la supervision des banques, et  le renforcement du Mécanisme européen de stabilité (MES) créé pour assister les Etats qui perdent l’accès au marché. L’accord sur les facilités de liquidité proposées aux pays de la zone euro en difficulté passagère est utile.

Comment évaluer le risque du retour d’une crise financière spécifiquement européenne, sur les dettes publiques ?

Il y a clairement un risque italien. Les Italiens veulent rester dans l’euro, mais la dette italienne ne sera plus soutenable si les taux d’intérêt s’éloignent de leur plancher actuel et que la croissance reste extrêmement faible.  La Commission a raison d’alerter mais il ne faut pas se tromper de diagnostic : C’est vraiment la croissance qui lui a fait défaut depuis vingt ans, pas la discipline budgétaire. J’ai fait le calcul : si la France avait suivi depuis 1999 la politique budgétaire de la Péninsule, notre dette serait de 45 % seulement du PIB ! La France, elle, a eu la croissance.

Avec les taux d’intérêt actuels, est-ce le moment d’investir massivement, par exemple dans la transition énergétique ?

Oui. Le bas niveau des taux a une forte composante structurelle, en raison de l’importance de l’épargne et d’une demande soutenue d’actifs sûrs. On peut en déduire qu’ils vont rester bas un certain temps. Que faire de cette fenêtre ? La réponse économique est claire : Il faut s’en servir pour des dépenses d’investissement, comme l’écologie et les réformes – pas des dépenses courantes. Malgré son niveau d’endettement, c’est également vrai pour la France, à condition de réduire les dépenses courantes.

Mais aucun gouvernement européen ne défend cette ligne…

C’est vrai. Mais nous avons un problème « intertemporel » massif auquel il faut bien réfléchir. Rien ne justifie de faire financer notre consommation par les générations futures. Mais nous allons leur laisser une dette financière et une dette climatique. Laquelle est la plus importante ? Celles et ceux qui ont aujourd’hui 15 ans préféreront sans doute l’amélioration du climat à la réduction de la dette. L’argument traditionnel sur le fardeau aux générations futures se renverse.

Les tractations s’intensifient sur la distribution des postes en Europe. Le choix pour la BCE est-il important ou secondaire ?

Il est important. Angela Merkel poussera-t-elle la candidature de Jens Weidmann (le dirigeant actuel de la Bundesbank, NDLR) ? Je me demande s’il considère toujours que le programme d’Opérations Monétaires sur Titres (OMT) de la BCE est contraire au Traité, comme  il est allé le plaider devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe . Si oui, cela le disqualifie. Au-delà, ce n’est pas une question de nationalité mais de qualité personnelle. En cas de crise financière, il faut réagir, et bien réagir, en quelques heures. Ben Bernanke, le président de la Fed, a eu les bons réflexes en 2008 parce qu’il avait étudié les années trente. Il serait grave que le choix pour la BCE apparaisse principalement comme une question de nationalité ou que le poste serve de variable d’ajustement secondaire par rapport au choix du président de la Commission européenne.

Catherine Chatignoux et Dominique Seux
Publié le 17/06/2019 dans Les Echos

Mme Assia Bensalah Alaoui s’exprime à l’ouverture du Forum de Tunis

Tunis – Mme Assia Bensalah Alaoui, ambassadeur itinérant de SM le Roi, a souligné, mardi à Tunis, la convergence de vue entre le Président de la République française, Emmanuel Macron et Sa Majesté le Roi Mohammed VI sur l’importance du dialogue multilatéral initié dans le cadre du Sommet des deux Rives de la Méditerranée.

«Sa Majesté le Roi a une ambition immense pour la région méditerranéenne et pour les populations et particulièrement les jeunes pour leur redonner espoir et rechercher un meilleur-vivre ensemble dans le respect des diversités», a déclaré Mme Bensalah Alaoui à l’ouverture du Forum de Tunis, l’un des cinq Forums régionaux thématiques préparatoires au Sommet des deux Rives prévu le 24 juin courant à Marseille.

Elle a qualifié d’«inédit» ce projet, initié par le Président français, puisque, dit-elle, «c’est pour la première fois que des politiques acceptent de se dessaisir du contrôle d’un processus».

«C’est un projet qui donne les premiers rôles à la société civile non pas pour faire de la figuration, mais pour porter et incarner des projets qui sont concrets et qui seront mis en œuvre», a-t-elle soutenu.

Et d’ajouter qu’au fil des forums, «nous avons été extrêmement surpris par l’avalanche des projets que nous avons reçu et par la créativité de ces jeunes qu’on nous dit qu’ils sont blasés, qu’ils ne veulent pas faire de la politique, qu’ils ne s’intéressent à rien, mais nous avons eu la démonstration du contraire, un dynamisme, une énergie et un engagement sans précédent avec des centaines d’initiatives».

La méditerranée est portée par ces jeunes talents qui ont un espoir et qui ont confiance dans l’avenir et dans le «faire ensemble», a affirmé Mme Bensalah Alaoui qui a travaillé pendant plus d’un quart de siècle sur la Méditerranée, arguant que «faire ensemble est la garantie d’une meilleure intégration basée sur le concret, la communauté de vue et l’harmonisation des approches».

Notant que les projets présentés répondent aux aspirations des jeunes et ambitionnent, notamment, d’éliminer toutes les disparités entre femmes et hommes, l’ambassadeur itinérant de SM le Roi a estimé que la méditerranée a aujourd’hui besoin de changements de paradigmes et d’une économie innovante basée sur un nouveau modèle de développement inclusif.

Intervenant pour la même occasion, la présidente du Comité de pilotage du Sommet des deux Rives et chef de file pour la Tunisie, Mme Ouided Bouchamaoui, a déclaré que l’Assemblée des Cent planche sur l’examen de plusieurs projets innovants et concrets visant à transformer la méditerranée et à créer des opportunités pour les jeunes.

Elle a précisé que les projets identifiés couvrent pratiquement tous les secteurs et sont portés par la société civile. «Les projets validés lors de l’assemblée des Cent seront présentés aux ministres des affaires étrangères des Etats membres de ce dialogue multilatéral initié par le Président de la République française», dit-elle, expliquant qu’il s’agit de projets qui répondent aux objectifs de développement durable et qui tiennent compte de l’importance de la digitalisation, de la formation et de l’employabilité des jeunes.

L’Assemblée des Cent, un Comité de pilotage regroupant neuf pays de la Méditerranée occidentale de la rive Nord et de la rive Sud, s’est réuni aujourd’hui dans la capitale tunisienne pour une large consultation des représentants de la société civile des pays du bassin occidental de la Méditerranée, correspondant dans son expression politique à l’espace du Dialogue 5 +5.

Ce dialogue multilatéral initié par le Président de la République française, Emmanuel Macron, réunit le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie et Malte de la rive nord et le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie, la Libye et la Tunisie de la rive sud. Il inclut par ailleurs des partenaires européens et internationaux, à savoir l’Union Européenne, l’Allemagne, la Banque Mondiale, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) ainsi que l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, l’Agence Française du Développement, La Fondation Anna Lindh et l’Union pour la Méditerranée.

Les forums qui ont eu lieu dans 5 pays des deux rives ont vu une large participation de la société civile méditerranéenne encourageant la mise en œuvre de projets concrets, faisables et repliables basés non seulement sur l’initiative économique, mais également et essentiellement sur le respect de l’humain et le développement durable. Ils ont traité de sujets divers et variés mettant l’accent sur l’innovation, le partage des bonnes pratiques, l’inclusion et la complémentarité. Il s’agit du Forum «Énergie» (Alger 8 avril 2019), Forum «Jeunesse, éducation, mobilité» (La Valette 24 et 25 avril 2019), Forum «Économie et compétitivité» (Rabat 29 avril 2019), Forum «Culture, médias, tourism» (Montpellier 2 et 3 mai 2019) et Forum «Environnement et développement durable» (Palerme 15 et 16 mai 2019).

À travers 5 tables rondes correspondant aux 5 thématiques déjà mentionnées, Le Forum de Tunis fera la synthèse de cette large consultation et présentera la Déclaration de Tunis qui marquera l’aboutissement de cet exercice sans précédent.

Superpower scrutiny at Shangri-La

The Interpreter – The Chinese are finding they are now subject to the Spiderman rule: with great power comes great responsibility.

For the past two years, the highlight of the annual IISS Shangri-La Dialogue in Singapore was the keynote speech by the sadly departed former US defence secretary Jim Mattis. This year the task of speaking on behalf of America to the leading forum of Asian defence ministers fell to Mattis’s successor, acting defence secretary Patrick Shanahan. The American was conciliatory towards China, a message that would have been welcome to a region that generally prefers not to have to choose between Washington and Beijing.

But Shanahan doesn’t have Mattis’s authority or backstory, and his delivery was poor too (although he made a good stab at pronouncing the name of the Australian frigate HMAS Toowoomba). Watching on with several Lowy Institute colleagues, I thought it was revealing that Shanahan intervened several times to limit the number of questions put to him by delegates through the IISS director-general John Chipman. It’s always better to show confidence by taking all the questions, as Mattis did – even hard questions put by blunt Australians.

The message matters, but so does the messenger. Mattis casts a long shadow and it will be a while before Shanahan escapes it.

SINGAPORE, SINGAPORE – MAY 31: (CHINA OUT, SOUTH KOREA OUT) U.S. Acting Secretary of Defense Patrick Shanahan attends the Shangri-La Dialogue on May 31, 2019 in Singapore. (Photo by The Asahi Shimbun via Getty Images)

Shanahan wasn’t the only one to miss a note. British Secretary of State for Defence (and possible Tory leadership candidate) Penny Mordaunt was underwhelming later in proceedings. For some reason, perhaps to compliment the Chinese, she characterised the United Kingdom as a “win-win” nation, like Singapore. In fact, the UK’s strategic circumstances and foreign relations are very different from Singapore’s, and the Brits know from centuries of diplomacy that relations between great powers rarely play out on a win-win basis.

In an effort to downplay British bellicosity, Mordaunt compared future British Freedom of Navigation Operations (FONOPS) in disputed Asian waters to a ship visit to Manhattan. The only effect of this comment will be to undercut the impact of future British ship movements on the minds of those in Zhongnanhai. These are the fruits of Brexit.

The best performer on the same panel – indeed the star of the Dialogue – was French defence minister Florence Parly. Parly slayed. She was plain-spoken, tough-minded and funny. It helped that she was accompanied to Singapore by an aircraft carrier strike group: the magnificent Charles de Gaulle, which was berthed at Changi Naval Base over the weekend. Parly had some fun with Mordaunt on this point. Thank goodness for France, I thought at the end of Parly’s speech. True, the French can be frustrating – but they are also magnificently obstinate, to use Parly’s own word. These days, the West sorely needs some obstinacy.

The star of the Dialogue, French defence minister Florence Parly (Photo: International Institute for Strategic Studies/Flickr)

asked Parly about Michael Kovrig – the Crisis Group analyst from Canada who was a delegate to last year’s Dialogue but who is now in detention in China. This has had terrible consequences for Kovrig and his family – but it has also affected China, dampening intellectual exchange and making it much harder for outsiders to visit China and meet with Chinese policymakers. My question was a tough one for defence ministers, and Parly chose not to respond, but I felt it was important to say Kovrig’s name aloud.

That same afternoon there was a packed session on strategic interests and competition in the South Pacific. Australia’s Department of Foreign Affairs and Trade Secretary Frances Adamson performed impressively on the panel. When asked to comment on the likelihood of the People’s Republic of China establishing a military base in the Pacific, she deftly invited Senior Colonel Zhou of the People’s Liberation Army to answer instead – no doubt the last thing the colonel was expecting or hoping for. Zhou’s careful response – along the lines of “there is no military base” – reminded me of former US president Bill Clinton’s expert use of the present tense back in the day.

Australia has a good story to tell about its contribution to the Pacific, but our weakness is our policy on climate change – an existential issue for some Pacific island nations. Adamson put the best case she could, defending the government’s position and talking up the practical results being achieved. But Pacific discontent with Australia’s climate stance was apparent throughout the whole session. New Zealand’s Defence Minister Ron Mark made a point of praising France’s approach to the issue, for example, while remaining silent on Australia’s approach. The Fijian military chief Admiral Viliame Naupoto said that there are three strategic competitors in the Pacific – the United States, China and climate change – and climate change is winning.

This week Scott Morrison went to the Solomon Islands bearing gifts and the PM won terrific press coverage as a result. But our climate policy limits Australia’s influence and prestige in the region. It is hard to step up when our climate policy keeps pulling us down.

The following morning, China’s defence minister Wei Fenghe had his star turn at the IISS lectern – the first time in eight years that that PRC had been represented at Shangri-La at defence minister level. Whereas Shanahan had dialled the volume down on US-Chinese rivalry, Wei dialled it up – to 11. He was forthright and uncompromising, making it clear that in China’s eyes accommodation is a one-way street.

Wei took questions from the delegates with confidence. But it was also notable that his questioners piled on, raising awkward topics that the Chinese prefer not to address in public, including Xinjiang and the militarisation of the South China Sea. Often this sort of treatment is reserved for Americans; not this year. The Chinese are finding they are now subject to the Spiderman rule: with great power comes great responsibility – and great scrutiny.

Kudos to IISS for providing the forum at which power in Asia can be scrutinised.

Michael Fullilove

5G : la confrontation sino-américaine

« Technologie clé », la 5G va permettre, à brève échéance, des débits de télécommunication mobile de plusieurs gigabits de données par seconde, c’est-à-dire cent fois plus rapides que les réseaux 4G. Sa maîtrise représente donc un enjeu majeur dans la mesure où l’Internet des objets en dépend directement. De la voiture autonome à la domotique en passant par la médecine, la 5G est appelée à renforcer l’intégration et l’interopérabilité des réseaux. De nombreux essais sont actuellement à l’œuvre : le déploiement de la 5G à grande échelle pourrait commencer à horizon 2020. Compte tenu de sa dimension systémique, la 5G n’est pas une technologie comme les autres. Si un réseau 5G venait à être compromis, les effets en cascade pourraient être dévastateurs.

La Chine occupe d’ores et déjà une position dominante. Ce sont deux fournisseurs chinois – Huawei et ZTE – qui se montrent les plus innovants sur le plan technologique et les plus agressifs sur le plan commercial. Pour les États-Unis, la 5G se situe désormais au cœur de la confrontation technologique qui les oppose à la Chine. De son issue dépend le contrôle du système international. Ils mettent en garde leurs alliés contre les équipementiers chinois. L’Australie a annoncé bannir Huawei et ZTE de son marché 5G, suivie par la Nouvelle-Zélande. À l’inverse, et à l’instar de l’Union européenne, la Grande-Bretagne a indiqué qu’elle ne fermerait pas son marché à Huawei après avoir fait expertiser les systèmes par ses services de renseignement. Cette expertise a donné lieu à un « désaccord technique » entre Washington et Londres qui s’est transformé en « désaccord politique », selon la formule d’un diplomate américain. Le Conseil national de sécurité britannique, la plus haute instance en la matière, s’est profondément divisé sur ce dossier, ce qui a notamment entraîné la démission du ministre de la Défense, Gavin Williamson, soupçonné d’avoir commis des indiscrétions au sujet de cette décision, début mai. En toile de fond, l’arrestation au Canada, en décembre dernier, de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei et fille du fondateur, fait l’objet d’intenses tractations.

Cette situation invite à rappeler l’importance que les États-Unis ont toujours accordée aux Five Eyes, c’est-à-dire à leur alliance, en matière de renseignement, avec l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Bénéficiant d’un consensus bipartisan, l’administration Trump est décidée à contenir la montée en puissance de la Chine. Et décidée, si nécessaire, à le faire seule. Selon un diplomate américain, Huawei « n’est pas un fournisseur de confiance », ce qui pourrait conduire les États-Unis à « réévaluer leur capacité à partager des informations et à être interconnectés » avec les pays y ayant recours. Avec une vigueur sans précédent, l’administration Trump dénonce les vols de propriété intellectuelle et l’espionnage numérique à laquelle la Chine se livre. Si un accord avait été trouvé par l’administration Obama, le déploiement de la 5G fait aujourd’hui figure de casus belli pour Washington.

La diplomatie américaine défend désormais l’argumentaire suivant auprès de ses alliés tentés de céder aux propositions commerciales de Pékin. Premièrement, en raison de leur subordination aux services de renseignement chinois, Huawei et ZTE proposent des services nullement sécurisés. Aux risques d’espionnage s’ajoutent surtout ceux d’interruption partielle ou complète en cas de tensions ou d’affrontement. Deuxièmement, Huawai et ZTE ont organisé la transmission des données à travers des serveurs directement contrôlés par le Parti communiste chinois. Troisièmement, les entreprises chinoises se livrent à une concurrence déloyale, dans la mesure où elles bénéficient d’aides publiques massives. En outre, elles proposent des contrats de long terme destinés à construire des monopoles de fait capables d’imposer leur prix. Quatrièmement, à la différence de la 4G, la 5G, une fois déployée, menace la stabilité de l’ensemble du système en raison du pouvoir de réseau qu’elle impose.

La diplomatie américaine prend soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’une guerre commerciale : mis à part les acteurs chinois, les autres solutions ne sont pas américaines mais coréenne (Samsung) ou européenne (Nokia, Ericsson). Il se pourrait bien que la 5G offre aux Européens une occasion unique d’agir sur le plan stratégique global, à condition de se coordonner et d’investir. Encore faut-il le vouloir.

La dimension humaine doit être placée au centre de la gouvernance mondiale

La dimension humaine doit être impérativement placée au centre de la gouvernance mondiale, a indiqué, dimanche à Rabat, l’ambassadeur itinérant de SM le Roi, Assia Bensalah Alaoui.

« La dimension humaine est souvent ignorée sinon bafouée face à la montée de la violence notamment chez les régimes autoritaires et les réseaux internationaux de criminalité », a insisté Mme. Bensalah Alaoui, qui intervenait lors d’un débat à l’occasion de la 11ème édition de la World Policy Conference (WPC).

« La violence est également devenue une violence verbale voire factuelle chez certains leaders », a-t-elle déploré, notant que cette violence engendre des divisions au sein de la nation, mais également entre les nations.

Qualifiant d’inadmissible toute forme de violence, notamment celle faite aux femmes, Mme Bensalah Alaoui s’est par ailleurs félicitée de l’attribution du prix Nobel de la paix à des femmes, la Yézidie Nadia Murad et la gynécologue congolaise Denis Mukwege, y voyant une manière de réparer les injustices subies par les femmes.

D’autre part, l’ambassadeur itinérant de SM le Roi a mis en avant le lien entre la migration, l’identité et la diaspora, soulignant la nécessité de capitaliser la richesse de la diversité des cultures, qui peut être bénéfique non seulement aux pays d’accueil, mais également à ceux d’origine, comme c’est le cas avec la diaspora marocaine.

Pour sa part, le directeur de l’Observatoire « Pharos », Pierre Morel, a jeté la lumière sur l’interaction directe entre la mondialisation et la réflexion identitaire.

→Lire aussi: Nomination de Assia Bensalah Alaoui au Conseil de l’ONG «Leaders pour la paix»

L’identité est un concept complexe qui évolue avec le temps en fonction de multiples contextes, a précisé l’ancien représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale et la crise en Géorgie, appelant à ne pas radicaliser l’identité et la ramener à une seule dimension.

La religion est un élément mobilisateur de la réflexion identitaire mais ne la définit pas à elle seule, a-t-il ajouté, préconisant « le pluralisme cultuel et religieux face à l’approche réductrice de l’identité et aux réductions auxquelles sont sujets les minorités religieuses ».

Ont notamment participé à ce débat, qui a été consacré à diverses thématiques allant de la conjoncture internationale à la globalisation des firmes internationales, le senior fellow à l’OCP policy center et ancien ministre de l’Economie et des finances, Fathallah Oualalou, le vice directeur de l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO), Artem Malgin, le Doyen de l’École d’affaires publiques et internationales d’IE University, Manuel Muñiz, et le Président émérite de la Fondation McCall MacBain, ancien Secrétaire général de l’OCDE, Donald Johnston.

La 11ème édition de la World Policy Conference a réuni plus de 250 personnalités de haut niveau, de plus de 40 pays et de divers horizons, en vue d’échanger les réflexions, préoccupations et solutions autour des bouleversements incessants que connaît le monde.

Les travaux de cette onzième édition ont porté sur les enjeux du commerce international, l’éducation, le développement de l’Afrique, les questions énergétiques et le climat, l’état de l’économie mondiale et d’autres sujets.

Fondé en 2008 par Thierry de Montbrial, président de l’Institut français des relations internationales (Ifri), cet événement international a été classé 3ème meilleure conférence de think tank au monde en 2017, d’après le Global Go-To Think Tanks Index de l’Université de Pennsylvanie.

Ambassadeur itinérant de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Assia Bensalah Alaoui donne une déclaration à la MAP, dimanche (28/10/18) à Rabat, en marge de la clôture de 11ème édition de la World Policy Conference

Quelle influence en Afrique pour la France ?

REPLAY 28′. La Tribune publie chaque jour des extraits issus de l’émission « 28 minutes », diffusée sur Arte. Aujourd’hui, la France a-t-elle perdu son influence en Afrique ?
Lionel Zinsou et Marie-Roger Biloa répondent aux questions d’Antoine Glaser pour Arte

Emmanuel Macron a débuté lundi 11 mars une tournée en Afrique de l’Est où il souhaite mettre en avant la prestance des entreprises françaises afin de contrer l’influence croissante de la Chine, mais aussi de l’Allemagne, de l’Inde et de la Russie. Depuis plusieurs années, la France semble perdre son influence sur le continent africain, au point de se tourner vers des pays d’Afrique anglophone comme l’Éthiopie et le Kenya, où le président français se rendra après sa visite à son partenaire économique historique : Djibouti. Quelle stratégie la France doit-elle adopter pour rester en course ?

On en parle avec Antoine Glaser, journaliste, écrivain et spécialiste de l’Afrique, Lionel Zinsou, économiste et ancien Premier ministre du Bénin, et Marie-Roger Biloa, éditorialiste et directrice du groupe Africa International.

 

L’IMPUISSANCE STRATÉGIQUE DES OCCIDENTAUX AU MOYEN-ORIENT

Beyrouth, janvier 2019

Commencé au début de la présente décennie, le mouvement dit « des printemps arabes » a vu, au Moyen-Orient, l’affrontement entre deux idéologies, l’idéologie libérale occidentale et l’idéologie islamiste issue du mouvement des Frères musulmans. C’est une guerre dont aucune des deux idéologies n’est sortie vainqueur. C’est une guerre qui a pavé la voie au retour du fait national. Loin d’être oblitérées, les frontières sont plus marquées que jamais. Les citoyens ne croient plus à un monde arabe globalisé et modernisé par la libre expression sur les réseaux sociaux. Le rêve islamiste d’un califat réunissant tous les pays musulmans de la région est également évanoui. Le mouvement du retour à la nation continue au Moyen-Orient. Quand on regarde la région de l’intérieur, on constate que les nations ne cessent de s’y renforcer. Elles le font dans leurs rivalités comme dans les alliances qu’elles nouent entre elles ou à l’étranger.

Quand on contemple la région de l’extérieur, un phénomène est frappant en ce début d’année 2019. C’est l’impuissance stratégique de l’Occident au Moyen-Orient. Elle se voit partout, dans tous les pays.

En Syrie, l’Occident n’a pratiquement plus son mot à dire ; tout se passe au sein du club d’Astana, c’est-à-dire entre les Turcs, les Iraniens et les Russes. Les Syriens, appuyés par leurs alliés iraniens, voudraient reconquérir immédiatement la poche d’Idlib (nord-ouest de la Syrie), les Turcs eux ne veulent pas toucher au statu quo pour garder leurs alliés rebelles en place et les Russes sont favorables au contrôle par Damas de cette portion de territoire syrien, mais ils obtiennent actuellement des délais afin de privilégier une voie négociée avec les rebelles.

En Turquie, les Occidentaux n’ont pas réussi à convaincre le Président Erdogan de maintenir la trêve qu’il avait instituée avec les Kurdes en mai 2013. Les Kurdes syriens ont été les principaux supplétifs des Occidentaux dans leur guerre contre les djihadistes. Parce qu’ils sont liés aux Kurdes turcs révolutionnaires du PKK, les Kurdes syriens sont aussi devenus une cible stratégique du président turc. Ankara voit rouge dès qu’on évoque la possibilité d’un territoire autonome kurde, même en Syrie, où il existe de facto depuis 2011, sous le nom de Rojava (bande de terre courant au nord du territoire syrien, le long de la frontière turque). En mars 2018, les Occidentaux n’ont pas réussi à dissuader les Turcs de prendre aux Kurdes le contrôle du canton d’Afrin (nord-ouest du territoire syrien), et d’y installer leurs supplétifs arabes islamistes. Le 19 décembre 2018, le président Trump a annoncé qu’il allait retirer du Rojava les forces spéciales américaines (2000 soldats stationnés à Manbij, sur la rive droite de l’Euphrate). Abandonnés par les Occidentaux, les Kurdes syriens (qui sont laïcs) se tournent désormais vers le régime de Damas pour trouver une protection efficace face à l’armée turque.

Au Liban, pays créé par les Français en 1920, les Occidentaux n’ont désormais pas plus d’influence que l’Iran, dont le fils spirituel (le Hezbollah) détient un droit de veto sur toutes les décisions stratégiques du gouvernement.

Au Yémen, l’Occident s’est montré incapable d’empêcher la catastrophe humanitaire née de l’intervention, à partir de mars 2015, de ses alliés saoudiens et émiratis contre les rebelles nordistes houthis, qui tiennent toujours la capitale Sanaa.

Dans le Golfe, les Occidentaux n’ont vu qu’un réformateur dans le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salman (MBS), aveugles quant à son aventurisme militaire et à son cynisme politique. De 2012 à 2016, le Royaume wahhabite a commis trois grosses bévues de politique étrangère. Il s’est immiscé en pure perte dans la guerre civile syrienne, y finançant et y armant les rebelles les plus djihadistes, sur lesquels il a perdu tout contrôle aujourd’hui. Il s’est également immiscé dans la guerre civile yéménite, alors qu’il n’était nullement menacé par les montagnards houthistes (de confession zaïdite, proche du chiisme) qu’il combat aujourd’hui. Enfin, en juin 2017, il a imposé au Qatar un embargo terrestre, aérien et maritime, sans parvenir à faire fléchir le moins du monde le petit émirat gazier. En l’espace d’un an et demi, les Occidentaux n’ont même pas réussi à obtenir une réconciliation au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), institution de coopération entre monarchies sunnites, dont ils avaient facilité la création en 1981, afin d’endiguer l’expansion de la révolution islamique iranienne.

En Palestine, les Occidentaux ne sont pas parvenus à faire prévaloir leur solution des deux Etats, dont ils ne cessent de parler depuis 30 ans. On n’a jamais été aussi éloigné de cette solution des deux Etats et la colonisation israélienne en Cisjordanie est si avancée aujourd’hui qu’on ne voit pas très bien comment on pourrait encore y créer un Etat viable pour les Palestiniens.

En Libye, qu’on peut rattacher au Moyen-Orient tant les intérêts égyptiens, émiratis, turcs et qataris y sont importants, l’Occident a créé un chaos qu’il n’est pas capable de gérer. Les efforts de conciliation de la France, entamés par le Président Macron à La Celle Saint-Cloud le 25 juillet 2017, n’ont toujours rien donné de concret sur le terrain.

En Afghanistan (on peut mettre l’Afghanistan dans le Moyen-Orient puisque l’ONU le fait), après 17 ans de présence, les Occidentaux sont impuissants à faire prévaloir leurs vues. Les Talibans, soutenus en sous-main par les services militaires de renseignement pakistanais, font plus que jamais la loi dans les campagnes.

En Iran, malgré toutes les sanctions unilatérales supplémentaires décrétées par Trump en mai 2018, les Américains ne vont pas réussir à faire changer le régime. Les Britanniques et les Français, alliés de l’Amérique, mais favorables au maintien de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015 avec l’Iran et à la suspension des sanctions commerciales, sont dans une position d’impuissance stratégique caractérisée, car leurs banques suivent le diktat américain, par peur de représailles du Treasury de Washington. Pour survivre, l’Iran va se tourner massivement vers la Russie et vers la Chine.

Lorsque les Occidentaux expriment des vœux sur le devenir du Moyen-Orient, plus personne ne les écoute, que ce soit à l’intérieur de cette région ou à l’extérieur. Comment en est-on arrivé à une telle impuissance stratégique ? L’Occident a commis trois fautes principales.

La première est le néo-conservatisme, ce mouvement qui croit que l’on peut imposer la démocratie à des peuples étrangers par la force des armes. Quel terrible gâchis que celui de l’invasion de l’Irak en 2003, certes courageusement dénoncée par la France ! Le retrait prématuré des Américains en 2010 a été une erreur stratégique aussi profonde, parce qu’ils n’auraient dû se retirer qu’une fois l’Irak stabilisé.

La seconde faute des Occidentaux est la soumission de leurs politiques étrangères à leurs impératifs électoraux intérieurs. Des considérations de politique intérieure ne sont pas étrangères à la décision de Nicolas Sarkozy, un an avant la présidentielle, d’intervenir militairement en Libye, et à la politique de Trump avec l’Iran, pays détesté depuis quarante ans par sa base électorale. Les exemples désastreux de l’Irak et de la Libye ont convaincu les peuples orientaux que l’Occident était en définitive assez indifférent à leur bien-être, lorsqu’il intervenait militairement chez eux.

La troisième faute est l’indécision des Occidentaux. Combien de fois les Occidentaux se sont-ils montrés incapables de prendre une décision ! La proposition Tchourkine de février 2012 en donne un bon exemple. En février 2012, l’ambassadeur de Russie aux Nations Unies Vitali Tchourkine fait une proposition aux Occidentaux, c’est-à-dire aux membres du P3 (les Américains, les Français et les Anglais) parce qu’il a bien compris que le régime de Damas vacillait et qu’il fallait peut-être trouver une solution, c’est-à-dire faire partir, avec les honneurs, le Président Bachar al-Assad, afin de constituer un gouvernemment de transition. Les trois Occidentaux ensemble lui ont répondu : « Non, ce n’est pas la peine de négocier car, de toute façon, Bachar sera chassé par son peuple d’ici quelques semaines ! » Au Moyen-Orient, le wishful thinking a souvent tenu lieu de politique chez les Occidentaux.

La conséquence de ces fautes est l’effacement des Occidentaux, qui furent aussitôt remplacés par la grande puissance opportuniste de la région qu’est la Russie. La Russie a deux bases souveraines en Syrie, mais au-delà, elle a réussi le prodige de faire venir à Moscou en 2017 le Roi d’Arabie saoudite qui l’avait combattue en Syrie. Le réchauffement russo-saoudien est tel que Vladimir Poutine a apporté son soutien à MBS après l’affaire Khashoggi (opposant saoudien sauvagement assassiné le 2 octobre 2018 au Consulat saoudien d’Istanbul). « Il n’y a pas d’affaire, laissons la justice saoudienne traiter cet incident ! », a dit le maître du Kremlin. La Russie a réussi à améliorer ses relations avec un autre grand allié des Américains : Israël. On a vu Netanyahou arborer le ruban de St Georges sur la Place Rouge à côté de Poutine. La Russie est aussi en force en Egypte, où elle va construire une centrale nucléaire. Et le Général Haftar en Libye est devenu une carte russe autant qu’elle était autrefois une carte américaine.

Cet effacement de l’Occident au Moyen-Orient n’est pas une bonne nouvelle pour la région. Car les Occidentaux y ont aussi, par le passé, apporté de très bonnes idées. Pour libérer le Koweït, envahi par l’Irak le 2 août 1990, les Américains avaient constitué une large coalition militaire, comprenant de nombreux pays arabes. En octobre 1991, ils convoquaient à Madrid une vaste Conférence de paix où les Palestiniens furent invités. Moins de deux ans plus tard, le Palestinien Arafat et l’Israélien Rabin se serraient la main sur la pelouse de la Maison Blanche. Seul l’assassinat, en novembre 1995, du premier ministre israélien (par un extrémiste religieux juif) allait réussir à enrayer un processus de paix qui avait été enclenché grâce à l’impact de la Conférence de Madrid.

L’Amérique, qui n’a plus besoin du pétrole moyen-oriental, a décidé de diminuer son implication militaire et politique dans la région, où sa stratégie se limite à asphyxier les Iraniens, pour les faire changer de régime. La Grande-Bretagne et la France sont trop faibles militairement pour prétendre y rejouer un rôle important. L’impuissance stratégique de l’Occident au Moyen-Orient est donc un phénomène qui a toutes les chances de se poursuivre…

Renaud Girard